La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/01/2005 | FRANCE | N°04-83797

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 janvier 2005, 04-83797


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gérard,

contre l'arrêt de cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 2 avril 2004, qui, po

ur infraction au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 400 euros d'amende, a ordonné, sous...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gérard,

contre l'arrêt de cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 2 avril 2004, qui, pour infraction au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 400 euros d'amende, a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 441-1, L. 480-4 du Code de l'urbanisme, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Gérard X... coupable de l'infraction d'édification d'une clôture sans déclaration préalable et en conséquence l'a condamné à payer des dommages et intérêts à la commune de Porcieu-Amblagnieu et à Jacques Y... ;

"aux motifs que les dommages-intérêts ayant été parfaitement appréciés par les premiers juges, les dispositions civiles du jugement seront purement et simplement confirmées ;

"et aux motifs des premiers juges qu'il y a lieu de recevoir la commune de Porcieu-Amblagnieu en sa constitution de partie civile et de condamner Gérard X... à lui payer la somme de 75 euros en réparation de son préjudice outre la somme de 200 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Jacques Y... se constitue partie civile et sollicite la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts ; il y a lieu de le recevoir en sa constitution de partie civile et de condamner Gérard X... à lui payer la somme de 450 euros en réparation de son préjudice résultant de l'édification d'une clôture dont l'aspect extérieur nuit à l'environnement ;

"alors, d'une part, que l'allocation de dommages-intérêts ne peut se déduire de la seule constatation de l'infraction, de sorte que la cour d'appel qui se borne à allouer la somme de 75 euros à la commune de Porcieu Amblagnieu en réparation de son préjudice sans en examiner la nature et son lien de causalité direct et certain avec l'infraction, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, violant les articles visés au moyen ;

"alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en l'espèce, il est reproché à Gérard X... non pas l'édification d'une clôture, mais l'absence de dépôt préalable d'une déclaration de travaux de sorte que la cour d'appel qui, pour réparer le préjudice subi par Jacques Y... se fonde sur l'existence d'une atteinte à l'environnement, concept général et impersonnel, ce dont il résulte que le préjudice n'est ni personnel ni directement causé par l'infraction, n'a pas légalement justifié sa décision, violant les articles visés au moyen" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Gérard X..., propriétaire d'une maison d'habitation à Porcieu-Amblagnieu (Isère), a remplacé, au début du mois de juin 2000, le grillage qui séparait son terrain de celui de son voisin, Jacques Y..., par une clôture composée de bardages en tôle ondulée de deux mètres de haut sur 9 mètres de long, sans avoir procédé à la déclaration préalable de travaux prévue par l'article L. 441-2 du Code de l'urbanisme ;

Attendu que, pour allouer des dommages-intérêts à la commune de Porcieu-Amblagnieu et à Jacques Y..., parties civiles, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la clôture, dont le maire a refusé de régulariser l'édification, porte atteinte à l'environnement en raison de l'aspect du matériau utilisé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a suffisamment caractérisé le lien de causalité existant entre l'infraction et le préjudice personnel subi par chacune des parties civiles, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 441-1, L. 480-4 et L. 480-5 du Code de l'urbanisme, 509, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Gérard X... coupable de l'infraction d'édification d'une clôture sans déclaration préalable et en conséquence a ordonné la démolition de la clôture ;

"aux motifs qu'en mai 2000, Gérard X... a démoli la clôture en grillage séparant sa propriété de celle de Jacques Y... et l'a remplacée par une clôture constituée de bardages en tôle ondulée de 2 mètres de hauteur ; pour faire ces travaux, Gérard X... n'a déposé aucune déclaration préalable de travaux en mairie car le maire lui aurait dit, verbalement, un an auparavant, que cette déclaration n'était pas obligatoire ; Jacques Y... va déposer plainte contre son voisin et avertir le maire lequel va convoquer Gérard X... et lui demander de se rendre à la DDE pour régulariser sa situation ; le 10 juin 2000, Gérard X... déposera un dossier de déclaration de travaux en mairie, dossier de régularisation puisque les travaux étaient déjà faits ; mais le 13 juillet 2000, la mairie lui notifiera sa décision d'opposition, le matériau de la clôture des tôles ne s'intégrant pas dans l'espace environnant et étant de nature à porter atteinte à l'environnement ; constatant que le maire lui avait répondu après le délai d'acceptation tacite d'un mois, Gérard X... a considéré qu'il bénéficiait d'un accord tacite et que, de ce fait, l'opposition de la mairie était tardive et donc non valable ; le tribunal administratif de Grenoble a statué sur la légalité de cet arrêté d'opposition en précisant : - que le maire pouvait, même en l'absence de dispositions explicites du plan d'occupation des sols, refuser ou assortir l'autorisation d'édifier une clôture de prescriptions spéciales pour des motifs d'environnement (justifiés au cas d'espèce), - que l'arrêté du 13 juillet a retiré la décision implicite de non-opposition à la déclaration de travaux et qu'en conséquence, Gérard X... n'était pas fondé à demander l'annulation de cette décision ; il en ressort que les travaux de Gérard X... sont doublement irréguliers : - pour avoir été entrepris sans autorisation, - pour avoir été maintenus en l'état en dépit de l'arrêté d'opposition du maire ; Gérard X... affirme, pour sa défense, que le maire en exercice lui avait indiqué en 1999 que les travaux qu'il avait envisagés de faire dès cette époque ne nécessitaient pas d'autorisation ; or, M. le maire conteste formellement avoir donné à Gérard X... ne serait-ce qu'une autorisation verbale en 1999 pour édifier sa clôture et, dès le mois de juin, informé de la réalisation de cette clôture par Jacques Y..., a immédiatement convoqué Gérard X... à la mairie pour lui dire que les matériaux de la clôture qu'il avait utilisés n'étaient pas conformes aux règles d'environnement locales ; il est facile, après coup, d'invoquer un avis qui n'a jamais été donné ou donné de façon informelle, dans des conditions indéterminées, sur la base d'informations partielles ou parcellaires ne correspondant pas à ce qui sera, en définitive, réalisé ; en tout état de cause, il appartenait à Gérard X... de s'entourer de toutes les précautions nécessaires et de vérifier auprès des services compétents s'il devait ou non déposer une autorisation préalable de travaux ;

"alors qu'aux termes de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, le juge ne peut se prononcer sur une mesure de démolition qu'au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que seul l'avocat de la commune a été entendu et qu'aucun fonctionnaire compétent n'a présenté d'observations écrites de sorte qu'en prononçant la mesure de restitution, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen ;

"qu'il en est d'autant plus ainsi que devant les premiers juges aucune des autorités visées par l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme n'a été entendue ou été en mesure de présenter des observations" ;

Vu l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme ;

Attendu que, selon ce texte, en cas de condamnation pour une infraction prévue par l'article L. 480-4 du même Code, la juridiction correctionnelle statue sur la mise en conformité de l'ouvrage, sa démolition ou le rétablissement des lieux en leur état antérieur au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent ;

Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu coupable d'avoir édifié une clôture sans déclaration préalable, la cour d'appel a ordonné sous astreinte la démolition de la construction ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'aucune mention de l'arrêt ou du jugement, ni aucune pièce de la procédure, n'établit que le maire, le préfet ou son représentant aient été entendus ou appelés à fournir leurs observations écrites, l'intervention de l'avocat de la commune ne pouvant satisfaire aux exigences de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 2 avril 2004, en ses seules dispositions ayant ordonné, sous astreinte, la mise en conformité de la construction, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-83797
Date de la décision : 11/01/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, 02 avril 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jan. 2005, pourvoi n°04-83797


Composition du Tribunal
Président : Président : M. FARGE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.83797
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award