AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que suivant acte authentique reçu le 29 août 1989 par M. X..., notaire associé, M. Y... et Mme Z... ont acquis de Mme A... une maison, moyennant le prix de 220 000 francs financé, ainsi que les travaux de rénovation, par un prêt de 360 000 francs accordé par le Crédit immobilier de France (La Banque) ; que le redressement judiciaire de M. Y..., qui avait été prononcé le 22 août 1989, a été converti en liquidation des biens ; que l'immeuble a été vendu dans le cadre des opérations de liquidation et que La Banque n'a été que partiellement désintéressée de sa créance ; qu'elle a assigné l'office notarial en responsabilité professionnelle ;
Attendu que le Crédit immobilier de France fait grief à l'arrêt (Rennes, 5 novembre 2002) de l'avoir débouté de sa demande, alors, selon le moyen :
1 / qu'en dispensant le notaire de son obligation de s'assurer, par les moyens à sa disposition, de la sincérité de la déclaration de l'emprunteur selon laquelle il n'était pas en état de faillite personnelle, de liquidation judiciaire, de règlement judiciaire ou de déconfiture au motif inopérant qu'une telle diligence ne s'imposait au notaire que s'il disposait d'éléments de nature à faire douter de la véracité de la déclaration de son client, la cour d'appel n'aurait pas justifié légalement sa décision et violé l'article 1382 du Code civil ;
2 / qu'en ne relevant aucune circonstance qui aurait fait obstacle à une vérification par le notaire de la déclaration de son client relative à sa situation au regard des procédures collectives, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
3 / qu'en dispensant le notaire de son obligation de procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité et l'efficacité de son acte au motif inopérant que le Crédit immobilier de France était un professionnel du crédit à qui il incombait de s'assurer de la solvabilité de l'emprunteur, la cour d'appel aurait violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a exactement énoncé que le notaire qui reçoit un acte de vente rapportant les déclarations erronées d'une partie ne saurait voir sa responsabilité engagée que s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de la véracité des informations reçues ; qu'ensuite, le Crédit immobilier de France n'ayant allégué, dans ses écritures d'appel, l'existence d'aucune circonstance qui aurait permis au notaire de mettre en doute la véracité des déclarations de l'emprunteur sur sa situation au regard d'une procédure collective, la cour d'appel qui n'avait pas à procéder à d'autres recherches a indépendamment des motifs erronés mais surabondants critiqués par la troisième branche du moyen légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Crédit immobilier de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du Crédit immobilier de France et le condamne à payer à la SCP X... Guillou, la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille quatre.