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22/02/2005 | FRANCE | N°03-10408

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 février 2005, 03-10408


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 30 octobre 2002), que la société Auchan France (la société) a obtenu, le 10 octobre 2000, l'autorisation de la Commission nationale d'équipement commercial (CNEC) d'étendre de 1 000 m son hypermarché de Bias (Lot-et-Garonne) ; que la Fédération des unions commerciales (la Fédération) a obtenu, le 24 novembre 2000, du juge des référés du tribunal de grande instance d'Agen une ordonnance sur requête désignant un géomètre-exper

t et un huissier aux fins de se rendre dans le magasin Auchan de Bias pour établ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 30 octobre 2002), que la société Auchan France (la société) a obtenu, le 10 octobre 2000, l'autorisation de la Commission nationale d'équipement commercial (CNEC) d'étendre de 1 000 m son hypermarché de Bias (Lot-et-Garonne) ; que la Fédération des unions commerciales (la Fédération) a obtenu, le 24 novembre 2000, du juge des référés du tribunal de grande instance d'Agen une ordonnance sur requête désignant un géomètre-expert et un huissier aux fins de se rendre dans le magasin Auchan de Bias pour établir un plan des lieux avec description des surfaces d'exposition et de celles réservées au personnel et à la circulation des clients ; qu'après exécution de cette mission, la société a, par acte du 20 juillet 2001, sollicité la rétractation de l'ordonnance précitée ; que cette demande a été rejetée le 4 octobre 2001 par le président du tribunal de grande instance d'Agen ; que l'arrêt attaqué a confirmé cette ordonnance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu'est irrégulière, pour violation du principe de la contradiction, l'ordonnance, rendue sur requête d'une partie, sans que la partie adverse ait eu connaissance des pièces qui avaient été jointes à la requête ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, après avoir admis la régularité de la procédure sur requête poursuivie par la Fédération des unions commerciales, a rejeté la demande en rétractation présentée par la société Auchan France, alors que les pièces visées par la requête ne lui avaient pourtant pas, en méconnaissance du principe du contradictoire, été adressées, a violé les articles 494 et 495 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que le juge des référés avait constaté l'existence d'une liste détaillée des pièces produites à l'appui de la requête pour justifier des demandes présentées, versée sous forme de bordereau, dont il était fait mention dans l'ordonnance sur requête, laquelle avait été signifiée à la société appelante ; que, de ces constatations souveraines dont il résultait que la société avait été en mesure de prendre connaissance des pièces en cause, elle a pu déduire que les prescriptions de l'article 494 du nouveau Code de procédure civile avaient été respectées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la demanderesse au pourvoi reproche encore à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 / que les juridictions de l'ordre judiciaire ne sont pas compétentes pour ordonner une mesure d'instruction in futurum dès lors que le fond du litige est susceptible, même pour partie, de relever des juridictions administratives ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est reconnue compétente, alors que le litige remettait en cause la décision administrative autorisant l'agrandissement de l'hypermarché de Bias, appartenant à la société Auchan France, a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs, en violation des prescriptions de la loi des 16 et 24 août 1790, ainsi que du décret du 16 fructidor an III ;

2 / que si la législation de l'urbanisme commercial peut parfois trouver sa sanction dans des actions en concurrence déloyale, c'est à la condition que l'autorisation en cause ait été préalablement déclarée illicite par le juge administratif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a estimé, en présence d'une autorisation administrative exécutoire d'extension de la surface de l'hypermarché de Bias, que des actes de concurrence déloyale étaient susceptibles d'être commis par la société Auchan France, a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs, en violation des prescriptions de la loi des 16 et 24 août 1790, ainsi que du décret du 16 fructidor an III ;

3 / que la portée et l'étendue de l'autorisation d'extension d'un grand magasin constituent des questions ressortissant à la compétence exclusive des tribunaux administratifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, en définissant la mission dévolue à l'huissier et au géomètre, s'est prononcée sur la portée d'une décision administrative, qui s'était pourtant bornée à autoriser la société Auchan France à agrandir son hypermarché de Bias, sans que cette autorisation soit assortie de la moindre charge, a violé les prescriptions de la loi des 16 et 24 août 1790, ainsi que du décret du 16 fructidor an III ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant précisé que la mission contestée n'avait pas pour objet de remettre en cause l'autorisation de la CNEC, dont elle reprenait les mentions, mais de faire en sorte, à partir des constatations de la situation existante, que le respect de cette autorisation dont l'objectif était strictement précisé par la CNEC puisse être ultérieurement vérifié, ce dont il résultait que la compétence du juge judiciaire ne pouvait être sérieusement contestée, le moyen est inopérant en ses trois branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société reproche enfin à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 / que les juges du fond ne peuvent motiver leur décision au moyen d'affirmations générales ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a ordonné, à la requête de la Fédération des unions commerciales, une mesure d'instruction in futurum, concernant l'hypermarché de Bias, exploité par la société Auchan France, en justifiant sa nécessité, au moyen d'affirmations générales, a méconnu les prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'une mesure d'instruction in futurum ne peut être ordonnée qu'à la condition d'être nécessaire à la conservation des preuves indispensables à la solution d'un éventuel litige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a ordonné une mesure d'instruction in futurum, concernant l'hypermarché de Bias, alors que rien ne laissant présager le moindre comportement fautif de la part de la société Auchan France, qui s'était bornée à obtenir, dans des conditions parfaitement régulières, une autorisation d'extension de la surface de son hypermarché, a violé l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que le juge, qui ordonne une mesure d'instruction avant tout procès, doit caractériser les faits dont la preuve doit être préservée, ainsi que le litige susceptible d'en naître ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a ordonné une mesure d'instruction in futurum, concernant l'hypermarché de Bias, sans préciser les faits dont la preuve devait être conservée, non plus que les litiges susceptibles d'en découler, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé, tant par motifs propres qu'adoptés, qu'il existait un risque de dépréciation de la preuve selon la manière dont l'autorisation en cause pouvait être appréciée et serait effectivement mise en oeuvre, de sorte qu'il était nécessaire, pour la Fédération, d'obtenir une "photographie" de l'existant sans laisser à la société Auchan le temps de réorganiser ses conditions d'exploitation ;

qu'une action en concurrence déloyale devant le juge judiciaire pourrait naître à l'occasion de l'autorisation d'extension, laquelle mentionnait que cette opération avait, selon le projet, pour objet exclusif d'améliorer les conditions d'accueil et de confort de la clientèle ; que, sans procéder par voie d'affirmation générale, elle a légalement justifié sa décision d'ordonner une mesure d'instruction "in futurum" ;

D'où il suit que le moyen nest fondé en aucune de ses trois branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Auchan France aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 03-10408
Date de la décision : 22/02/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen (1re chambre civile), 30 octobre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 fév. 2005, pourvoi n°03-10408


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ANCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:03.10408
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