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11/01/2005 | FRANCE | N°04-86210

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 janvier 2005, 04-86210


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de Me SPINOSI, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle GHESTIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Karine,

- Y... Emile,

contre l'arrêt de la chambre de l

'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, en date du 8 septembre 2004, qui les a renvoyés dev...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de Me SPINOSI, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle GHESTIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Karine,

- Y... Emile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, en date du 8 septembre 2004, qui les a renvoyés devant la cour d'assises de MAINE-ET-LOIRE sous l'accusation, la première, de tortures ou actes de barbarie sur mineur de quinze ans par ascendant, agressions sexuelles aggravées et autres délits connexes et, le second, de complicité de ces crimes et délits ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Karine X..., et pris de la violation des articles 222-1 et suivants, 222-22 et suivants du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, violation du principe non bis in idem, violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Karine X... devant la cour d'assises du chef de tortures ou actes de barbarie sur son fils mineur de quinze ans, et du chef d'agressions sexuelles sur son fils mineur de quinze ans ;

"alors, d'une part, que les mêmes faits ne peuvent être poursuivis sous une double qualification ;

qu'il résulte des constatations des juges du fond que ce sont les mêmes faits - masturbation de la mère sur le corps et le visage de son fils - qui ont été qualifiés, à la fois, d'actes de tortures ou de barbarie, et d'agressions sexuelles aggravées ; que la chambre de l'instruction a ainsi méconnu le principe de l'interdiction de double incrimination des mêmes faits, et les droits de la défense ;

"alors, d'autre part, que l'élément matériel du crime de tortures ou actes de barbarie ne peut résulter que dans le fait d'infliger des souffrances spécialement étudiées et aiguës, dépassant par leur intensité le résultat de simples violences volontaires ; que ni la perversité supposée des auteurs, ni l'existence de souffrances ne caractérisent cet élément matériel caractéristique du crime retenu ;

"alors, encore, que l'élément intentionnel du crime de tortures ou actes de barbarie résulte d'un dol spécial, consistant dans l'intention spécifique, dûment caractérisée et constatée, de faire souffrir de façon aiguë la victime en souhaitant particulièrement ce résultat ; que la seule constatation de souffrances subies par l'enfant, ou de la "volonté" de le faire souffrir, sans constater que le but de l'auteur était précisément d'arriver spécifiquement à ce stade de souffrance aiguë, ne caractérise pas le dol spécial nécessaire à la caractérisation du crime ;

"alors, enfin, qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que Karine X... faisait valoir qu'elle n'avait été incitée par son compagnon aux actes qu'on lui reprochait que sous l'influence de l'alcool et de la drogue que celui-ci lui avait fait prendre, ce qui était exclusif de sa part du dol spécial propre à l'infraction ; que, en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale" ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Emile Y... et pris de la violation des articles 222-1, 222-3 du Code pénal, 214, 215, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Emile Y... devant la cour d'assises, d'une part, pour le crime de complicité de tortures ou actes de barbarie par ascendant sur mineur de 15 ans et, d'autre part, pour le délit de complicité d'agression sexuelle sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité ;

"aux motifs qu'il est établi qu'au moins à deux reprises, Karine X... s'est masturbée sur le corps et le visage de son fils Killian ; contrairement aux assertions d'Emile Y... qui, par le truchement de son conseil, a indiqué "qu'à aucun moment l'enfant ne risquait d'étouffer" et que la volonté de Karine X... n'était pas d'infliger des souffrances aiguës à sa victime, la qualification criminelle visée d'acte de barbarie doit être retenue ; le visionnage de la cassette saisie établit en effet formellement que l'enfant se débat, que son visage est rouge et congestionné, que ses pleurs, mode d'expression adapté à son âge, sont ininterrompus malgré la présence d'une tétine que la mère doit d'ailleurs remettre à plusieurs reprises et qu'il hurle et se contracte dans des convulsions de plus en plus violentes ; que sans conteste, il souffre ; la répétition d'agressions filmées, un premier film ayant été jugé de mauvaise qualité, selon un mode opératoire similaire à celui utilisé lors des pratiques zoophiles des mis en examen, caractérise un comportement empreint de perversité visant à porter atteinte à la dignité et à l'intégrité physique d'un enfant âgé de vingt mois au moment des faits ; il existe ainsi, contrairement à ce qui est soutenu dans les mémoires déposés par les conseils de Karine X... et d'Emile Y..., des charges suffisantes pour retenir les

éléments matériels et moral des actes de torture et barbarie, en sus de la qualification d'agressions sexuelles, l'un n'étant nullement exclusive de l'autre, comme en témoignera la rédaction de l'alinéa 2 de l'article 222-3 du Code pénal, selon lequel "l'infraction définie à l'article 222-1 est également punie de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'elle est accompagnée d'agressions sexuelles autres que le viol" ;

"alors que, d'une part, aux termes de l'article 222-3, alinéa 2, les agressions sexuelles lorsqu'elles accompagnent les actes de torture et de barbarie constituent une circonstance aggravante de ce crime et ne sauraient être poursuivies distinctement ;

"alors que, d'autre part, n'a pas caractérisé l'élément moral du crime de tortures ou d'actes de barbarie consistant à nier dans la victime la dignité de la personne humaine la chambre de l'instruction qui s'est bornée à relever que constituait un comportement emprunt de perversité visant à porter atteinte à la dignité et à l'intégrité physique d'un enfant âgé de 20 mois au moment des faits, la répétition d'agressions filmées, un premier film ayant été jugé de mauvaise qualité, selon un mode opératoire similaire à celui utilisé lors des pratiques zoophiles des mis en examen" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance renvoyant Karine X... et Emile Y... devant la cour d'assises sous l'accusation, notamment, de tortures ou actes de barbarie sur mineur de quinze ans par ascendant et agressions sexuelles sur mineur de quinze ans par ascendant, et de complicité de ces crimes et délits, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen proposé pour Emile Y... ;

Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction, qui a répondu comme elle le devait aux articulations essentielles des mémoires dont elle était saisie, a caractérisé, au regard des articles 222-1 et 222-3, avant dernier alinéa, ainsi que 222-27, 222-29, 1 , et 222-30, 2 , du Code pénal, les circonstances dans lesquelles la première aurait commis le crime de tortures ou actes de barbarie sur mineur de quinze ans par ascendant et le délit connexe d'agressions sexuelles sur mineur de quinze ans par ascendant, de même que celles dans lesquelles le second se serait rendu complice de ces infractions ;

Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;

Que, par ailleurs, les demandeurs sont sans intérêt à reprocher à la chambre de l'instruction de les avoir renvoyés devant la cour d'assises à la fois du chef du crime de tortures ou actes de barbarie sur mineur de quinze ans par ascendant et de celui du délit connexe d'agressions sexuelles aggravées, plutôt que d'avoir retenu ces agressions comme la circonstance aggravante du crime, telle que prévue par l'article 222-3, alinéa 2, du Code pénal, dès lors qu'en cas de double déclaration de culpabilité, seules pourront être prononcées les peines encourues pour l'infraction la plus sévèrement réprimée, conformément à l'article 132-3 dudit Code ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Palisse, Le Corroller, Castagnède conseillers de la chambre, Mmes Gailly, Guihal, M. Chaumont, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Fréchède ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-86210
Date de la décision : 11/01/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, 08 septembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jan. 2005, pourvoi n°04-86210


Composition du Tribunal
Président : Président : M. FARGE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.86210
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