AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. et Mme X... que sur le pourvoi provoqué relevé par la société WHBL 7 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 27 novembre 1992, la Société financière pour l'équipement industriel et commercial (société SOFINEC), devenue successivement la société UIC, puis la société WHBL 7, a consenti à la société Gold, qui désirait acquérir et rénover un fonds de commerce de restauration à Paris, deux prêts s'élevant respectivement à 2 100 000 et 500 000 francs dont le remboursement était garanti par le cautionnement de M. et Mme X... et de M. et Mme Y..., ses associés ; que les remboursements ayant cessé d'être assurés en 1993, la société SOFINEC, après s'être prévalue de la déchéance du terme, a introduit deux procédures en paiement, l'une contre la société Gold et Mme X... qui ont été condamnées solidairement par un jugement du 16 octobre 1996, aujourd'hui irrévocable, à lui régler le solde de sa créance, l'autre contre M. et Mme Y... et M. X... à laquelle Mme X... est intervenue volontairement ; que pour s'opposer aux réclamations qui leur étaient adressées, M. et Mme Y... ont fait valoir qu'ils avaient été déchargés de leurs engagements de caution par M. et Mme X... et que cette décharge avait été acceptée par le créancier ainsi qu'en attestait une télécopie que la société SOFINEC avait adressée à son conseil le 20 mars 1995 qu'ils produisaient, cependant que M. et Mme X... mettaient en cause la responsabilité de l'organisme prêteur, lui reprochant de s'être abstenu d'engager des poursuites contre la société Gold dès les premiers incidents de paiement, d'avoir obtenu leurs cautionnements pour des prêts excédant manifestement les capacités financières prévisibles de la débitrice principale et de n'avoir pas tenté de recouvrer ou faire recouvrer par la société Gold les indemnités d'assurance auxquelles celle-ci aurait pu prétendre après le sinistre survenu dans l'immeuble où le fonds était exploité, et invoquaient en outre des manquements de la société SOFINEC aux prescriptions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ; que, refusant d'écarter des débats la télécopie litigieuse, l'arrêt a, notamment, rejeté les demandes dirigées contre M. et Mme Y... et dit qu'en raison de l'autorité de chose jugée attachée à la condamnation prononcée contre elle le 16 octobre 1996, Mme X... était irrecevable à se prévaloir de l'inertie prétendue de la société SOFINEC et de ses manquements éventuels aux prescriptions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir exclu toute faute de l'organisme prêteur quant aux conditions dans lesquelles il avait obtenu son engagement de caution, alors, selon le moyen, que la cour d'appel aurait dû rechercher, comme elle y était invitée par ses écritures, si la banque avait pu légitimement ignorer, au vu des documents comptables, l'absence de viabilité de l'opération d'acquisition du fonds de commerce de café restaurant, si la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise à l'époque de la souscription des emprunts en novembre 1992 n'était pas à ce point manifeste que, dès mars 1993, l'emprunteur avait cessé tout règlement et si la banque n'avait pas, dans ces conditions, commis une faute en sollicitant son cautionnement alors qu'elle n'avait aucune compétence en matière de finance et de restauration et en l'incitant à se méprendre sur les risques réels de son engagement et que, faute de précision à cet égard, l'arrêt se trouve privé de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que Mme X... était associée de la société Gold à la date d'octroi des prêts litigieux et qu'elle n'établissait pas que la situation de celle-ci ait alors été irrémédiablement compromise et, en tous cas, que l'organisme prêteur l'ait su ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations dont il se déduisait que l'organisme de crédit, qui n'avait aucun devoir d'information et de conseil à l'égard de l'intéressée, laquelle disposait déjà du fait de sa qualité d'associée de tous les renseignements utiles pour apprécier l'opportunité de ses engagements ou était du moins en mesure de les obtenir, et qui ne pouvait pas non plus se voir reprocher un soutien abusif, n'avait pas engagé sa responsabilité à raison des conditions dans lesquelles il avait obtenu le cautionnement litigieux, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise que ces constatations rendaient inopérante, a justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses contestations, alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel aurait dû rechercher, comme elle y était invitée par ses écritures, si la banque avait pu légitimement ignorer, au vu des documents comptables, l'absence de viabilité de l'opération d'acquisition du fonds de commerce de café restaurant, si la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise à l'époque de la souscription des emprunts en novembre 1992 n'était pas à ce point manifeste que, dès mars 1993, l'emprunteur avait cessé tout règlement et si la banque n'avait pas, dans ces conditions, commis une faute en sollicitant son cautionnement alors qu'il n'avait aucune compétence en matière de finance et de restauration et en l'incitant à se méprendre sur les risques réels de son engagement et que, faute de précision à cet égard, l'arrêt se trouve privé de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
2 / qu'il avait la qualité, non seulement d'associé mais également de caution de la société Gold et qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée par ses écritures, si l'inertie de la banque à agir contre la société cautionnée dès le premier incident de paiement n'avait pas entraîné une augmentation de la dette et permis la poursuite d'une activité déficitaire réduisant les chances du créancier d'être payé, causant par là même un grave préjudice aux cautions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que M. X... était associé de la société Gold à la date d'octroi des prêts litigieux et qu'il n'établissait pas que la situation de la société Gold ait alors été irrémédiablement compromise et, en tous cas, que l'organisme prêteur l'ait su ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations dont il se déduisait que l'organisme de crédit, qui n'avait aucun devoir d'information et de conseil à l'égard de l'intéressé lequel disposait déjà du fait de sa qualité d'associé de tous les renseignements utiles pour apprécier l'opportunité de ses engagements ou était du moins en mesure de les obtenir, et qui ne pouvait pas non plus se voir reprocher un soutien abusif, n'avait pas engagé sa responsabilité à raison des conditions dans lesquelles il avait obtenu le cautionnement litigieux, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise que ces constatations rendaient inopérante, a justifié sa décision ;
Et attendu, d'autre part, qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, l'arrêt, qui, contrairement à ce que soutient le moyen, a bien fait la recherche prétendument omise, retient que M. X... ne rapporte aucune preuve du préjudice ayant résulté pour lui du fait que l'organisme de crédit s'était abstenu d'agir contre la société dès le premier incident de paiement ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article 1351 du Code civil ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que Mme X... ayant été condamnée par un jugement définitif à payer à la société SOFINEC la somme de 3 154 113,63 francs, elle est irrecevable à reprocher à celle-ci de n'avoir pas agi contre la société Gold dès les premiers incidents de paiement ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que le jugement du 16 octobre 1996 ayant condamné solidairement Mme X... et la société Gold au paiement des sommes restant dues sur les prêts litigieux n'impliquait pas que le tribunal se soit prononcé sur la question de la responsabilité encourue par l'organisme prêteur du chef allégué qui ne lui avait pas été soumise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1351 du Code civil ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient encore que l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 16 octobre 1996 interdit à Mme X... de remettre en cause le montant de sa condamnation en se prévalant d'un défaut d'information fondé sur l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que le jugement du 16 octobre 1996 ayant condamné solidairement Mme X... et la société Gold au paiement des sommes restant dues sur les prêts litigieux n'impliquait pas que le tribunal se soit prononcé sur la question des manquements éventuels de l'organisme prêteur à ses obligations d'information qui ne lui avait pas été soumise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa cinquième branche :
Vu les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient enfin qu'il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si le propriétaire du fonds a ou non manqué de diligence dès lors que celui-ci n'était pas partie à la procédure ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions, Mme X... adressait ce reproche non pas au propriétaire du fonds mais à l'organisme prêteur, la cour d'appel, qui a ainsi dénaturé les écritures de l'intéressée et méconnu l'objet du litige, a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi provoqué :
Sur la fin de non recevoir soulevée par la défense et tirée de ce que l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ayant été modifié par la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, le moyen serait devenu inopérant :
Attendu que, pour décider si la décision qui lui est déférée a violé la loi, la Cour de cassation ne peut tenir compte que de la législation en vigueur au moment où cette décision a été rendue sans pouvoir tenir compte d'un texte postérieur sauf lorsque celui-ci le prévoit expressément ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Que la fin de non recevoir doit dès lors être rejetée ;
Et sur le moyen :
Vu l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 7 avril 1997, applicable en la cause ;
Attendu que pour refuser d'écarter des débats la télécopie adressée le 20 mars 1995 par la société SOFINEC à son conseil qui était produite par les époux Y... et décider qu'ils rapportaient ainsi la preuve de leur décharge, l'arrêt considère que bien qu'il résulte de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi du 7 avril 1997 que les correspondances échangées entre le client et son avocat, sont couvertes par le secret professionnel, celui-ci ne protège pas un document qui, ayant été remis au conseil des époux Y... en son intégralité et par simple photocopie sans aucune confidentialité, était devenu du fait même une pièce du dossier ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce texte, qui ne comportait, à la date de l'arrêt attaqué, aucune exception, que toutes les correspondances échangées entre l'avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du premier moyen du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, dans ses dispositions relatives à M. et Mme Y... ainsi qu'à Mme X..., à l'exception, s'agissant de celle-ci, de celles ayant exclu toute responsabilité de l'organisme prêteur pour les conditions dans lesquelles il avait obtenu son cautionnement, l'arrêt rendu le 27 juin 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille cinq.