AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 30 octobre 2003), que la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF) qui servait une pension d'invalidité à M. X..., a refusé à celui-ci le bénéfice de l'allocation supplémentaire du Fonds spécial d'invalidité au motif que ses ressources excédaient le plafond applicable aux personnes célibataires auxquelles, vivant séparément de son épouse depuis plus de deux ans, il devait être assimilé en application des dispositions de l'article R. 815-30 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que la CRAMIF fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli le recours de l'intéressé alors, selon le moyen :
1 / que la séparation de fait envisagée par l'article R. 815-30 du Code de la sécurité sociale qui assimile les personnes séparées de fait ayant une résidence distincte depuis plus de deux ans aux célibataires pour l'appréciation du plafond des ressources à prendre en considération pour l'allocation supplémentaire, s'entend d'une absence de cohabitation résultant d'un libre choix des époux ; qu'elle est exclue lorsque cette absence de cohabitation résulte de circonstances étrangères à leur volonté ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que "la séparation procéderait d'un choix des époux personnel" et que M. X... "n'a pas l'intention de transporter sa résidence hors de France", établissant ainsi que les époux X... avaient volontairement fait le choix de vivre séparément et étaient donc bien séparés de fait, qu'en affirmant néanmoins que la séparation de fait n'était pas démontrée, aux motifs inopérants que les époux feraient des déclarations communes de revenus, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 815-4, L. 815-8 et R. 815-30 du Code de la sécurité sociale ;
2 / que la résidence en France est une condition requise pour l'octroi de l'allocation supplémentaire ; que la majoration accordée à une personne mariée, dépendant des ressources des deux époux, ne peut donc être accordée que lorsque son conjoint réside en France ;
qu'en affirmant que l'inexportabilité de l'allocation supplémentaire ne faisait pas obstacle à l'octroi de la majoration, y compris lorsque le conjoint réside à l'étranger, la cour d'appel a violé les articles L. 815-2, L. 815-3 et L. 815-4 du Code de la sécurité sociale ;
3 / que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'au soutien de sa demande, elle faisait valoir que la situation de l'allocataire vivant séparé de son conjoint resté dans son pays d'origine devait être assimilée à celle d'un célibataire dans la mesure où l'impossibilité de contrôler les ressources des personnes résidant à l'étranger conduit à les déclarer systématiquement sans ressources et empêche le recouvrement des allocations sur successions, ce qui crée une discrimination entre les nationaux et les étrangers dont le conjoint réside à l'étranger ; qu'en omettant de répondre, même succinctement, à ce moyen déterminant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs certain et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la séparation de fait envisagée par l'article R. 815-30 du Code de la sécurité sociale ne peut s'entendre du seul fait matériel de la résidence séparée des époux mais doit se manifester par la cessation entre eux de toute communauté de vie, tant matérielle qu'affective, de sorte que la cour d'appel en constatant dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et par motifs adoptés que la situation concrète des époux X... n'emportait pas leur séparation de fait, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, ensuite, que l'arrêt a exactement retenu que l'allocation supplémentaire était un droit personnel attaché à la personne du titulaire d'une pension d'invalidité résidant régulièrement en France ;
Et attendu, enfin, que la cour d'appel qui n'était pas tenue de répondre au simple argument tiré des difficultés d'enquête et de recouvrement alléguées, en a exactement déduit que la situation du mari ne relevait pas de l'application du plafond de ressources applicable aux célibataires et que l'allocation supplémentaire litigieuse devait être maintenue ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la CRAMIF aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la CRAMIF ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la CRAMIF à payer à la SCP Roger et Sevaux la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille cinq.