AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la caisse d'assurance maladie des professions libérales a notifié à Mme X..., avocate exerçant sa profession à titre libéral, le 1er avril 1995 un appel provisionnel de cotisations sociales calculé sur les bénéfices déclarés par l'assurée en 1993, le 18 avril 1995 une décision rectificative prenant en compte une baisse de ses revenus de l'année 1994 et le 1er octobre 1996 une demande complémentaire de cotisations régularisant sa situation sur la base des bénéfices déclarés en 1995 et du décret n° 95-98 du 31 janvier 1995 pris pour l'application de l'article 33 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 ; que déboutant Mme X... de son recours, la cour d'appel (Bordeaux, 26 mars 2003) a jugé quémis à titre provisionnel, l'appel de cotisations du 18 avril 1995 ne constituait pas une décision définitive en matière d'assiette et que le calcul des cotisations versées par l'intéressée au titre de la période du 1er avril 1994 au 31 mars 1995 n'étant pas soumis aux dispositions de la loi précitée du 11 février 1994, il ne pouvait avoir pour base les revenus de l'année 1994 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen, que l'article 131-6 du Code de la sécurité sociale résultant de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 dispose que les cotisations sont calculées, chaque année, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu professionnel de l'avant dernière année ou des revenus forfaitaires, qu'elles font ensuite l'objet d'un ajustement provisionnel calculé en pourcentage du revenu professionnel de l'année précédente, que lorsque le revenu professionnel est définitivement connu, elles font enfin l'objet d'une régularisation, et que par dérogation à ces dispositions, " la cotisation peut, à la demande de l'assuré, être calculée à titre provisionnel sur la base d'une assiette forfaitaire inférieure, dès lors que les éléments d'appréciations fournis par celui-ci sur l'importance de ses revenus professionnels, au cours de l'année au titre de laquelle la cotisation est due, établissent que ses revenus sont inférieurs à l'assiette retenue en application de cet alinéa" ; qu'en l'espèce au titre de la période de cotisation du 1er avril 1995 au 31 mars 1996, la Caisse a admis, à titre de régularisation, par décision du 18 avril 1995, que la première fraction semestrielle de cotisations correspondant à la période du 1er avril au 30 septembre 1995 soit calculée, non pas sur la base d'une assiette forfaitaire, mais en fonction des revenus professionnels de Mme X... en 1994 ; que la Caisse ayant accepté par sa décision du 18 avril 1995, de faire application non pas du système mis en place par la loi du 11 février 1994, mais de la législation antérieure plus favorable en l'espèce pour l'assurée sociale, viole le principe de l'autorité de la chose décidée l'arrêt attaqué qui admet que la caisse a pu ultérieurement revenir sur cette décision et faire application à Mme X... de la législation de 1994 pour la période considérée ;
Mais attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt et de la procédure que "la rectification de situation" notifiée à Mme X... le 18 avril 1995 concernait l'appel de cotisation provisionnelle du 1er avril 1995, émis par application de l'article D.612-2 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors en vigueur, au titre de la période du 1er avril 1994 au 31 mars 1995, sur la base des revenus de l'année 1993 et que cette nouvelle évaluation fondée sur les bénéfices de l'année 1994 faisait suite à la requête de l'intéressée invoquant une baisse de revenu au titre de ce dernier exercice ; que la cour d'appel en a exactement déduit que cette décision intermédiaire n'avait aucun caractère définitif et qu'elle n'avait pu conférer aucun droit à l'intéressée concernant le calcul de régularisation à intervenir au titre de la période de cotisation litigieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, que la loi n° 94-126 du 11 février 1994 qui a ajouté un nouvel article L.131-6 au Code de la sécurité sociale et son décret d'application du 31 janvier 1995 qui a modifié l'article D.612-2 du même Code étant entré en vigueur respectivement les 1er janvier 1995 et 31 janvier 1995, viole ces textes l'arrêt attaqué qui refuse d'en faire une application immédiate à Mme X... pour la période de cotisations d'assurance maladie du 1er avril 1994 au 31 mars 1995 et de prendre en considération comme base de calcul des cotisations au titre de cette période ses revenus en 1994, ces textes prévoyant une régularisation à effectuer le 1er octobre suivant l'expiration de la période considérée, soit en l'espèce le 1er octobre 1995 ;
Mais attendu que si en l'absence de dispositions transitoires expresses, la loi nouvelle saisit immédiatement les situations juridiques en cours, elle ne peut modifier les conséquences que ces situations ont déjà produites ; qu'ayant justement relevé que la loi n° 94-126 du 11 février 1994 modifiant l'assiette de calcul des cotisations litigieuses était entrée en vigueur le 1er janvier 1995 et que son décret d'application modifiant l'article D.612-2 du Code de la sécurité sociale relatif aux échéances provisionnelles de ces cotisations et à leurs modalités de calcul, était intervenu le 31 janvier 1995 (JO du 2 février 1995), la cour d'appel a exactement décidé que les dispositions introduites par ces textes devaient s'appliquer immédiatement à l'appel de cotisations ayant suivi leur entrée en vigueur soit celui concernant la période du 1er avril 1995 au 31 mars 1996, mais qu'elles ne remettaient pas en cause les appels de cotisations opérés antérieurement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille cinq.