AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 145-5 du Code de commerce, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du chapitre V du livre premier, titre IV du Code de commerce, à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux ans ; que, si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions de ce chapitre ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 13 décembre 2002), que, par lettre du 2 août 1993, la société Assochan, aux droits de laquelle se trouve la société Brand Nord-Picardie (société Brand), a proposé à la société Base de Chaulnes de lui donner à bail, pour une période de 18 à 24 mois, divers locaux à usage commercial ; que cette société a pris possession des lieux en novembre 1993 et s'y est maintenue sans opposition du bailleur jusqu'à ce qu'elle manifeste, par courrier du 23 octobre 2001, son intention de les quitter au plus tard le 31 janvier 2002 ; que la société Brand lui ayant opposé qu'en raison de son maintien dans les lieux au-delà du terme de la convention initiale, le bail était désormais soumis au statut des baux commerciaux, la société Base de Chaulnes l'a assignée pour voir dire que la convention initiale s'analysait en une convention d'occupation précaire échappant au statut ;
que, reconventionnellement, la société Brand a invoqué à nouveau le bénéfice du statut et a réclamé à la société Base de Chaulnes paiement des loyers restant à courir jusqu'au mois de novembre 2004 ;
Attendu que, pour débouter la société Brand de sa demande reconventionnelle, l'arrêt retient que la convention passée entre les parties en 1993 doit s'analyser en un contrat de bail de courte durée non soumis aux dispositions impératives du statut des baux commerciaux, que ce bail conclu pour une durée de deux ans à compter du 1er novembre 1993 a pris fin en novembre 1995, qu'à cette date le preneur est resté dans les lieux et qu'en application de l'article L. 145-5 du Code de commerce le maintien dans les lieux du preneur, sans opposition du bailleur, a conféré à ce dernier un droit acquis au statut des baux commerciaux, que, toutefois, l'application du statut sera écartée en cas de renonciation non équivoque du preneur au bénéfice de ce statut, postérieurement à l'expiration du bail de courte durée, qu'en l'espèce, si la société Base de Chaulnes n'a jamais renoncé expressément au bénéfice du décret du 30 septembre 1953, il résulte des courriers échangés entre les parties pendant l'exécution de la convention que leur commune intention était de rester liées par des baux de courte durée se renouvelant tous les deux ans, que c'est ainsi qu'en 2001 le mandataire de la société Brand écrivait qu'il s'agissait d'un "bail précaire" et proposait à la société Base de Chaulnes de conclure un contrat de bail commercial, moyennant une diminution du prix, cette réduction étant causée par l'obligation pour le locataire de s'engager pour des périodes triennales, qu'il apparait dès lors que les deux parties ont entendu renoncer au bénéfice du statut des baux commerciaux et que, de ce fait, la société Brand est mal venue à l'invoquer ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs ne caractérisant pas la renonciation non équivoque du bailleur à se prévaloir du statut des baux commerciaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 décembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Base de Chaulnes aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Base de Chaulnes à payer à la société Brand Nord Picardie la somme de 1 900 euros et rejette la demande de la société Base de Chaulnes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille quatre.