AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LE CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 19 août 2003, qui, dans la procédure suivie contre Daniel X..., Peter Y... et Joseph Z... du chef d'exercice illégal de la pharmacie et contre Christine Z... et Luigia de A..., épouse B..., du chef de complicité de ce délit, a confirmé le jugement d'incompétence ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 121-6 et 121-7 du Code pénal, L. 4223-1, L. 4211-1 et L. 4221-1 du Code de la santé publique, 382, 383, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué s'est déclaré territorialement incompétent sur la poursuite des chefs d'exercice illégal de la pharmacie et de complicité de cette infraction et en conséquence a dit n'y avoir lieu à statuer sur l'action civile du conseil national de l'ordre des pharmaciens ;
"aux motifs qu'aux termes de l'article 382 du Code de procédure pénale, le tribunal correctionnel a compétence territoriale à raison de "la résidence du prévenu" que ce texte s'applique tant à l'auteur principal qu'au complice (Luigia De A..., épouse B..., ès qualités de gérante de la Sarl Edilac) ; que la compétence liée à la résidence du prévenu doit s'entendre de la résidence au moment de la poursuite et non au moment de la commission de l'infraction ; que la poursuite est en date de la constitution de partie civile du conseil national de l'ordre des pharmaciens, suivie de la consignation mettant en mouvement l'action publique, soit le 22 septembre 1998 (plainte déposée le 30 juillet 1998) ; qu'à cette date il est constant que la Sarl Edilac avait son siège à Vallon Pont d'Arc (07150) et ce, depuis le 15 septembre 1997, ainsi que cela résulte des extraits KBIS des greffes des tribunaux de commerce de Montpellier et d'Aubenas ; qu'au surplus la Sarl Edilac n'est pas poursuivie en tant que personne morale, la prévenue étant sa gérante, Luigia de A..., épouse B..., qui a toujours été domiciliée à Sassenage (38), ..., ainsi que cela résulte des mêmes extraits KBIS ;
que le conseil national de l'ordre des pharmaciens disposait au moment de sa plainte avec constitution de partie civile, de l'extrait KBIS indiquant la résidence de Luigia de A..., épouse B... ;
que les autres prévenus sont poursuivis pour des faits commis hors du ressort du tribunal correctionnel de Montpellier ; que si le juge d'instruction a été régulièrement saisi à l'origine, et qu'il a pu instruire régulièrement, c'est à tort qu'il a rendu une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en date du 20 juin 2002 ; que la compétence territoriale est d'ordre public et que le jugement déféré sera intégralement confirmé ;
"alors qu'aux termes des articles 121-7 du Code pénal et L. 4211-1 du Code de la santé publique lorsque l'infraction de complicité d'exercice illégal de la pharmacie consiste dans l'édition et la distribution de brochures vantant les mérites d'un produit soumis au monopole de la pharmacie, elle est réputée commise au lieu où se trouve le siège social de la société éditrice des brochures litigieuses ; qu'en l'espèce, Mme de A... a été poursuivie pour complicité d'exercice illégal de la pharmacie en sa qualité de gérante de la société Edilac, éditrice de brochures vantant les mérites du cartilage de requin et dont le siège social était situé, de 1996, date du début de la prévention, au 15 septembre 1997, donc à l'époque des faits de la prévention, dans le ressort territorial du tribunal correctionnel de Montpellier, de sorte qu'en se déclarant territorialement incompétente par la seule considération que ni Mme de A..., ni la société Edilac, et ce depuis le 15 septembre 1997, ne résidaient dans le ressort territorial du tribunal, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et a violé les articles visés au moyen" ;
Vu les articles 382 et 383 du Code de procédure pénale ;
Attendu que la compétence du tribunal correctionnel, qui se détermine par le lieu de l'infraction, par celui de la résidence du prévenu et par celui de son arrestation, s'étend aux délits et contraventions qui forment avec l'infraction déférée un ensemble indivisible et aux délits et contraventions connexes, au sens de l'article 203 dudit Code ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à l'issue de l'information ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par le conseil national de l'ordre des pharmaciens au tribunal de grande instance de Montpellier le 30 juillet 1998, Joseph Z..., Daniel X... et Peter Y..., respectivement dirigeants de la société Floralpina, dont le siège est dans la Sarthe, de la société Uranus, établie à Colmar (Haut-Rhin), et de la société Wesfield, domiciliée au Luxembourg et exploitant des établissements secondaires à G"rardmer (Vosges) et à Valence (Drôme), ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Montpellier pour avoir, sur le territoire français, entre 1996 et 2001, exercé illégalement la pharmacie en commercialisant des extraits de cartilage de requin ; que Christine Z..., nièce du premier et docteur en pharmacie, et Luigia de A..., épouse B..., gérante de la société Edilac, dont le siège était fixé à Laverune (Hérault) jusqu'au 15 septembre 1997, ont été renvoyées devant la même juridiction pour avoir, entre 1996 et 1998, été complices de ce délit, la première, en rédigeant à Châteauroux (Indre), une brochure présentant le produit vendu comme un médicament, la seconde, en éditant et diffusant les brochures de présentation ;
Attendu que, pour confirmer la décision d'incompétence rendue par le tribunal correctionnel, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'activité d'édition retenue à la charge de Luigia de A... comme l'un des éléments constitutifs d'une complicité du délit d'exercice illégal de la pharmacie, qui présentait un lien d'indivisibilité et de connexité manifeste avec l'ensemble des infractions déférées, s'était développée, à Laverune (Hérault), dans le ressort du tribunal de grande instance de Montpellier, pendant une partie de la période retenue à la prévention, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 19 août 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;