AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X..., épouse Y..., a intenté une action en divorce à l'encontre de son époux ; que, par arrêt du 16 décembre 1996, il lui a été enjoint de remettre à un séquestre, sous astreinte, un certain nombre d'oeuvres d'art garnissant le domicile conjugal, dont la jouissance lui avait été attribuée par l'ordonnance de non-conciliation ; que, le 27 décembre 1996, Mme X... a fait donation à ses enfants, Mathieu et Mathilde Y..., de la nue propriété d'un immeuble situé à Nevez (Finistère) acquis à son seul nom, les époux Z... étant soumis au régime de la séparation des biens ;
que le juge de l'exécution a liquidé à trois reprises le montant de l'astreinte ; que, sur constitution de partie civile de M. Y..., la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles a confirmé, le 23 novembre 2000, le jugement ayant prononcé la relaxe de Mme X... poursuivie sur le fondement de l'article 314-7 du Code pénal, pour organisation frauduleuse d'insolvabilité ; que l'arrêt attaqué, d'une part, a fait droit à l'action paulienne intentée par M. Y... et a prononcé l'annulation de la donation consentie, le 27 décembre 1996, par Mme X... à ses enfants, et, d'autre part, a révoqué la donation des deniers consentie par M. Y... à son épouse ayant permis l'acquisition de l'immeuble de Nevez ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que Mme X... et ses enfants font grief à l'arrêt d'avoir méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, en ayant retenu que, par la donation, le 27 décembre 1996, de la nue-propriété de l'immeuble de Nevez, Mme X... avait organisé son insolvabilité, alors que l'arrêt pénal de la chambre des appels correctionnels avait jugé du contraire ;
Attendu que l'arrêt attaqué, qui retient que Mme Y... a conclu l'acte litigieux dans l'intention délibérée de se prémunir contre les poursuites de son mari, ne se heurte pas à l'autorité de la décision pénale qui, faute d'éléments légal et matériel, a estimé inutile de rechercher s'il existait une intention frauduleuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la troisième branche du premier moyen :
Vu l'article 1167, ensemble l'article 1315 du Code civil ;
Attendu que, pour prononcer la révocation de la donation consentie par Mme X... à ses enfants, portant sur la nue-propriété de l'immeuble de Nevez, l'arrêt retient que, par cet acte, Mme X..., qui ne prouve pas posséder d'autres biens que cet immeuble, a appauvri son patrimoine, rendant illusoire pour M. Y... le recouvrement de sa créance ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le créancier, qui n'est pas investi de droit particulier sur certains biens de son débiteur, ne peut faire révoquer les actes faits par ce dernier en fraude de ses droits que s'il établit, au jour de l'acte litigieux, l'insolvabilité au moins apparente de celui-ci, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour prononcer la révocation de la donation consentie par M. Y... à son épouse, donation de deniers ayant permis l'acquisition de l'immeuble de Nevez, l'arrêt retient que Mme X... ne soutenait plus que la remise de cette somme constituait la rémunération de sa collaboration à l'activité professionnelle de son mari ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions Mme X... soulevait, à titre subsidiaire, le caractère rémunératoire de cette libéralité, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ses écritures, violant ainsi le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande de condamnation de Mme X... d'avoir à lui payer une certaine somme au titre du prix de vente de la propriété de Chauvincourt, l'arrêt rendu le 11 avril 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant aux autres dispositions, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. Patrick Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Patrick Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille cinq.