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21/04/2005 | FRANCE | N°02-21148

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 avril 2005, 02-21148


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 4 octobre 2002) et les productions, que M. Antoine X... étant présumé exercer une activité professionnelle individuelle d'intermédiaire et d'avitaillement maritime, à partir du territoire français, sans y souscrire de déclaration fiscale, le juge délégué par le président d'un tribunal de grande instance, saisi sur requête en application des dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales

a autorisé les agents habilités de l'administration des Impôts à procéder à d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 4 octobre 2002) et les productions, que M. Antoine X... étant présumé exercer une activité professionnelle individuelle d'intermédiaire et d'avitaillement maritime, à partir du territoire français, sans y souscrire de déclaration fiscale, le juge délégué par le président d'un tribunal de grande instance, saisi sur requête en application des dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales a autorisé les agents habilités de l'administration des Impôts à procéder à des visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés ;

qu'après exécution, M. Antoine X... a fait assigner en référé la Direction nationale des enquêtes fiscales aux fins de rétractation et, subsidiairement, de révision de cette ordonnance ; que ce recours ayant été déclaré irrecevable, M. Antoine X... a interjeté appel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Antoine X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable son recours en rétractation pour fraude à l'encontre de l'ordonnance sur requête ayant autorisé des visites domiciliaires, alors, selon le moyen :

1 / que selon l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles, que ce texte suppose ainsi que toute décision juridictionnelle puisse être frappée d'une voie de recours de nature à obtenir son annulation ou sa réformation, de sorte qu'en l'état de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, qui dispose que seul le pourvoi en cassation est recevable à l'encontre d'une décision autorisant une visite domiciliaire mais qui ne permet pas d'obtenir l'annulation pour fraude au jugement d'une ordonnance autorisant une visite domiciliaire, la cour d'appel n'a pu déclarer irrecevable le recours en rétractation fondé sur un moyen de fraude au jugement et priver ainsi le requérant d'une voie de recours, sans violer les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 496 et 497 du nouveau Code de procédure civile et l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

2 / que si, dès lors qu'aucune voie de recours autre que le pourvoi en cassation n'est ouverte à l'encontre des ordonnances rendues en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, les dispositions des articles 496 et 497 leur sont inapplicables, il en est autrement lorsque le pourvoi en cassation ne permet pas de faire examiner le moyen tiré de l'obtention par fraude de l'autorisation de visite domiciliaire, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 496 et 497 du nouveau Code de procédure civile et l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, dont les dispositions législatives particulières dérogent aux principes généraux du nouveau Code de procédure civile, qu'aucune autre voie de recours que le pourvoi en cassation n'est ouverte contre l'ordonnance rendue en application de ce texte afin d'autoriser les visites et saisies ; que la cour d'appel en a exactement déduit que les dispositions des articles 496 et 497 du nouveau Code de procédure civile étaient inapplicables, lesdites ordonnances n'étant pas susceptibles de rétractation ;

Et attendu que le droit à un procès équitable et à un recours effectif est assuré, d'une part, par l'intervention du juge qui vérifie le bien-fondé de la requête de l'administration fiscale, contrôle le déroulement des visites et saisies qu'il a autorisées et peut à tout moment, d'office ou à la requête des intéressés, décider l'arrêt ou la suspension de la visite tant que durent les opérations, d'autre part, par le contrôle exercé par la Cour de Cassation sur la régularité de la décision du juge ; que l'ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée constitue une mesure nécessaire à la lutte contre la fraude fiscale et que les dispositions légales assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre la fraude fiscale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. Antoine X... fait également grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable son recours en révision pour fraude à l'encontre de l'ordonnance sur requête ayant autorisé des visites domiciliaires, alors, selon le moyen :

1 / que selon l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles, que ce texte suppose ainsi que toute décision juridictionnelle puisse être frappée d'une voie de recours de nature à obtenir son annulation ou sa réformation, de sorte qu'en l'état de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, qui dispose que seul le pourvoi en cassation est recevable à l'encontre d'une décision autorisant une visite domiciliaire mais qui ne permet pas d'obtenir l'annulation pour fraude au jugement d'une ordonnance autorisant une visite domiciliaire, la cour d'appel n'a pu déclarer irrecevable le recours en révision fondé sur un moyen de fraude au jugement et priver ainsi le requérant d'une voie de recours, sans violer les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 593, 594 et 595 du nouveau Code de procédure civile et l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

2 / que s'il résulte de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales que seul un recours en cassation peut être formé à l'encontre d'une ordonnance sur requête, aux fins de vérifier la régularité formelle de la décision, cette disposition n'exclut nullement le recours en révision notamment en cas de fraude de la partie demanderesse lorsque le pourvoi en cassation ne permet pas de faire examiner le moyen tiré de la fraude de l'autorisation de visite domiciliaire si bien qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 593, 594 et 595 du nouveau Code de procédure civile et de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

3 / que M. Antoine X... est, d'un point de vue procédural, une personne visée et intéressée par l'ordonnance ayant autorisé les visites domiciliaires si bien qu'en jugeant que M. X... n'avait pas été partie ou représenté au sens de l'article 594 du nouveau Code de procédure civile pour juger irrecevable le recours en révision, la cour d'appel a méconnu le texte précité et l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

4 / que selon l'article 500 du nouveau Code de procédure civile, a force de chose jugée, le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, que tel est bien le cas de l'ordonnance rendue sur requête sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, de sorte qu'en statuant de la sorte, l'arrêt a méconnu les textes susvisés et l'article 594 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que M. Antoine X... n'ayant été ni partie ni représenté, à l'ordonnance rendue sur requête, la voie de recours en révision ne lui était pas ouverte, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 02-21148
Date de la décision : 21/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Articles 13 - Droit à un recours effectif - Violation - Défaut - Applications diverses - Exclusion du recours en rétractation à l'encontre d'une ordonnance autorisant une visite domicilaire à la requête de l'administration fiscale.

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Equité - Violation - Défaut - Cas - Effectivité du droit de recours - Applications diverses - Exclusion du recours en rétractation à l'encontre d'une ordonnance autorisant une visite domiciliaire à la requête de l'administration fiscale CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie privée - Exercice de ce droit - Ingérence d'une autorité publique - Caractérisation - Défaut - Cas - Visite domicilaire autorisée par un juge et sous son contrôle dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale IMPOTS ET TAXES - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Voies de recours - Détermination - Portée POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Procédure civile - Appel - Evocation - Domaine d'application.

1° Les dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, dont il résulte que l'ordonnance du juge qui autorise l'administration fiscale à procéder à des visites et des saisies n'est pas susceptible de rétractation selon la procédure prévue aux articles 496 et 497 du nouveau Code de procédure civile, ne contreviennent pas à celles des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le droit à un procès équitable et à un recours effectif est assuré, d'une part, par l'intervention du juge qui vérifie le bien-fondé de la requête de l'administration fiscale, contrôle le déroulement des visites et saisies qu'il a autorisées et peut à tout moment, d'office ou à la requête des intéressés, décider l'arrêt ou la suspension de la visite tant que durent les opérations, d'autre part, par le contrôle exercé par la Cour de cassation sur la régularité de la décision du juge, que l'ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée constitue une mesure nécessaire à la lutte contre la fraude fiscale et que les dispositions légales assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre la fraude fiscale.

2° RECOURS EN REVISION - Qualité - Personne partie ou représentée à l'instance - Défaut - Portée.

2° N'est pas recevable le recours en révision formé à l'encontre d'une ordonnance rendue sur requête à laquelle le demandeur en révision n'a été ni partie ni représenté.


Références :

1° :
1° :
2° :
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6, art. 8, art. 13
Livre des procédures fiscales L16 B
Nouveau Code de procédure civile 496, 497
Nouveau Code de procédure civile 594

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 04 octobre 2002

Sur le n° 1 : Sur la compatibilité des visites domiciliaires de l'administration fiscale avec le respect de la vie privée au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à rapprocher : Chambre commerciale, 1993-02-09, Bulletin 993, IV, n° 56 (1), p. 37 (rejet)

arrêt cité ; Chambre commerciale, 2000-05-16, Bulletin 2000. IV, n° 105 (2), p. 94 (rejet). Sur le n° 2 : Sur l'irrecevabilité du recours en révision liée une décision rendue en l'absence du demandeur en révision, à rapprocher : Chambre civile 3, 1991-11-27, Bulletin 1991, III, n° 296, p. 174 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 avr. 2005, pourvoi n°02-21148, Bull. civ. 2005 II N° 111 p. 99
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 II N° 111 p. 99

Composition du Tribunal
Président : M. Dintilhac.
Avocat général : M. Benmakhlouf.
Rapporteur ?: M. Loriferne.
Avocat(s) : la SCP Peignot et Garreau, Me Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:02.21148
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