La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2004 | FRANCE | N°02-10417

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 novembre 2004, 02-10417


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société X... industrielle et financière que sur le pourvoi incident relevé par les sociétés Etablissements Yves Queguiner, Y... services, SAMSE, Boyenval Van Peer, Doras négoce et Matériaux de construction distribution ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 octobre 2001), que la société Matériaux de construction distribution (société MCD) avait pour associés les sociétés Etabli

ssements Yves Queguiner (société Queguiner), Y... services, SAMSE, Boyenval Van Peer,...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société X... industrielle et financière que sur le pourvoi incident relevé par les sociétés Etablissements Yves Queguiner, Y... services, SAMSE, Boyenval Van Peer, Doras négoce et Matériaux de construction distribution ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 octobre 2001), que la société Matériaux de construction distribution (société MCD) avait pour associés les sociétés Etablissements Yves Queguiner (société Queguiner), Y... services, SAMSE, Boyenval Van Peer, Doras négoce et X... industrielle et financière (société X...) ; que la majorité des actions composant le capital de la société X... a été acquise par la société Européenne Cassiopée (société Cassiopée), constituée entre la société Apax partners et Cie ventures (société Apax) et M. Bernard X..., président du conseil d'administration de la société X... ; que par un courrier adressé à M. X..., la société Apax a donné son accord pour que les associés de la société MCD soient informés en priorité de tout projet de cession des actions composant le capital de la société Cassiopée et que leur offre soit examinée en priorité et préférée à toute autre à égalité de prix et de conditions ; que M. X... a transmis une copie de cette lettre à la société MCD ; que la société Apax et M. X... ayant cédé leurs actions à la société Point P, la société Queguiner et les autres associés de la société MCD, ainsi que cette société elle-même, alléguant que cette cession était intervenue sans qu'ils en aient été préalablement informés et qu'ils aient pu exercer leur droit de préemption, ont demandé que les sociétés X... et Apax soient condamnées à leur payer des dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel elle exposait que seule une information préalable en cas de cession des titres de la société Cassiopée avait été demandée par la société MCD et qu'elle n'était pas débitrice de cette information préalable ;

que dans son courrier du 31 mars 1998, la société Apax avait exclusivement autorisé M. Bernard X... à informer les associés de MCD de toute cession projetée de sa participation dans la société Cassiopée et qu'ainsi MCD et ses associés cherchaient artificiellement à s'octroyer plus de droits qu'ils n'en avaient ou qu'ils ne pouvaient en demander ; qu'en ne répondant pas à ce moyen de nature à démontrer que, n'étant débitrice d'aucune obligation d'information, elle n'avait commis aucune faute, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Apax avait adressé à M. X..., en sa qualité de président du conseil d'administration du "groupe X...", un courrier par lequel elle exprimait son accord pour que les associés de la société MCD soient informés de tout projet de cession des actions de la société Cassiopée, que la société Apax avait ainsi consenti à la communication du projet de cession par M. X... ès qualités et que celui-ci avait, en transmettant une copie de cette lettre à la société MCD, accepté implicitement d'informer cette société et ses associés de toute offre d'achat des titres Cassiopée, la cour d'appel, qui a ainsi constaté que M. X..., agissant en qualité de dirigeant de la société X..., avait accepté que celle-ci fût tenue d'une obligation d'information à l'égard de la société MCD et de ses associés, a répondu aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses trois branches :

Attendu que la société X... fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1 ) que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de son obligation ; que cette preuve peut être faite par tous moyens ; que M. X... a démontré avoir informé personnellement M. Y... du projet de cession à Point P de la société Cassiopée et que les autres associés de la société MCD en avaient été informés ; qu'en énonçant que ces affirmations ne sauraient suffire, et qu'en l'absence de tout autre élément, elle échouait dans la preuve qui lui incombe d'une telle information, quand les affirmations de M. X... constituaient un ensemble de présomptions démontrant que M. X... avait informé les associés de la société MCD de la cession envisagée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

2 ) que si la perte d'une chance constitue une forme de préjudice réparable, encore faut-il que la chance évanouie ait été réelle et sérieuse ; que la cour d'appel a constaté qu'il n'était pas certain qu'informés de l'offre faite par Point P, les associés de la société MCD auraient acquis à ce prix les actions de la société Cassiopée ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la chance dont la perte devait être indemnisée n'était ni réelle ni sérieuse mais était purement hypothétique ;

que, dès lors, en la condamnant à indemniser les associés de la société MCD, quand leur chance d'acquérir les actions cédées par Apax et M. X... était hypothétique, la cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient et a encore violé l'article 1147 du Code civil ;

3 ) que les juges doivent caractériser l'existence d'un lien de causalité entre le fait générateur de responsabilité et la perte d'une chance ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que tout lien de causalité entre la faute qui lui est imputée et le préjudice subi par les associés de la société MCD était impossible à affirmer, les chances de succès de l'acquisition ne dépendant que de ces derniers, et étant jugées incertaines ; que, dès lors, en indemnisant les associés de la société MCD, en l'absence de tout lien de causalité caractérisé entre sa faute et la perte d'une chance des associés de la société MCD d'acquérir les actions cédées, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a estimé que les affirmations de M. X... ne suffisaient pas à établir que l'information due avait été donnée ;

Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui n'a pas exclu que les associés de la société MCD aient pu se porter acquéreurs des actions cédées, a retenu à bon droit que la société X... avait, en s'abstenant de les informer du projet de cession, commis une faute qui leur avait causé un préjudice consistant dans la perte d'une chance d'acquérir lesdites actions ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

Attendu que la société MCD et ses associés font grief à l'arrêt d'avoir dit que le préjudice subi par les seconds ne pouvait être réparé que sur le fondement de la perte d'une chance et d'avoir rejeté la demande de la première alors, selon le moyen :

1 ) que le manquement à une obligation d'information suffit à justifier le droit à une réparation intégrale du préjudice qui en résulte pour la victime dès lors qu'il apparaît plausible que la victime informée aurait pris une décision qui lui aurait permis d'éviter le risque auquel le défaut de renseignement l'a exposée ; qu'en affirmant que le manquement à l'obligation d'information imputable à la société X... ne pouvait être indemnisé que sur le fondement de la perte d'une chance quand elle constatait que les associés de MCD avaient été privés de la possibilité d'exercer leur droit de préférence, et qu'elle ne rejetait pas l'éventualité qu'ils puissent souscrire à l'offre d'achat des parts de la société Cassiopée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

2 ) que le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit ou de fait qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en affirmant qu'il n'existe aucun renseignement sur la capacité financière de la société MCD qui aurait permis de démonter qu'elle aurait pu racheter les parts de la société Cassiopée, quand il ne ressortait nullement des conclusions de la société X... qu'elle ait opposé une quelconque incapacité financière de la société MCD pour réaliser cette opération, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir retenu à bon droit que la faute de la société X... avait privé les associés de la société MCD d'une chance d'acquérir les actions de la société Cassiopée, la cour d'appel a accordé réparation intégrale de ce préjudice dont elle a souverainement apprécié l'étendue ;

Et attendu, d'autre part, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'existence et de l'étendue du préjudice réparable et sans se référer à des faits ne figurant pas dans le débat que la cour d'appel a estimé que la société MCD ne démontrait pas avoir subi un préjudice distinct de celui subi par ses associés ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-10417
Date de la décision : 16/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes (2e chambre commerciale), 31 octobre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 nov. 2004, pourvoi n°02-10417


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.10417
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award