La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/01/2005 | FRANCE | N°03-15232

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 janvier 2005, 03-15232


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 25 octobre 2002), que par acte du 30 janvier 1991, la société Laboratoire du Bollwerk a vendu ses éléments d'exploitation moyennant le prix de 3 500 000 francs à la société Laboratoire d'analyses biologiques du Bollwerk (la société Labb) ; que l'administration fiscale, estimant ce prix inférieur à la valeur réelle des éléments cédés, a notifié un redressement calculé sur la base d'un prix de cession Ã

©valué à 14 140 000 francs, et a appliqué une majoration pour mauvaise foi ; qu'a...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 25 octobre 2002), que par acte du 30 janvier 1991, la société Laboratoire du Bollwerk a vendu ses éléments d'exploitation moyennant le prix de 3 500 000 francs à la société Laboratoire d'analyses biologiques du Bollwerk (la société Labb) ; que l'administration fiscale, estimant ce prix inférieur à la valeur réelle des éléments cédés, a notifié un redressement calculé sur la base d'un prix de cession évalué à 14 140 000 francs, et a appliqué une majoration pour mauvaise foi ; qu'après la mise en recouvrement de ce rappel et le rejet de sa réclamation, la société Labb a saisi le tribunal pour obtenir la décharge de cette imposition supplémentaire ; que, pendant le cours de l'instance devant le tribunal, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement partiel des droits et des pénalités initialement réclamés pour tenir compte du fait que le litige intervenu entre les actionnaires de la société Laboratoire du Bollwerk, à l'origine de la cession de ses éléments d'exploitation, s'était réglé par un accord transactionnel, homologué par un arrêt de la cour d'appel de Colmar, retenant un prix de cession de 7 000 000 francs, sur la base duquel elle a décidé de limiter le calcul de son redressement ; que le tribunal a annulé le redressement et l'avis de mise en recouvrement en retenant l'absence de caractère probant des termes de comparaison cités par l'Administration dans sa notification de redressement ;

Sur le premier moyen et sur le deuxième moyen, réunis :

Attendu que la société Labb fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé la décision du tribunal et fixé la base d'imposition des droits de mutation à titre onéreux à la somme de 1 067 143,12 euros, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 17 et L. 57 du Livre des procédures fiscales que l'Administration, qui entend rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition, lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieure à la valeur vénale réelle des biens transmis, doit motiver la notification de redressement en y indiquant les éléments chiffrés et les termes de comparaison qui justifient les rehaussements envisagés sur les prix ou les évaluations ; qu'en considérant cependant comme régulière en la forme une procédure de redressement bien que l'administration ait en cours d'instance totalement abandonné l'évaluation faite sur la base des éléments de comparaison qu'elle avait retenus dans la notification de redressement pour se fonder sur une évaluation puisée dans un acte postérieur à cette notification, qui, dès lors, ne s'y référait pas, la cour d'appel a violé les articles L. 17 et L. 57 du Livre des procédures fiscales ;

2 / qu'à supposer que la notification de redressement fût suffisamment motivée par les éléments de comparaison qu'avait indiqué l'Administration bien qu'elle les ait ensuite totalement abandonnés pour fonder sur une autre base son évaluation, la cour d'appel ne pouvait déclarer régulière la procédure de redressement en se bornant à considérer que l'Administration avait porté à la connaissance du contribuable des éléments convaincants qui paraissent faire état d'une insuffisance d'évaluation, sans en justifier par la citation des éléments propres à le démontrer ; qu'elle n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et qu'elle a violé de la sorte les articles L. 17 et L. 57 du Livre des procédures fiscales ;

3 / que la société Labb avait exactement contesté dans ses conclusions d'appel la valeur de 7 millions de francs ; qu'en affirmant qu'elle ne l'avait pas fait, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / qu'il résulte des dispositions de l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales que la valeur réelle d'après laquelle est estimé un bien pour la liquidation des droits de mutation à titre onéreux est constituée par le prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel au jour de la mutation ; qu'en estimant que les éléments d'actif d'un laboratoire à elle cédés par la société Laboratoire du Bollwerk pouvaient être évalués, non pas sur la base de leur valeur vénale, mais en s'en tenant à une valeur "résultant d'un accord transactionnel avec l'associé minoritaire qui avait également jugé insuffisante la valeur de cession de l'exploitation", la cour d'appel n'a pas recherché la valeur vénale des biens cédés et s'est fondée sur un acte dont il ressort des propres énonciations de son arrêt qu'il n'était pas un acte de cession, mais un accord transactionnel entre associés conclu à raison de circonstances propres à la situation particulière des parties ; qu'elle n'a ainsi pas légalement justifié sa décision au regard des exigences de l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales ;

5 / que le juge de l'impôt ne peut fonder son évaluation de la valeur d'un bien qui a fait l'objet d'une mutation en se référant à des actes postérieurs à ladite mutation ; qu'en prenant en considération, pour arrêter l'assiette des droits de mutation afférents à une cession constatée par un acte du 31 janvier 1991, à un accord transactionnel conclu le 31 octobre 1996, homologué par arrêt de la cour d'appel de Colmar du 13 janvier 1998, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales ;

6 / qu'en arrêtant à 7 millions de francs la valeur des biens cédés sans répondre aux conclusions du contribuable qui soutenait utilement que cette évaluation ne se fondait sur aucune caractéristique propre à l'objet de la cession, que le prix convenu dans l'acte n'était pas anormal au regard des circonstances particulières de l'affaire, et spécialement de l'urgence, consécutive à l'imminence d'un retrait d'autorisation et que ce prix était justifié, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que la notification de redressement était essentiellement fondée sur trois éléments de comparaison tirés de la cession de trois laboratoires, le premier à Thionville le 1er mars 1986, le deuxième à Colmar le 7 avril 1989, et le dernier à Strasbourg le 4 décembre 1990, faisant apparaître la valeur vénale d'un laboratoire comme une fraction moyenne de 63,75 % du chiffre d'affaires annuel, pourcentage que l'administration avait porté à 75 % pour tenir compte du chiffre d'affaires beaucoup plus élevé du laboratoire du Bollwerk, de sa qualité et de sa réputation, la cour d'appel a souligné que, si la valeur vénale devait être établie par comparaison avec des cessions de biens intrinsèquement similaires, sauf s'il n'existait pas de référence véritablement comparable, la similitude ne signifiait pas identité absolue, et que les cessions de laboratoires de biologie médicale n'étant pas très fréquentes, il serait excessif d'exiger pour terme de comparaison une cession de laboratoire exactement similaire dans la même ville ; qu'elle a ajouté que les laboratoires retenus par l'administration comme termes de comparaison, quoique plus petits, n'étaient pas véritablement incomparables au laboratoire du Bollwerk, dès lors que le cadre juridique de l'exploitation n'avait pas d'incidence véritable sur la valeur de celle-ci, que le nombre de salariés avait nécessairement une traduction comptable dans le chiffre d'affaires et dans le bénéfice, et que d'après les éléments fournis par la société Labb, le calcul théorique de l'administration n'avait pas été infirmé par les experts chargés d'apprécier la valeur de l'exploitation sur la contestation de l'associé minoritaire ; qu'elle a considéré que la seule différence importante entre le laboratoire du Bollwerk et les termes de comparaison retenus résidait dans la situation particulière du premier, menacé de fermeture en raison d'une dissension avec l'associé minoritaire, mais qu'il serait vain de rechercher une cession de laboratoire dans une situation similaire, de sorte que dans une telle hypothèse, même si la référence de base restait la valeur d'une exploitation fonctionnant normalement, la détermination de la valeur de l'exploitation menacée ne pouvait résulter que d'un abattement sur la valeur d'une exploitation saine, ce que l'Administration avait admis au cours de la procédure judiciaire en retenant la valeur résultant d'un accord transactionnel avec l'associé minoritaire, qui n'était pas, en tant que telle, contestée par la société Labb ; que la cour d'appel, qui, hors toute dénaturation, a répondu par-là même aux conclusions dont elle était saisie, et a mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, en a déduit, à bon droit, que le dégrèvement réalisé par l'administration ne portait pas atteinte à la régularité de la procédure de redressement, qui avait porté à la connaissance du contribuable des éléments convaincants faisant état d'une insuffisance d'évaluation au sens de l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, en l'état de ses appréciations et énonciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et, sur le troisième moyen :

Attendu que la société Labb fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte des dispositions de l'article 1729 du Code général des impôts que la majoration de 40 % ne peut être prononcée que si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ; qu'il appartient au juge de l'impôt de constater la mauvaise foi ; que la société Labb avait, en démontrant dans ses conclusions d'appel que la cession incriminée était dépourvue de caractère anormal et que la valeur retenue dans l'acte du 30 janvier 1991 était justifiée, fait la preuve de sa bonne foi et donc contesté la majoration de 40 % ; qu'en considérant que cette majoration n'était pas contestée, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que la majoration de 40 % instituée par l'article 1729 du Code général des impôts sanctionne la mauvaise foi et non le retard du contribuable ; qu'en qualifiant expressément cette majoration de "majoration de retard" et en la maintenant à la charge du contribuable sans constater sa mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article 1729 du Code général des impôts ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le principe de la majoration de 40 % n'était pas réellement contesté, la cour d'appel a retenu que le prix de cession initial manifestait à l'évidence le souci d'effectuer le transfert des éléments d'exploitation du laboratoire du Bollwerk au profit de la nouvelle société au moindre coût fiscal, et au mépris de la valeur réelle de l'exploitation ; qu'elle a ainsi caractérisé la mauvaise foi de la société, et, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision, abstraction faite de l'erreur dénoncée par la seconde branche, sans influence sur la solution du litige ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Labb aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Labb ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 03-15232
Date de la décision : 11/01/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section B), 25 octobre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 jan. 2005, pourvoi n°03-15232


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:03.15232
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award