AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Marc, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4ème section, en date du 6 mai 2004, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, du chef d'escroqueries, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 3 , du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1 et 434-22 du Code pénal, 156 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, 6, 8, 85, 200, 211, 212, 213, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre sur la plainte avec constitution de partie civile de Marc X..., en date du 26 mars 2002 ;
"aux motifs où à la supposer établie, l'escroquerie au jugement matérialisée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 avril 1998 était prescrite à la date du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile du 26 mars 2002 ; que la facture du 11 avril 1997 est étrangère aux motifs de l'arrêt de la chambre d'instruction de Paris, en date du 30 mars 2000, qui, se limitant à constater que la bonne foi dont elle se prévalait n'avait jamais été remise en cause, ordonnait restitution de l'esquisse saisie dans le cadre de l'information suivie du chef d'abus de confiance contre François Y..., à la Galerie des Z..., laquelle n'était pas présente à la procédure et justifiait en avoir réglé le prix ; qu'il n'y a lieu, en conséquence, à suivre du chef d'escroquerie au jugement ; que la restitution d'objet saisi en cause d'appel, de nature civile, est immédiatement exécutoire nonobstant pourvoi conformément aux dispositions de l'article 569 du Code de procédure pénale ; que la mise en vente chez Sothebys par la société Galerie des Z..., de l'oeuvre à elle régulièrement restituée au pénal par la chambre d'instruction et au civil par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 avril 1998 susvisé, après que le juge d'instruction saisi de l'information ouverte sur constitution de partie civile de Marc X... sous les qualifications d'abus de confiance et recel ait dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque de ce dernier chef, n'est dès lors constitutif d'aucune infraction ;
que non lieu sera en conséquence également confirmé de ce chef quelle que soit la qualification relevée par la partie civile (arrêt, page 4) ;
"1/ alors qu'en matière d'escroquerie au jugement, le point de départ du délai de prescription de l'action publique doit être fixé au jour où la décision obtenue frauduleusement est devenue exécutoire ; que, conformément aux dispositions de l'article 156 du décret du 31 juillet 1992, la décision de mainlevée d'une saisie-revendication prend effet du jour de sa notification ; que, dès lors, en énonçant qu'à la supposer établie, l'escroquerie au jugement matérialisée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 avril 1998 était prescrite à la date du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile du 26 mars 2002, sans préciser la date à laquelle cette décision avait été notifiée ni, par conséquent, rechercher si plus de trois années s'étaient écoulées entre le jour où l'arrêt de mainlevée est devenu exécutoire, et le dépôt de la plainte du demandeur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2/ alors que, dans son mémoire (page 5), le demandeur, partie civile, a expressément fait valoir que les manoeuvres frauduleuses entreprises par la société Galerie des Z... et Olivier A...
Z... devant la chambre de l'instruction, aux fins d'obtenir de cette juridiction la restitution du tableau litigieux, ne s'étaient pas limitées à la production de la facture d'achat du 11 avril 1997, mais avaient en outre consisté à taire sciemment la contestation de sa qualité d'acquéreur de bonne foi par Marc X... qui, quoique partie civile, n'avait pas été informé de la date de l'audience ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que la facture du 11 avril 1997 est étrangère aux motifs de l'arrêt de la chambre de l'instruction de Paris du 30 mars 2000, pour en déduire qu'il n' a pas lieu de suivre du chef d'escroquerie au jugement, sans répondre à ce chef péremptoire du mémoire de la partie civile, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"3/ alors que la chambre de l'instruction doit statuer sur chacun des faits dénoncés par la plainte avec constitution de partie civile ; qu'en l'espèce, aux termes de sa plainte du 26 mars 2002, le demandeur a notamment fait valoir que, postérieurement à l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 12 septembre 2001, ayant cassé l'arrêt de la chambre de l'instruction du 30 mars 2000 et, partant, redonné son plein effet à l'ordonnance du juge d'instruction du 28 octobre 1999 refusant toute restitution du tableau placé sous main de justice, Olivier A...
Z... et la société Galerie des Z... avaient refusé de déférer à la sommation de restitution délivrée le 31 janvier 2002 par Marc X..., et ainsi persisté à conserver la garde du tableau qui, en l'état de l'ordonnance susvisée, était placé sous main de justice ; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer que la mise en vente du tableau chez Sothebys par la société Galerie des Z... n'est constitutive d'aucune infraction, dès lors que l'oeuvre avait été régulièrement restituée au pénal par l'arrêt du 30 mars 2000, sans statuer sur le fait, dénoncé par la partie civile, que postérieurement à cette décision, et en l'état de la censure prononcée contre cet arrêt, la détention du tableau par la Galerie des Z..., contraire aux dispositions de l'ordonnance du 28 octobre 1999, était frauduleuse et caractérisait notamment le délit de détournement d'objet placé sous main de justice, prévu et réprimé par l'article 434-22 du Code pénal, la chambre de l'instruction a violé les articles 85 et 211 du Code de procédure pénale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Marc X... a porté plainte avec constitution de partie civile, le 26 mars 2002, pour escroquerie au jugement en reprochant à Olivier des Z... de B..., gérant de la société "Galerie des Z...", dernier acquéreur d'un tableau de Pissaro détourné à son préjudice par un marchand de biens, d'avoir produit en justice une facture de complaisance délivrée le 11 avril 1997 par l'un des intermédiaires, en vue d'obtenir frauduleusement deux décisions, l'une rendue par la chambre civile de la cour d'appel de Paris, le 23 avril 1998, ayant ordonné la mainlevée de la saisie- revendication pratiquée par la partie civile, l'autre, par la chambre de l'instruction de la même cour d'appel, le 30 mars 2000, ayant ordonné la restitution de l'oeuvre à la galerie des Z... ; que, le 26 janvier 2004, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt énonce, notamment, qu'à la supposer établie, l'escroquerie au jugement matérialisée par l'arrêt de la cour d'appel, en date du 23 avril 1998, était prescrite lors du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile de Marc X... ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'un arrêt civil, rendu contradictoirement, a force de chose jugée et est exécutoire dès son prononcé, indépendamment de sa notification, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise des chefs d'escroquerie et escroqueries au jugement, concernant l'arrêt de la chambre de l'instruction de Paris du 30 mars 2000, les juges du second degré, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte relatifs à ces délits et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, ont exposé les motifs pour lesquels ils ont estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits ainsi reprochés, ni toute autre infraction ;
Que le demandeur se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction, en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen, irrecevable en ses deux dernières branches et non fondé en sa première branche, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pibouleau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Challe conseiller rapporteur, MM. Roger, Dulin, Mmes Thin, A...grange, MM. Rognon, Chanut, Mme Nocquet conseillers de la chambre, M. Soulard, Mmes Salmeron, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Le Greffier de chambre