AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 30 décembre 1993, M. Henri X... et Mme Hélène Y..., épouse X... ont consenti à leurs deux enfants, Philippe et Jeanne, une donation-partage de 558 140 actions non cotées de la société anonyme ACTIV sur la base d'une valeur unitaire de 10,75 francs, soit 6 000 005 francs au total ; que des droits de mutation à titre gratuit ont été versés pour un montant de 764 150 francs ; qu'au vu des résultats comptables de la société au titre de l'exercice clos au 31 mars 1994 en baisse par rapport à l'exercice précédent, les donateurs ont invoqué une surévaluation des actions dans l'acte de donation-partage et ont sollicité la restitution partielle des droits par une réclamation qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; que M. et Mme X... ont fait assigner le directeur des services fiscaux de la Somme devant le tribunal de grande instance en restitution des droits ; que, se fondant sur l'expertise instituée par jugement avant-dire droit, le tribunal a fixé à 5,85 francs la valeur vénale de l'action au 30 décembre 1993 et condamné l'administration des Impôts à restituer la somme correspondante aux demandeurs, majorée des intérêts moratoires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le directeur général des Impôts reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions de l'article R. 202-4 du Livre des procédures fiscales que les parties disposent de deux mois à compter du dépôt du rapport de l'expert pour présenter leurs observations sur ledit rapport ; qu'en reprochant à l'administration de ne pas avoir sollicité de délai aux fins de présenter ses observations devant l'expert et d'avoir présenté ses critiques relatives au mode d'évaluation retenu par l'expert postérieurement au dépôt du rapport dans le cadre des conclusions devant la cour, la cour d'appel a violé l'article R. 202-4 du Livre des procédures fiscales ;
Mais attendu que la cour d'appel n'ayant pas déclaré irrecevables les conclusions déposées par l'administration des Impôts, le moyen, qui critique un motif de l'arrêt qui ne fonde pas la décision, est inopérant ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le directeur général des Impôts adresse le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions de l'article R. 194-1 du Livre des procédures fiscales que pour obtenir la décharge ou la réduction d'une imposition établie d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité le contribuable doit démontrer son caractère exagéré ; qu'en retenant que la preuve du caractère exagéré de l'évaluation résultait des travaux de l'expert, la cour d'appel a déchargé les redevables de l'obligation de preuve qui pesait sur eux et a en conséquence violé les dispositions de l'article R. 194-1 du Livre des procédures fiscales ;
Mais attendu qu'après avoir retenu que la charge de la preuve du caractère erroné de l'évaluation pèse sur le contribuable, l'arrêt constate que cette preuve est rapportée en l'espèce par le rapport d'expertise corroborant les éléments comptables présentés par M. et Mme X..., ce dont il résulte qu'ayant relevé le caractère probant des éléments produits par les redevables, que le rapport d'expertise avait confirmé, la cour d'appel n'a pas déchargé ces derniers de l'Administration de la preuve leur incombant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article R. 194-1 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient que l'expert s'est fait communiquer les bilans consolidés de la société ACTIV, de sorte que l'objection tirée de l'existence d'abandons de créances au profit de filiales et de provisions pour dépréciation des immobilisations financières est désormais inopérante ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans analyse, même sommaire, de l'argumentation par laquelle l'administration des Impôts contestait la méthode d'évaluation des actions litigieuses retenue par l'expert et de celle qu'elle proposait de lui substituer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 666 du Code général des impôts et R. 194-1 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que l'exactitude comptable de l'actif net de la société ACTIV permettant de calculer la valeur mathématique de l'action importe peu, dès lors que l'on dispose en l'espèce d'un prix de l'action résultant du marché au 2 septembre 1994 ; que tout au plus les erreurs invoquées par l'Administration, à les supposer avérées, entraîneraient une modification du différentiel entre le prix et la valeur mathématique à cette date et seraient donc sans effet sur le prix au 31 décembre 1993, tel que déterminé par l'expert ; que l'argument par lequel l'Administration conteste que le prix convenu au 2 septembre 1994 reflète une valeur du marché, s'agissant d'un acquéreur unique intéressé par l'affaire dont il a acquis tous les autres titres en juillet 1997 pour le prix unitaire de 5,54 francs, est inopérant, dès lors que le domaine de la distribution, activité des filiales de la société ACTIV, connaît d'importantes concentrations dans lesquelles les conditions sont dictées par les repreneurs et qu'au contraire, il existe une cohérence entre le prix déterminé par l'expert au 31 décembre 1993 et les prix résultant des cessions intervenues en septembre 1994 et juillet 1997 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, en faisant prévaloir un élément postérieur à la date de la donation-partage sur le montant de l'actif net consolidé évalué à cette date, alors que la valeur de titres non cotés en bourse doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir une évaluation aussi proche que possible de celle qu'aurait déterminée le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel à la date du fait générateur de l'impôt, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne M. Henri X... et Mme Hélène Y..., épouse X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande formée par M. Henri X... et Mme Hélène Y..., épouse X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille cinq.