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22/02/2005 | FRANCE | N°03-14668

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 février 2005, 03-14668


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Eurodirect-Société européenne de routage (la société Eurodirect), créée en 1980 et titulaire de la marque "Eurodirect" enregistrée en 1988 pour désigner des produits et services relevant des classes 9, 35, 38, 39, 41 et 42, a agi en contrefaçon de marque et violation de son droit à dénomination sociale à l'encontre de la société Euro Direct, constituée et immatriculée sous cette dénomination

en 1988, titulaire de la marque "Euro Direct" déposée le 13 octobre 1993, pour des...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Eurodirect-Société européenne de routage (la société Eurodirect), créée en 1980 et titulaire de la marque "Eurodirect" enregistrée en 1988 pour désigner des produits et services relevant des classes 9, 35, 38, 39, 41 et 42, a agi en contrefaçon de marque et violation de son droit à dénomination sociale à l'encontre de la société Euro Direct, constituée et immatriculée sous cette dénomination en 1988, titulaire de la marque "Euro Direct" déposée le 13 octobre 1993, pour des produits et services relevant des classes 6, 7, 8, 9, 11, 12, 35 et 37 ; que la société Euro Direct ayant, en cours de procédure, renoncé à sa marque pour les classes 9 et 35, puis déposé, le 2 février 1999, la marque "Euro Direct" en classe 16 pour les catalogues de vente par correspondance, la société Eurodirect, après le rejet de son opposition par le directeur général de l'Institut de la propriété industrielle, a étendu son action judiciaire à l'annulation de ce dépôt de marque ; que la société Eurodirect marketing, devenue entre-temps cessionnaire de la marque "Eurodirect", dont la société Eurodirect était devenue licenciée, est volontairement intervenue à l'instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Euro Direct fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elle avait violé, par l'usage à titre de dénomination sociale du mot Eurodirect, le droit de la société Eurodirect sur sa dénomination sociale, de lui avoir en conséquence interdit d'utiliser ce mot à titre de dénomination sociale et à quelque titre que ce soit, d'avoir ordonné la destruction de tous ses documents commerciaux et publicitaires comportant le mot Eurodirect, et de l'avoir condamnée à payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1 / qu'ayant constaté que la dénomination sociale de la société Eurodirect avait été Eurodirect-Société européenne de routage, puis Eurodirect marketing, la cour d'appel ne pouvait retenir, pour apprécier l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public, que la société Euro Direct avait adopté la même dénomination que celle de la société Eurodirect en la reproduisant totalement ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations de fait au regard de l'article 1382 du Code civil ;

2 / qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que seule la clientèle de la société Eurodirect, et non la société Eurodirect elle-même, a pour activité la vente par correspondance ; qu'en affirmant néanmoins que les deux sociétés, la société Eurodirect et la société Euro Direct, avaient leur activité principale dans la vente par correspondance, pour en déduire que l'identité prétendue de leur dénomination sociale était source de confusion, l'arrêt attaqué n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations de fait et a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que la société Euro Direct n'ayant pas contesté devant les juges du fond l'identité entre sa dénomination sociale et celle de la société Eurodirect, le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Et attendu, d'autre part, qu'en retenant que les deux sociétés avaient leur activité principale dans le domaine de la vente par correspondance, la cour d'appel n'a pas méconnu les conséquences de ses constatations portant sur les modalités respectives de leur intervention dans ce secteur ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé en sa seconde branche ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Euro Direct fait en outre grief à l'arrêt de lui avoir interdit d'utiliser le mot Eurodirect à titre de nom de domaine internet et à quelque titre que ce soit, d'avoir ordonné la destruction de tous ses documents commerciaux et publicitaires comportant le mot Eurodirect, et de l'avoir condamnée à payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1 / qu'un nom de domaine, qui reproduit une marque antérieure, constitue une contrefaçon s'il existe une identité ou une similitude entre le contenu du site internet auquel s'applique le nom de domaine et les services ou produits visés dans le dépôt de la marque ;

qu'en omettant de rechercher si la société Eurodirect avait déposé sa marque pour des produits ou services présentant une similitude avec le contenu du site internet désigné par les noms de domaine eurodirect.fr et euro-direct.fr, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

2 / que l'utilisation d'un nom de domaine, reproduisant tout ou partie d'une dénomination sociale antérieure, peut être interdite comme constituant un acte de concurrence déloyale si le site internet, par son contenu, sa présentation ou ses services en ligne, risque d'être attribué par les internautes à la personne morale désignée par la dénomination sociale ; que faute d'avoir procédé à une analyse du contenu ou de la présentation du site internet ouvert par la société Euro Direct, sous les noms de domaine eurodirect.fr et euro-direct.fr, et constaté que les internautes risquaient d'attribuer ce site à la société Eurodirect, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un risque de confusion, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que le débat des parties n'ayant porté que sur les noms de domaine de ce site, la cour d'appel n'était pas tenue de se livrer à des recherches, qui ne lui étaient pas demandées quant à son contenu ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 711-4 et L. 713-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour annuler le dépôt de la marque du 13 octobre 1993, au motif qu'il porte atteinte aux droits antérieurs de la société Eurodirect sur sa dénomination sociale, la cour d'appel retient que le principe de spécialité des marques est inopérant dans un conflit entre dénomination sociale et marque postérieure ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'indisponibilité d'un signe résultant d'une dénomination sociale antérieure s'apprécie au regard du risque de confusion impliquant l'examen des produits ou services désignés au dépôt de la marque postérieure, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles L. 711-4 et L. 713-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour annuler le dépôt de marque du 13 octobre 1993, au motif qu'il porte atteinte aux droits de la société Eurodirect sur sa marque antérieure, la cour d'appel retient encore qu'il a déjà été démontré, dans le cadre de l'examen d'antériorité entre la dénomination sociale et la marque postérieure, que le risque de confusion existe, et, à titre surabondant, qu'un catalogue de vente, d'une part, et des services liés à une activité de distribution, sous toutes les formes, directement ou indirectement, de produits ou de services par support publicitaire, d'autre part, désignent des services similaires ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la marque incriminée était déposée en diverses classes, pour désigner des produits ou services ne se rattachant pas tous à la vente par correspondance, et sans rechercher si ces autres produits ou services étaient identiques ou similaires à ceux désignés par la marque arguée de contrefaçon, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé le dépôt de marque effectué par la société Euro Direct le 13 octobre 1993, l'arrêt rendu le 26 février 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Eurodirect-Société européenne de routage et la société Eurodirect marketing aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 03-14668
Date de la décision : 22/02/2005
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (1re chambre civile), 26 février 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 fév. 2005, pourvoi n°03-14668


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:03.14668
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