AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
En présence du Syndicat des copropriétaires de la Résidence du 2, rue Bivouac Napoléon, pris en la personne de son syndic la société Cogica, société anonyme, dont le siège est 16, boulevard de la République Hall A, 06400 Cannes,
II - Sur le pourvoi n° Y 03-10.728 formé par :
1 / la société Brasserie de la Place des Iles,
2 / la société Pims'y exploitant sous l'enseigne Café Roma,
3 / Mme Hélène Isnard, épouse Préau,
4 / Mme Jeanne Parracone, veuve Baudino,
5 / la société Sara, société civile immobilière, venant aux droits de Mme Baudino,
en cassation du même arrêt rendu au profit :
1 / la société Square Mérimée,
2 / la société Bellevue,
3 / Mme Gilberte Payet, veuve Trunzler,
4 / Mme Simone Spanoghe, veuve Descamps,
5 / Mlle Thérèse Giacalone,
6 / M. Aldo Giacalone,
7 / le Syndicat des copropriétaires de la Résidence sis 2, rue Bivouac Napoléon 06400 CANNES,
8 / la société La Clairière, venant aux droits des consorts Guérin,
défendeurs à la cassation ;
III - Sur le pourvoi n° C 03-11.422 formé par le Syndicat des coproprietaires de l'immeuble 2, rue Bivouac Napoléon, 06400 Cannes,
en cassation du même arrêt rendu au profit de :
1 / la société La Clairière, venant aux droits des consorts Guérin,
2 / la société Sara, société civile immobilière, venant aux droits de Mme Baudino,
3 / la société Brasserie de la Place des Iles,
4 / l'entreprise Pims'y, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, exploitant sous l'enseigne Café Roma,
5 / M. Salvatore Celia,
6 / Mme Jeanne Parracone, veuve Baudino,
7 / Mme Hélène Isnard, épouse Préau,
8 / la société Square Mérimée, société civile professionnelle,
9 / la société Bellevue, société civile immobilière,
10 / Mme Gilberte Payet, veuve Trunzler,
11 / Mme Simone Spanoghe, épouse Descamps,
12 / Mlle Thérèse Giacalone,
13 / M. Aldo Giacalone,
defendeurs à la cassation ;
Joint les pourvois n° Z 03-10.039, Y 03-10.728 et C 03-11.422 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juillet 2002), qu'alléguant que les sociétés Brasserie de la Place des Iles et Pims'y ainsi que Mme X... et Mme Y..., aux droits de laquelle vient la SCI Sara, en leurs qualités de copropriétaires bailleresses de ces sociétés avaient effectué sans autorisation des travaux affectant les parties communes de l'immeuble et s'étaient approprié celles-ci, avaient causé des nuisances aux copropriétaires et contrevenu aux dispositions de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, le syndicat des copropriétaires de la Résidence 2, rue du Bivouac Napoléon ainsi que la société la Clairière et six autres copropriétaires ont assigné celles-ci en remise des lieux en leur état d'origine, et en nullité des conventions relatives aux lots 127 et 128 ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° Z 03-10.039, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que si des manquements avaient été commis par les occupants des locaux commerciaux et si la carence des bailleurs à faire respecter tant les baux que le règlement de copropriété apparaissait certaine, la cour d'appel a souverainement retenu que les diverses remises en état des lieux, mises en conformité et interdictions ordonnées étaient de nature à faire cesser ces infractions et qu'il n'y avait pas lieu de prononcer les résiliations sollicitées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° C 03-11.422 :
Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable à demander l'annulation de toutes les conventions relatives aux lots 127 et 128 ainsi que la remise en état des sous-sols, alors, selon le moyen :
1 ) que l'autorisation donnée au syndic d'agir en justice satisfait aux conditions de sa régularité dès lors qu'elle précise l'objet de la demande ; qu'aucune autre précision n'est requise, quant aux personnes visées, à la cause de la demande ou aux moyens de droit à faire valoir ;
qu'aux termes du procès-verbal d'assemblée générale des copropriétaires du 10 mai 1996, le syndic a été autorisé à ester en justice, tant au civil qu'au pénal pour remise en état des parties communes affectées par les travaux litigieux, effectués sans autorisations administratives, et pour notamment demander la résiliation du bail et de toutes conventions portant sur le lot n° 127 ainsi que la résiliation partielle du bail portant sur le lot n° 128 ; qu'en considérant cependant que "le syndic ne peut... être regardé comme régulièrement habilité à demander la nullité des conventions intervenues relativement aux lots 127 et 128" au prétexte de la différence de nature et de fondement existant entre l'action en résiliation pour non respect du règlement de copropriété et l'action en nullité fondée sur les dispositions de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, quand la régularité de l'habilitation du syndic réside dans l'énoncé de l'objet et non de la cause de la demande et quand les baux et conventions afférents aux lots litigieux se trouvaient régulièrement visés au procès-verbal d'assemblée générale portant habilitation du syndic, la cour d'appel a violé l'article 55 du décret du 17 mars 1967 ;
2 ) que les dispositions de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation sont d'ordre public ; qu'il en résulte que, l'affectation d'un local à usage d'habitation à un autre usage étant interdite, sauf dérogation spéciale accordée par l'administration, à défaut d'une telle autorisation, sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation de ces dispositions ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les travaux non autorisés affectant les lots n° 127 et 128 ont opéré un "changement de destination" des lieux loués de sorte que les accords ou conventions portant sur ces lots "sont nuls de plein droit" ; qu'en refusant de tirer de ces constatations les conséquences qui s'en évinçaient, la cour d'appel a violé par refus d'application les dispositions susvisées de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'assemblée générale du 10 mai 1996 avait autorisé le syndic à demander la résolution du bail et de toutes conventions portant sur le lot 127 et seulement la résiliation partielle du bail en ce qui concerne le lot 128, compte tenu de la violation répétée du règlement de copropriété, la cour d'appel en a exactement déduit que cette décision n'habilitait pas le syndic à agir en annulation du bail et des conventions portant sur les lots 127 et 128 en application de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation ;
Attendu, d'autre part, que le moyen critique des motifs qui ne sont pas le soutien du dispositif ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi n° C 03-11.422, ci-après annexé :
Attendu que le grief fait à l'arrêt de déclarer dans le même temps le syndicat irrecevable et de rejeter sa demande en annulation des baux portant sur les lots 127 et 128 dénonce une erreur matérielle qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 462, alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° Z 03-10.039 :
Vu l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu que le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains copropriétaires, qu'il peut notamment agir conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble, que tout copropriétaire peut néanmoins exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d'en informer le syndic ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action individuelle des copropriétaires relative aux affouillements en sous-sol, l'arrêt retient que si les copropriétaires peuvent agir individuellement pour obtenir le respect du règlement de copropriété sans avoir à démontrer l'existence d'un préjudice personnel, par contre les actions tendant au rétablissement des parties communes en leur état antérieur ne sont recevables qu'à la condition pour le copropriétaire de justifier d'un intérêt légitime à agir à titre individuel en raison d'un préjudice personnel éprouvé dans la jouissance ou la propriété soit des parties privatives comprises dans son lot, soit des parties communes ;
Qu'en statuant ainsi, alors que chaque copropriétaire a le droit d'exiger le respect du règlement de copropriété ou la cessation d'une atteinte aux parties communes par un autre copropriétaire, sans être astreint à démontrer qu'il subit un préjudice personnel et distinct de celui dont souffre la collectivité des membres du syndicat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi n° Z 03-10.039 et sur le moyen unique du pourvoi n° Y 03-10.728 qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action des copropriétaires relative aux affouillements en sous-sol, l'arrêt rendu le 24 juillet 2002, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille quatre.