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09/11/2004 | FRANCE | N°02-17548

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 novembre 2004, 02-17548


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'en vue d'exercer une activité de maraîcher M. X... a, le 26 décembre 1984, pris à bail une parcelle de terre appartenant à M. Y... ; qu'il a, pour créer cette exploitation, contracté un emprunt auprès du Crédit agricole ; que le bailleur a, le 1er octobre 1986, saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour faire prononcer la résiliation du bail ; que cette demande a été rejetée ; que M. X... était alors assisté par M. Z..., avocat ; que se plaignant de

troubles de jouissance qu'il imputait au bailleur, M. X... qui avait fait p...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'en vue d'exercer une activité de maraîcher M. X... a, le 26 décembre 1984, pris à bail une parcelle de terre appartenant à M. Y... ; qu'il a, pour créer cette exploitation, contracté un emprunt auprès du Crédit agricole ; que le bailleur a, le 1er octobre 1986, saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour faire prononcer la résiliation du bail ; que cette demande a été rejetée ; que M. X... était alors assisté par M. Z..., avocat ; que se plaignant de troubles de jouissance qu'il imputait au bailleur, M. X... qui avait fait procéder à des constats par huissier de justice et à des sommations interpellatives, a, en 1991, fait saisir par M. Z..., le tribunal paritaire des baux ruraux d'une action en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de ces troubles ; que M. Y... a formé une demande reconventionnelle en résiliation du bail pour défaut d'entretien des terres depuis 1986 ; qu'en juillet 1991, M. X... a dessaisi M. Z... de la défense de ses intérêts ; que la cour d'appel a, par arrêt du 26 novembre 1993 devenu définitif , prononcé la résiliation du bail et rejeté les demandes de M. X... ; que celui-ci a été placé en redressement judiciaire en octobre 1992 ; qu'il a, en juin 1993, assigné son avocat, sur le fondement de sa responsabilité professionnelle, en réparation de son préjudice financier et de son préjudice moral ; que l'arrêt attaqué (Douai, 30 mai 2002), a retenu que M. Z... avait commis diverses fautes et l'a en conséquence condamné à payer à M. X... une somme de 75 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, formé par M. A... ès qualités, pris en ses deux premières branches tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :

Attendu que l'arrêt, qui n'avait pas à se prononcer sur une recherche qui ne lui était pas demandée, constate que M. X... avait été condamné auparavant en tant que débiteur principal par un jugement du 14 septembre 1990 à payer le solde des prêts, étant également observé que les consorts X... avaient été représentés dans la procédure par un autre conseil qui avait régulièrement déposé des écritures pour soutenir leurs intérêts ; que l'absence de lien causal entre le manquement imputé à l'avocat et le préjudice allégué se trouvant ainsi caractérisée, le moyen inopérant en sa première branche, ne peut être accueilli en sa seconde ;

Sur le moyen du même pourvoi pris en sa troisième branche et sur le moyen unique du pourvoi incident formé par M. Z... et la compagnie d'assurance les Mutuelles du Mans, pris en ses deux branches, réunis :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu la responsabilité de M. Z... au titre d'une perte de chance et fixé la réparation du préjudice subi comme il l'a fait, alors selon le moyen du pourvoi principal, que la cour d'appel a constaté que si le bail consenti par M. Y... à M. X... avait été rompu aux torts du preneur par décision définitive du 26 novembre 1993, c'est parce qu'il n'était pas établi que le bailleur fût à l'origine des graves anomalies affectant la parcelle ; que les juges du fond ont par ailleurs relevé que M. Z... avait manqué à ses obligations dès le mois de juillet 1989, époque où était identifié le véhicule servant à déverser les gravats bloquant systématiquement l'accès des terres loués à M. Y..., et où il aurait donc été possible de mettre en place une procédure d'urgence pour faire cesser le trouble manifestement illicite qui lui était occasionné et, dans le même temps, d'identifier M. Y... comme le "donneur d'ordre" ; qu'il résultait donc des propres constatations de la cour d'appel que si M. Z... n'avait pas manqué à ses obligations, M. Y... aurait été identifié comme étant à l'origine des voies de fait de M. X..., de sorte qu'en jugeant cependant qu'il était certain que M. Z... ne pouvait être tenu responsable de la résiliation du bail conclu entre M. Y... et M. X... et de toutes les conséquences financières que M. X... attribue à cette résiliation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1725 et 1147 du Code civil ;

et alors, selon le moyen du pourvoi incident :

1 / qu'il résultait des constatations de l'arrêt que si la cour d'appel avait confirmé la résiliation du bail, c'est en retenant, à la faveur de témoignages, qui ont ensuite été reconnus faux par la juridiction pénale, qu'il n'était pas établi que le bailleur fût à l'origine des graves anomalies affectant la parcelle ; qu'en s'abstenant de rechercher comment l'avocat aurait pu contrecarrer de tels faux témoignages et en omettant d'établir en quoi une procédure d'urgence engagée plus rapidement aurait permis d'obtenir une décision plus favorable que celle rendue dans le cadre de l'action en résiliation du bail qui a effectivement eu lieu en 1992 et 1993, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé le lien de causalité a, ce faisant, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

2 / qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. X... a pu faire valoir en justice les griefs qu'il formulait à l'encontre de son bailleur puisqu'il a effectivement engagé son action en résiliation du bail entre 1992 et 1993, mais qu'il a été débouté en raison des faux témoignages qui n'étaient nullement imputables à l'avocat ; qu'en s'abstenant néanmoins d'établir en quoi le caractère tardif de l'introduction de l'instance avait diminué les chances de gagner l'action effectivement engagée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces du dossier que la mise en place contre le bailleur d'une procédure d'urgence pour faire cesser le trouble illicite constitué par l'obstacle mis à l'accès à la parcelle louée aurait permis d'identifier l'instigateur des déchargements de gravats bloquant cet accès ; qu'ensuite il résulte de l'arrêt que c'est par décision du 26 novembre 1993 qu'a été prononcée la résiliation du bail sur le fondement de témoignages dont la fausseté n'a été établie que par décision pénale du 12 décembre 1996 ; qu'ainsi, M. X..., disposant, non d'une certitude d'obtenir la démonstration de l'existence de faux témoignages propres à faire échec à l'action du bailleur, mais seulement d'une éventualité favorable de le faire, la cour d'appel a pu décider, d'abord, que M. X... avait perdu une chance d'obtenir le rejet de la demande en résiliation du bail formé par le bailleur et ensuite, que cette perte de chance était en relation de causalité avec la négligence constatée de l'avocat qui, en introduisant tardivement l'instance, avait diminué les chances de M. X... de gagner l'action effectivement engagée ; qu'aucun des griefs des pourvois principal et incident ne sont donc fondés ;

Et sur les quatrième et cinquième branches du pourvoi principal, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :

Attendu que la cour d'appel ayant apprécié souverainement le montant du préjudice s'agissant tant de la perte d'une perte de chance que du préjudice moral, en a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en fait, sans être tenue d'en préciser les divers éléments, ce qu'au demeurant, M. X... ne demandait pas ; qu'en aucune de ses deux branches le moyen n'est fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Laisse, d'une part à M. A..., ès qualités, d'autre part à M. Z... et aux Mutuelles du Mans, la charge des dépens afférents à leur pourvoi respectif ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 02-17548
Date de la décision : 09/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai (3e chambre civile), 30 mai 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 nov. 2004, pourvoi n°02-17548


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ANCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.17548
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