AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X... du désistement partiel de son pourvoi formé contre la société Union de crédit pour le bâtiment ;
Attendu que, selon acte authentique dressé par Mme X..., notaire, les consorts Y... ont vendu aux époux Z... une maison d'habitation dont le prix était payable, pour partie, au moyen d'un prêt consenti par l'Union de crédit pour le bâtiment (UCB) et, pour le solde, au moyen des deniers à provenir de la vente d'un appartement des acquéreurs ; que, l'UCB voulant bénéficier d'une inscription en premier rang de son privilège de prêteur de deniers, les vendeurs lui ont consenti une cession d'antériorité et ont renoncé à l'action résolutoire jusqu'au remboursement du prêt ; que les époux Z... ne s'étant pas acquittés du solde du prix, les consorts Y... les ont assignés en même temps que le notaire, également appelé en garantie par les défendeurs ; que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné solidairement les époux Z... à payer aux consorts Y... le principal restant dû, les clauses pénales et les intérêts contractuels et avait condamné Mme X... "à relever et garantir les époux Z... de cette condamnation à l'égard des consorts Y... pour non-respect de son obligation de conseil", et, en outre, a condamné le notaire "à garantir les époux Z... de la moitié des clauses pénales et intérêts contractuels courant sur le principal" ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt :
Attendu que c'est sans contradiction et par des dispositions dépourvues d'ambiguïté que l'arrêt a, d'une part, par motifs propres et adoptés, condamné le notaire, au titre de sa responsabilité envers les consorts Y..., à garantir à leur égard l'exécution de la condamnation prononcée à l'encontre des époux Z..., et, d'autre part, par motifs propres, retenu que ce même notaire n'était tenu, au titre de sa responsabilité à l'égard de ces derniers, qu'à les indemniser partiellement de leur préjudice ;
Que le moyen manque en fait en ses deux branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, au titre du manquement à son obligation de conseil envers les consorts Y..., à garantir à leur égard l'exécution de la condamnation au paiement du solde du prix de vente de la maison, des clauses pénales et des intérêts contractuels, prononcée à l'encontre des époux Z..., alors que, selon le moyen :
1 / est seul sujet à réparation le préjudice certain ; qu'en condamnant le notaire à garantir MM. Y... du paiement de leur créance par les époux Z..., sans préciser que cette garantie ne pourrait être exigée qu'après que toute mesure de recouvrement dirigée contre les débiteurs se soit avérée impossible et, notamment, que la sûreté profitant aux consorts Y... se soit révélée inefficace, la cour d'appel aurait violé l'article 1382 du Code civil ;
2 / est seul sujet à réparation le préjudice certain ; qu'il incombe au créancier qui demande à être indemnisé de la perte d'une créance de prouver l'impossibilité définitive de la recouvrer ; qu'en condamnant le notaire à garantir MM. Y... de l'exécution de la condamnation prononcée à l'encontre des époux Z... au motif qu'il n'était pas démontré que la sûreté dont ces derniers disposaient ait permis le paiement de leur créance, quand il leur appartenait d'établir l'existence d'un préjudice certain et l'inefficacité de cette sûreté, la cour d'appel aurait inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;
3 / en toute hypothèse, le dommage dont la réalisation est entachée d'aléa consiste en une perte de chance dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue ; qu'en affirmant que le dommage résultant de ce que le notaire n'avait pas mis en garde les vendeurs des risques inhérents à l'octroi d'un crédit aux acquéreurs consistait en la perte du prix de vente, bien qu'elle ait relevé que les deux parties avaient souhaité réaliser la vente en dépit des difficultés auxquelles se heurtait le financement de l'opération, ce qui rendait incertaine la décision des vendeurs s'ils avaient été mieux informés, et, partant, rendait incertaine la possibilité d'éviter le dommage qui aurait été finalement subi, la cour d'appel aurait violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté que les époux Z... n'avaient pas payé aux consorts Y... le solde du prix de vente de la maison et qu'il n'était pas démontré que la revente de celle-ci permettrait, après désintéressement de la banque, créancière des acheteurs défaillants, de payer les vendeurs, a exactement retenu qu'était certain l'entier préjudice de ces derniers, sans inverser la charge de la preuve qu'il incombait au notaire de rapporter au soutien de l'allégation de l'efficacité de leur sûreté et par une appréciation souveraine des circonstances de fait quant à l'intention des parties de réaliser l'opération en dépit des difficultés de financement rencontrées ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à indemniser les époux Z... à concurrence de la moitié des clauses pénales et des intérêts contractuels mis à leur charge, alors, selon le moyen :
1 / que le notaire peut s'exonérer en tout ou en partie de sa responsabilité en raison de la faute commise par son client qui a délibérément dissimulé une information importante ; que Mme X... avait souligné dans ses conclusions que les époux Z... avaient commis une faute en taisant l'existence des inscriptions grevant leur appartement dont le prix de vente devait servir à financer le prix de l'acquisition de la maison ; qu'elle ajoutait que le caractère délibéré de cette faute, commise dès la conclusion de la promesse préalable à l'acquisition de la maison, était confirmée par la dissimulation volontaire de la vente de l'appartement qui devait révéler l'existence de ces inscriptions ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel aurait méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que toute faute du client, même postérieure au manquement imputé au notaire, peut exonérer ce dernier de sa responsabilité ; qu'en affirmant que la faute des époux Z... qui avaient délibérément omis d'informer le notaire de la vente de leur appartement, afin de lui dissimuler l'existence des inscriptions grevant ce bien, était postérieure à l'intervention de l'officier ministériel et ne pouvait, pour cette seule raison, l'exonérer de sa responsabilité, la cour d'appel aurait violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la dissimulation de la vente de leur appartement par les époux Z... était postérieure à la conclusion de l'acte authentique de vente, ce dont il résultait qu'elle était sans lien de causalité avec leur préjudice, découlant de la faute du notaire et consistant en la perte de chance de ne pas conclure un tel acte en vertu duquel étaient mis à leur charge les pénalités et les intérêts contractuels dus aux consorts Y..., et ayant adopté les motifs du jugement selon lesquels le notaire avait omis de lever un état des inscriptions sur l'appartement des époux Z..., lequel état aurait permis à ce notaire de pallier la dissimulation par ceux-ci de ces inscriptions, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Mais, sur le troisième moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt :
Vu l'article 562 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en infirmant le jugement entrepris et en condamnant Mme X..., appelante principale, à indemniser les époux Z... à concurrence de la moitié des clauses pénales et des intérêts contractuels mis à leur charge, quand seule Mme Z... avait formé un appel incident et que M. Z... était défaillant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement par voie de retranchement en ce qu'il a condamné Mme X... à "garantir M. Z... de la moitié des clauses pénales et intérêts contractuels courant sur le principal de 220 000,00 francs (33 538,78 euros)", l'arrêt rendu le 9 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille cinq.