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11/01/2005 | FRANCE | N°04-84196

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 janvier 2005, 04-84196


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Christian,

- X... Irmine,

- X... Isabelle

- X... Maguy, épouse Y...,

- X... Marcellus,

- X... Pétronille, parties civiles,

contre l'arrêt

de la cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 15 juin 2004, qui les a déboutés de leurs de...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Christian,

- X... Irmine,

- X... Isabelle

- X... Maguy, épouse Y...,

- X... Marcellus,

- X... Pétronille, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 15 juin 2004, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Pierre Z... du chef d'homicide involontaire ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles R. 233-2, R. 233-3, R. 233-13-7, R. 233-13-8, R. 233-13-18, R. 233-13-19, R. 233-34 du Code du travail, 121-3 et 221-6 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant relaxé le prévenu du chef d'homicide involontaire et partant déclaré irrecevable la constitution de partie civile des consorts X... ;

"aux motifs que, "aux termes de l'ordonnance de renvoi il est reproché à Pierre Z... d'avoir par imprudence ou négligence involontairement causé la mort d'Hervé X... ; qu'au regard des dispositions de l'article 121-3 du Code pénal (loi du 10 juillet 2000), applicable en l'espèce, il convient de rechercher si Pierre Z... qui n'est pas à l'origine directe de la mort d'Hervé X... est responsable pénalement du dommage s'il est établi qu'il a, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait Hervé X... à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; qu'aux termes de l'acte de poursuite il n'est pas reproché à Pierre Z... la violation d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; que la violation d'une telle obligation n'est d'ailleurs pas plus démontrée, étant observé que l'existence d'une responsabilité générale du chef d'entreprise ne peut, à elle seule, justifier de retenir celui-ci dans les liens de la prévention ; qu'Il convient donc de déterminer si le prévenu a commis une faute caractérisée au sens de l'article 121-3 susvisé ; qu'aux termes de son rapport d'expertise M. A..., expert désigné par le juge d'instruction conclut que l'accident de travail dont a été victime Hervé X... n'est pas dû à une utilisation fautive de l'engin piloté par celui-ci (engin à 4 roues motrices contant Quattro) mais à l'inadaptation de l'engin à effectuer une tâche dangereuse (la pose de poteaux EDF) ; que compte tenu de la configuration des lieux, les précautions d'utilisation auraient dû être définies dans le cadre d'une analyse des risques de cette opération en raison du caractère exceptionnel du site (pente très importante, exiguïté des lieux), des caractéristiques de l'engin et des compétences du personnel tant au niveau de l'exécution que de l'encadrement ; que l'expert ajoute que le travail effectué par la victime le jour de sa mort n'était pas de sa compétence, Hervé X... ayant une expérience trop courte pour pouvoir appréhender tous les aspects techniques de l'opération menée et prendre en compte la sécurité des personnes, et que Henri X... aurait dû être spécialement encadré ou conseillé dans l'exécution de ce travail qui revêtait un caractère dangereux ; que ceci étant, ainsi que l'ont souligné à juste titre les premiers juges, l'instruction a permis d'établir que c'est M. B..., chargé d'affaires au sein de l'entreprise SCLET, qui suivait les chantiers, une fois ceux-ci attribués avec le chargé d'affaires d'EDF, et qui prenait note des décisions relatives à l'exécution des chantiers ; c'est également lui qui a déterminé les emplacements et le type de poteaux à implanter ; que M. C..., chef d'équipe, avait reçu les directives de M. B... quant au déroulement du chantier ;

que M. D..., conducteur des travaux, qui avait formé lui-même Hervé X... (celui-ci étant déjà titulaire de certificats d'aptitude à la conduite des engins de travaux publics), a précisé que celui-ci avait exécuté des travaux plus difficiles que ceux au cours duquel s'est produit l'accident ; que M. D... et M. C... ont confirmé qu'ils connaissaient les limites d'utilisation de l'engin Quattro, tout comme la victime, et le fait qu'il fallait éviter de mettre l'engin en devers transversal, ce que n'a pas fait Henri X... qui a placé son engin en travers de la montée pour déposer un poteau entreposé sur l'engin, cette manoeuvre ayant déséquilibré l'engin qui a basculé dans la pente ; qu'enfin, contrairement à l'avis de l'expert A..., tant M. B... que MM. D... et C... ont indiqué que ces travaux n'étaient pas particulièrement dangereux, voire plutôt faciles ;

qu'en l'état de ces éléments, il est constant que Pierre Z... n'est pas intervenu sur le chantier, ne l'a pas négocié lui-même avec EDF, et a laissé son équipe habituelle préparer et exécuter les travaux ; qu'Il n'est pas non plus démontré qu'il avait connaissance des restrictions d'utilisation de l'engin utilisé par Hervé X... ;

qu'ainsi s'il peut être reproché au prévenu une sous-évaluation des risques encourus, cette mauvaise appréciation ne suffit pas à caractériser une faute de nature à engager sa responsabilité pénale, au sens de l'article 121-3 du Code pénal, dans la mesure où, ni au sein de l'entreprise SCLET, ni à EDF, n'étaient pris en compte les risques et dangers éventuels encourus qui auraient impliqué des consignes particulières ; que dans ces conditions la preuve n'étant pas rapportée de ce que Pierre Z... avait connaissance des risques encourus et aurait en toute connaissance de cause laissé Hervé X... exécuter les travaux litigieux, l'exposant ainsi à un risque d'une particulière gravité, c'est à bon droit que les premiers juges ont renvoyé Pierre Z... des fins de la poursuite et déclaré irrecevable la constitution de partie civile des consorts X..." ;

"alors que la cour d'appel ne pouvait se borner à dire que l'existence d'une faute délibérée n'était pas démontrée mais devait analyser précisément si, comme le faisait valoir les parties civiles, le prévenu ne s'était pas délibérément abstenu de prendre toute mesure de sécurité et tout dispositif de sûreté tels que prescrits par les articles R. 233-2, R. 233-3, R. 233-13-7, R. 233-13-8 du Code du travail ;

"alors qu'en tout état de cause, l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal n'exige pas, pour que soit engagée la responsabilité de l'auteur indirect d'un dommage qui aurait commis une faute caractérisée, que celui-ci ait eu effectivement connaissance des risques encourus par la victime mais seulement qu'il n'ait pu les ignorer ; que la cour d'appel ne pouvait sans insuffisance relaxer le prévenu du chef d'homicide involontaire au seul motif qu'il n'avait pas eu connaissance des risques encourus par son salarié ;

"alors qu'au surplus, il résultait des motifs mêmes de l'arrêt, qui a relevé "qu'il peut être reproché au prévenu une sous-évaluation des risques encourus", que le prévenu était en mesure de connaître les risques encourus par le salarié ; que faute d'avoir pris les mesures, prescrites par les articles R. 233-2, R. 233-3, R. 233-13-7, R. 233-13-8, R. 233-13-18, R. 233-13-19, R. 233-34 du Code du travail, qui eussent permis d'éviter le décès de la partie civile, le prévenu, dirigeant, dont il n'est pas établi qu'il aurait délégué ses pouvoirs, a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, de sorte qu'est établi à son encontre, en tous ses éléments constitutifs, le délit d'homicide involontaire" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, sur un chantier confié par Electricité de France (EDF) à la société SCLET ( la SCLET) , un salarié de cette entreprise qui était occupé à la pose de poteaux électriques sur un terrain présentant une forte déclivité, a été mortellement blessé par le basculement de l'engin spécial qu'il était chargé de piloter ; que les opérations d'expertise ont révélé que le conducteur, qui était qualifié pour ce type d'intervention, utilisait un appareil inadapté à la tâche qui lui avait été confiée ; que Pierre Z..., gérant de la SCLET, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire ; que le tribunal l'a relaxé et a débouté de leurs demandes les ayants droit de la victime ; que celles-ci et le ministère public ont interjeté appel ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt, après avoir relevé que le prévenu qui n'avait pas connaissance des restrictions d'utilisation de l'engin, n'est pas intervenu sur le chantier, retient que la sous-évaluation des risques qui peut lui être reprochée n'est pas suffisante pour établir l'existence d'une faute caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal, dès lors que ni dans son entreprise ni à EDF n'avaient été pris en compte les risques encourus, qui auraient impliqués des consignes particulières ; que les juges en déduisent que la preuve n'est pas rapportée de ce que Pierre Z... avait connaissance de tels risques ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi par des motifs empreints de contradiction et sans rechercher si Pierre Z..., compte tenu de ses fonctions, de ses compétences, ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait, avait accompli les diligences normales qui lui incombaient, et, notamment, si la fausse manoeuvre retenue à la charge de son salarié n'avait pas été rendue possible par un défaut de surveillance et d'organisation du chantier à même de lui être imputée et susceptible d'entrer dans les prévisions de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'ou il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 15 juin 2004, en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Fort-de-France, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Basse-Terre, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-84196
Date de la décision : 11/01/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, 15 juin 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jan. 2005, pourvoi n°04-84196


Composition du Tribunal
Président : Président : M. FARGE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.84196
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