La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2004 | FRANCE | N°02-19868

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 novembre 2004, 02-19868


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que par délibération du 2 avril 2001, le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Pau a décidé que seul le nom des avocats, collaborateurs ou non pouvait figurer sur le papier à lettre d'un avocat ; que la société civile professionnelle d'avocats Darmendrail-Santi (la SCP) a saisi le bâtonnier d'une réclamation préalable qui a été rejetée par décision du conseil de l'Ordre du 8 octobre 2001 ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la SCP fait grief à l'arrêt attaqué (Pau, 2 septembre 2002) d'avoir confir...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que par délibération du 2 avril 2001, le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Pau a décidé que seul le nom des avocats, collaborateurs ou non pouvait figurer sur le papier à lettre d'un avocat ; que la société civile professionnelle d'avocats Darmendrail-Santi (la SCP) a saisi le bâtonnier d'une réclamation préalable qui a été rejetée par décision du conseil de l'Ordre du 8 octobre 2001 ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la SCP fait grief à l'arrêt attaqué (Pau, 2 septembre 2002) d'avoir confirmé cette décision, alors, selon le moyen :

1 / que l'article 10-4 du règlement intérieur du barreau de Pau prévoit, s'agissant des avocats, que seuls peuvent figurer sur le papier à lettre les noms de ceux qui exercent la profession ou qui l'ont exercée au sein du cabinet concerné et qu'il vise donc exclusivement les noms des avocats qui peuvent être apposés sur un papier à lettre ; que ledit article ne traite pas, en revanche, de la mention des noms des juristes non avocats pouvant être indiqués sur un tel support ; qu'en décidant néanmoins que l'énumération limitative des mentions obligatoires et autorisées sur le papier à lettre, exclut de façon incontestable toute autre indication et, en particulier, celle de la présence d'un ou plusieurs juristes dans un cabinet, de sorte qu'il était interdit à la SCP de mentionner sur son papier à lettre le nom de "Madame Corine X..., diplôme supérieur du notariat, European business School", bien que l'article 10-4 dudit règlement ne concerne que les avocats et non les juristes non avocats, la cour d'appel a violé les articles 10-4 du règlement intérieur, 161 du décret du 27 novembre 1991 et 17 de la loi du 31 décembre 1971 ;

2 / que l'article 10-4 du règlement intérieur dresse une liste, dont il n'est pas précisé qu'elle est limitative, des mentions autorisées sur le papier à lettre des avocats et qu'il n'interdit donc pas expressément d'y mentionner les noms des juristes non avocats ; qu'en décidant néanmoins que l'énumération limitative des mentions obligatoires et autorisées sur le papier à lettre excluait de façon incontestable toute autre indication et, en particulier celle de la présence d'un ou plusieurs juristes dans un cabinet, de sorte qu'il était interdit à la SCP de mentionner sur son papier à lettre le nom de "Madame Corine X..., diplôme supérieur du notariat, European Business School", bien que le règlement n'exclut pas une telle mention sur le papier à lettre des avocats, la cour d'appel a violé les articles 10-4 du règlement intérieur et 161 du décret du 27 novembre 1991 ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a exactement retenu qu'il appartenait à chaque conseil de l'Ordre d'arrêter son règlement intérieur a justement décidé, sans méconnaître ses pouvoirs, que l'énumération par l'article 10-4 du règlement intérieur du barreau des mentions obligatoires et autorisées sur le papier à lettre excluait toute autre indication, et en particulier l'indication du nom des juristes non avocats travaillant pour le cabinet ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la SCP fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait alors, selon le moyen :

1 / qu'en déboutant la SCP de sa demande en annulation des décisions des 2 avril et 8 octobre 2001 rendues par le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Pau au motif "qu'on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir régulièrement pris en compte les divers intérêts en jeu, notamment les impératifs d'une bonne administration de la justice, la dignité de la profession, le droit de toute personne à recevoir une information sur l'assistance juridique et la possibilité pour un avocat de faire de la publicité pour son cabinet", dès lors que l'interdiction était posée par le règlement intérieur, sans rechercher si cette interdiction contrevenait au droit réglementaire de l'avocat de recourir à la publicité, dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à la dignité de la profession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 161 du décret du 27 novembre 1991 et 19 de la loi du 31 décembre 1971 ;

2 / qu'en interdisant à la SCP de mentionner dans son papier à lettre le nom d'un juriste non avocat, au motif "de ne pas avoir régulièrement pris en compte les divers intérêts en jeu, notamment les impératifs d'une bonne administration de la justice, la dignité de la profession, le droit de toute personne à recevoir une information sur l'assistance juridique et la possibilité pour un avocat de faire de la publicité pour son cabinet", bien que l'interdiction de mentionner le nom d'un juriste non avocat sur son papier à lettre constituât une restriction apportée à sa liberté d'expression en matière de publicité personnelle, ce dont il résultait que le juge devait démontrer que cette limitation constituait une mesure nécessaire dans une société démocratique, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que l'arrêt qui retient exactement qu'aux termes de l'article 161 du décret du 27 novembre 1991, la publicité n'était permise à l'avocat que dans la mesure où elle procurait au public une nécessaire information, relève que le conseil de l'Ordre avait pris en compte les impératifs de la dignité de la profession pour interdire la mention sur le papier à lettre de juristes non avocats ; que, nouveau et mélangé de fait, partant irrecevable en sa seconde branche, le moyen manque en fait en sa première branche ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la SCP fait enfin grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen :

1 / qu'en décidant "qu'une éventuelle discrimination du fait de l'Ordre des avocats du barreau de Pau ne saurait s'apprécier qu'en ce qui concerne ses membres et par référence à des pratiques ou tolérances d'autres barreaux relativement à leurs propres règlements", de sorte qu'il était interdit à la SCP de mentionner sur son papier à lettre le nom de Mme "Corine X..., diplôme supérieur du notariat, European Business School", bien que d'autres avocats appartenant à d'autres barreaux acceptassent ces pratiques, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2 / qu'en décidant que "l'absence de mention d'un juriste sur le papier à lettre n'est pas à même d'entraver les prestations de services que la SCP est susceptible d'effectuer dans l'espace européen", bien que cette interdiction entrave les prestations de services de la SCP en faisant obstacle à son droit de donner une entière information au public, contrairement aux autres cabinets appartenant aux autres pays membres de l'Union européenne, la cour d'appel a violé les articles 43 et 49 du Traité instituant la Communauté européenne (articles 52 et 59 du traité de Rome) ;

Mais attendu, que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la décision d'interdiction adoptée par le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Pau, dans le respect de son autonomie, dès lors qu'elle s'étendait à l'ensemble des membres de ce barreau ne créait pas une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'ensuite, l'article 4 du Traité instituant la Communauté européenne dispose que le prestataire de services est soumis aux règles professionnelles et déontologique de son Etat membre d'origine et qu'en l'absence de règles communautaires spécifiques, chaque Etat membre a la liberté de réglementer l'exercice de la profession d'avocat sur son territoire, en sorte que c'est sans violer les textes visés à la seconde branche, que la cour d'appel a retenu que l'absence de mention d'un juriste sur le papier à lettre n'était pas de nature à entraver les prestations de services que la SCP était susceptible d'effectuer dans l'espace européen ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCP Yves Darmendrail et Pierre Santi aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Yves Darmendrail et Pierre Santi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 02-19868
Date de la décision : 09/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau (Audience solennelle), 02 septembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 nov. 2004, pourvoi n°02-19868


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ANCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.19868
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award