AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., engagé le 12 mars 1997 en qualité de directeur par la société Delia Finance, devenue depuis la société Marceau investissements, a pris acte le 24 décembre 1998 de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, auquel il reprochait de lui avoir imposé de passer au service d'une société Marceau projets, à laquelle un fonds de commerce avait été cédé ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Vu l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, interprété au regard de la directive n° 77/187, du 14 février 1977 ;
Attendu que, pour condamner les sociétés Marceau investissements et Marceau projets au paiement d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que la société Marceau investissements, qui soutient que le contrat de travail de M. X... a été transféré automatiquement à la société Marceau projets par l'effet de l'article L. 122-12, à la suite de la cession du fonds de commerce de conseils en matière de restructuration industrielle, ne démontre pas que cette cession consentie pour un franc corresponde au transfert effectif "d'une entité économique entendue comme un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique", alors que le salarié, qui a été le seul directeur transféré, fait valoir sans qu'aucun élément vienne contredire ses dires qu'il faisait le même travail que les autres directeurs, a continué à travailler dans les mêmes locaux, pour les mêmes clients et sous la subordination de Georges Y... après octobre 1997 et qu'il a perçu une prime exceptionnelle en mars 1998 de la société Marceau investissements ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ces seules circonstances ne suffisaient pas à exclure le transfert à la société Marceau projets d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et dont M. X... aurait relevé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte suvisé ;
Et sur la quatrième branche du moyen :
Vu l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, interprété au regard de la directive n° 77/187, du 14 février 1977 ;
Attendu que la cour d'appel a également relevé qu'à supposer que les conditions d'application de l'article L. 122-12 du Code du travail soient réunies, il avait été convenu entre les parties que la société Delia Finances devait obtenir l'accord du salarié en cas de transfert à une nouvelle entité, ni la directive 77/187, ni l'article L. 122-12 du Code du travail n'interdisant que les parties conviennent de demander son accord au salarié, avant le transfert ; qu'alors que la société ne démontre pas avoir sollicité l'accord de M. X..., ni même l'avoir informé de son transfert au sein de la société Marceau projets, il apparaît que celui-ci a pris à bon droit acte de la rupture, laquelle doit s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et non en démission, comme l'employeur l'a analysé à tort dans le courrier du 30 mars 1999 et dans l'attestation Assedic ;
Attendu, cependant, que lorsque les conditions d'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail sont remplies, le changement d'employeur s'impose tant aux employeurs successifs qu'aux salariés concernés ; qu'en conséquence, il ne peut être dérogé aux effets de ce texte par des conventions particulières, subordonnant le changement d'employeur à l'accord préalable du salarié ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la cinquième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Marceau projets et Marceau investissements ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille cinq.