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09/11/2004 | FRANCE | N°02-19286

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 novembre 2004, 02-19286


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que des désordres ayant affecté la toiture de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier La Manufacture (le syndicat) a assigné en référé et au fond, par l'intermédiaire de MM. Robert et Bernard X..., avocats, la société civile immobilière La Manufacture (la SCI) et la Société d'équipement du département de la Haute-Savoie (SEDHS) à qui la SCI avait donné mandat de réaliser en son nom et pour son compte la construction de cet imme

uble, en vue d'obtenir l'institution d'une mesure d'instruction et la réparati...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que des désordres ayant affecté la toiture de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier La Manufacture (le syndicat) a assigné en référé et au fond, par l'intermédiaire de MM. Robert et Bernard X..., avocats, la société civile immobilière La Manufacture (la SCI) et la Société d'équipement du département de la Haute-Savoie (SEDHS) à qui la SCI avait donné mandat de réaliser en son nom et pour son compte la construction de cet immeuble, en vue d'obtenir l'institution d'une mesure d'instruction et la réparation de son préjudice ; qu'aux termes du rapport de l'expert, M. Y..., déposé en décembre 1983, les dommages constatés depuis l'origine avaient entraîné des dépenses pour la copropriété qui s'élevaient à 8 240,43 francs pour les tuiles cassées, que les remplacements ne paraissaient pas excessifs et que rien ne permettait d'infirmer ou d'affirmer que les tuiles n'allaient pas se dégrader ; que l'expert a préconisé la réalisation de noues ouvertes métalliques en vue d'assurer l'étanchéité de la toiture et a évalué le coût des travaux à la somme de 170 000 francs ; que le syndicat a demandé à M. Z..., expert, d'examiner à son tour les désordres en toiture ; que le rapport officieux achevé en octobre 1984, a relevé des erreurs de conception compte tenu des conditions climatiques de la région, de la ventilation insuffisante et de la mauvaise qualité des tuiles ; que le technicien a considéré que la couverture devait être entièrement remodelée ; que le syndicat a sollicité la condamnation de la SCI et de la SEDHS à entreprendre la réalisation d'un nouveau complexe de toiture et a réclamé le paiement d'une somme de 380 892,59 francs correspondant au coût des travaux de remplacement des tuiles exécutés en 1986 et 1987 ; que, par jugement du 21 mars 1990, le tribunal de grande instance d'Annecy a retenu que les factures concernant le remplacement des tuiles faisaient état d'un phénomène d'effeuillage du matériau mais que les travaux avaient été entrepris sans qu'un complément d'expertise eût été sollicité pour les faire examiner préalablement en sorte qu'une nouvelle mesure d'instruction s'avérait désormais parfaitement inefficace, ces éléments ayant été retirés ; que s'agissant des noues, le tribunal a écarté les conclusions de M. Z... pour retenir celles de M. Y... et, constatant que la copropriété n'avait pas réclamé la somme de 170 000 francs arrêtée par l'expert judiciaire, a rejeté l'ensemble des demandes du syndicat ; que celui-ci a mis fin au mandat des ses avocats et a interjeté appel de cette décision ; qu'il a réclamé la somme de 6 877 466,94 francs en faisant valoir que ce montant incluait nécessairement celui de 170 000 francs représentant le coût de reprise des noues et a demandé le remboursement de la somme de 380 892,59 francs au titre du remplacement des tuiles ; que le syndicat a demandé devant le conseiller de la mise en état l'institution d'une nouvelle mesure d'expertise compte tenu d'une dégradation continue de la toiture ; que cette demande a été rejetée au motif que si les dégradations avaient été réelles, le syndicat aurait sollicité cette expertise bien antérieurement ;

que, par arrêt du 25 mai 1993, la cour d'appel de Chambéry a confirmé le jugement du 21 mars 1990, a fait siennes les conclusions de M. Y... mais a déclaré nouvelles et donc irrecevables les demandes concernant le paiement de la somme de 170 000 francs et a rejeté la demande de contre-expertise en l'absence d'éléments nouveaux ; que le syndicat a assigné MM. X... en paiement d'une somme de 400 282,05 francs en réparation de son préjudice ayant consisté en la perte d'une chance d'obtenir le paiement des travaux de réfection de la toiture ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt attaqué retient que la décision de ne pas formuler de demande subsidiaire, pour ne pas affaiblir la demande principale, constituait un choix stratégique de défense qui ne pouvait constituer une faute ;

Attendu qu'en écartant ainsi toute faute de l'avocat de ce chef au prétexte que le règlement de la somme de 170 000 francs préconisé par l'expert judiciaire au titre de la reprise des noues, qui n'avait jamais été sollicité fût-ce à titre subsidiaire, aurait été virtuellement compris dans la demande d'exécution d'un nouveau complexe de toiture en sorte que les juges du fond auraient dû l'ordonner, quand cette demande s'appuyait sur un rapport d'expertise officieux dont les conclusions avaient été formellement écartées, ce dont il résultait que les avocats avaient développé une argumentation inappropriée à la défense des intérêts de leur client, et lui avaient fait perdre une chance sérieuse d'obtenir la condamnation des constructeurs au paiement du coût des travaux de reprise des noues, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt attaqué retient encore, par motifs propres et adoptés que, sur le défaut de demande de contre-expertise, le choix de la stratégie à adopter en présence d'un rapport d'expertise défavorable résultait de la concertation entre l'avocat et le client, qu'il ne pouvait être vraisemblablement soutenu que l'opportunité de solliciter une contre-expertise ou une expertise complémentaire n'avait pas été débattue au vu des conclusions du technicien consulté de façon officieuse et que le syndicat n'invoquait aucun élément technique de nature à permettre de penser que ses chances de succès étaient telles que ses avocats avaient failli à leur obligation de conseil en ne lui recommandant pas de solliciter cette contre-expertise ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans vérifier, ainsi qu'elle y avait été invitée, que les avocats auraient conseillé et défendu efficacement leur client en lui suggérant de faire examiner, contradictoirement et préalablement à l'exécution des travaux, notamment en 1986 et en 1987, le phénomène d'effeuillage des tuiles constaté officiellement en 1988 et ce, nonobstant les conclusions du rapport d'expertise déposé en 1983, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juillet 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne MM. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, solidairement MM. X... à payer au Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier La Manufacture la somme de 2 000 euros ; rejette la demande de MM. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 02-19286
Date de la décision : 09/11/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon (1re chambre civile), 10 juillet 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 nov. 2004, pourvoi n°02-19286


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ANCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.19286
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