AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Gabriel X... est décédé le 19 février 1992, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme Juliette Y..., à laquelle il avait fait donation de l'usufruit de l'universalité de ses biens et leurs deux enfants, Mme Josette de Z... et M. Jean-Max X... ; qu'il a institué ce dernier légataire de la quotité disponible et lui a consenti, par acte du 10 novembre 1982, un bail emphytéotique portant sur un terrain comprenant le site préhistorique de La Roque Saint-Christophe ; que Mme de Z... a assigné sa mère et son frère, ainsi que la société La Roque Saint-Christophe par lui créée, afin d'entendre ordonner les opérations de compte, liquidation et partage de la succession ; que, par un premier arrêt, la cour d'appel a définitivement jugé que le bail emphytéotique conclu au bénéfice de M. Jean-Max X... lui conférait un avantage indirect rapportable à la succession, a commis expert afin de déterminer la valeur patrimoniale de cet avantage, a précisé que les fruits et revenus de l'exploitation du site préhistorique depuis l'ouverture de la succession jusqu'au partage devaient être rapportés à la succession et a invité les parties à s'expliquer sur le sort des revenus tirés de ce bail antérieurs à la date d'ouverture de la succession ;
Sur le deuxième moyen, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que Mme de Z... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé irrecevable, comme se heurtant à la chose jugée, sa demande tendant à voir juger que la clientèle attachée au fonds du site de La Roque Saint-Christophe dépend de l'indivision successorale, celle-ci n'ayant pu être transférée à son frère par le bail emphytéotique, lequel ne pouvait porter que sur des droits réels immobiliers, au motif que par un précédent arrêt du 9 juillet 1996, pour partie avant dire droit, aurait été définitivement rejetée la notion d'exploitation d'un fonds de commerce ;
Mais attendu que, par son précédent arrêt, la cour d'appel a jugé que M. Jean-Max X... était "tenu de rapporter à la succession de Gabriel X... l'entière valeur du droit d'exploitation et de jouissance par lui exercé sur le site de La Roque Saint-Christophe en vertu du bail emphytéotique" ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à éclairer, par ses motifs, sans pour autant conférer à ceux-ci l'autorité de la chose jugée, a caractérisé l'avantage indirect consenti par le défunt à son fils par le biais de ce bail emphytéotique en retenant l'importance des revenus qu'il tirait de son exploitation par rapport à la modique redevance à sa charge ;
qu'en ayant ainsi statué, par des dispositions devenues définitives, la cour d'appel a exclu la notion de fonds de commerce ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence d'autorité de chose jugée n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que Mme de Z... fait grief à l'arrêt attaqué de ne pas avoir retenu comme donation indirecte, ouvrant droit à rapport, les revenus tirés par son frère, M. Jean-Max X..., de l'exploitation du site de La Roche Saint-Christophe entre la date de prise d'effet du bail emphytéotique, et celle du décès de leur père ;
Attendu qu'après avoir retenu que M. Jean-Max X... était tenu de rapporter la valeur du droit de jouissance et d'exploitation du site préhistorique, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a souverainement estimé, s'agissant des fruits perçus de 1983 à 1992, que les termes du bail ne permettaient pas de retenir l'existence d'une intention libérale de la part de Gabriel X... ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le quatrième moyen, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que Mme de Z... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à une certaine somme, suivant sa valeur au 1er janvier 1996, soit à une date bien antérieure à celle du partage à intervenir, celle du droit de jouissance et d'exploitation du site de La Roche Saint-Christophe consenti par leur père à M. Jean-Max X... ;
Mais attendu que, dans ses conclusions d'appel, Mme de Z... s'en rapportait à la sagesse de la Cour quant au montant de la valeur de ce droit, dont M. Jean-Max X... devait le rapport, tout en précisant qu'il ne saurait être inférieur au montant retenu par l'arrêt ; que, dès lors, Mme de Z... n'est pas recevable à présenter un moyen contraire à ses propres écritures ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 564 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ;
qu'en matière de partage, les parties sont respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, de telle sorte que toute demande doit être considérée comme une défense à la prétention adverse ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable les demandes en cause d'appel de Mme de Z... tendant, d'une part, à la caducité du legs consenti par Gabriel X... à son fils, M. Jean-Max X..., d'autre part, à se voir reconnaître, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, une créance à l'encontre de la succession pour l'indemnisation d'une perte de droits à la retraite, l'arrêt énonce qu'il s'agit de demandes nouvelles formulées pour la première fois en cause d'appel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé irrecevables les demandes en caducité de legs et en reconnaissance d'une créance pour perte de droits à la retraite que lui présentait Mme de Z..., l'arrêt rendu le 7 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne M. X..., la société La Roque Saint-Christophe et Mme A..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des parties en défense ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille cinq.