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09/11/2004 | FRANCE | N°00-17203

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 novembre 2004, 00-17203


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause Mme De X..., ès-qualités de mandataire liquidateur de l'Eurl "Le Villars" ;

Attendu que M. Y... et Mme Z..., alors mariés sous le régime de la séparation de biens et propriétaires indivis d'un fonds de commerce de bar-restaurant, dénommé "Le Brouilly", ont bénéficié d'une promesse de vente portant sur les parts de la SNC "Le Villars", exploitant un fonds de commerce de brasserie ; que, pour la réalisation du montage juridique et financier de cet

te opération qui impliquait la vente de leur fonds de commerce indivis, ils ét...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause Mme De X..., ès-qualités de mandataire liquidateur de l'Eurl "Le Villars" ;

Attendu que M. Y... et Mme Z..., alors mariés sous le régime de la séparation de biens et propriétaires indivis d'un fonds de commerce de bar-restaurant, dénommé "Le Brouilly", ont bénéficié d'une promesse de vente portant sur les parts de la SNC "Le Villars", exploitant un fonds de commerce de brasserie ; que, pour la réalisation du montage juridique et financier de cette opération qui impliquait la vente de leur fonds de commerce indivis, ils étaient assistés par la société A... Audit et conseil, société de conseil juridique, dirigée par son président directeur général, M. Bertrand A..., lui-même conseil juridique ;

que, pour assurer le financement de cette acquisition, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Aveyron, devenue Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Quercy-Rouergue (la CRCAM), leur a consenti deux prêts et a aussi accordé un prêt à la SNC "Le Villars", garanti par leur cautionnement ;que le Crédit lyonnais leur a également consenti un prêt-relais jusqu'à la vente du fonds de commerce "Le Brouilly", remboursable en un an et garanti par le cautionnement de L'Union des Brasseries aux droits de laquelle se trouve la société Brasserie Heineken ; qu'avec l'intervention de la société A... Audit et conseil et en présence de M. Y..., a été conclu le contrat de cession des parts de la SNC "Le Villars" au profit de Mme Z..., seule, laquelle, titulaire de la totalité des parts, a transformé la société en nom collectif en EURL ; qu'après le divorce des époux B..., les échéances des emprunts étant impayées, l'EURL "Le Villars" a été mise en liquidation judiciaire et M. Y..., qui s'était refusé à vendre le fonds de commerce "Le Brouilly", a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ; qu'il a assigné, outre son ex-épouse et l'EURL "Le Villars", la société Brasserie Heineken et la CRCAM en annulation des prêts pour absence de cause et dol, et la société A... Audit et conseil et M. Bertrand A... en responsabilité pour manquement à leur devoir de conseil ; que la société Brasserie Heineken et la CRCAM ont également recherché la responsabilité de ces derniers ;

que l'arrêt attaqué a condamné M. A... et la société A... Audit et conseil à payer à M. C..., en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de M. Y..., le montant du passif de ce dernier et a dit que les condamnations prononcées par le tribunal à l'encontre des ex-époux B... au profit de la CRCAM et de la société Brasserie Heineken le sont solidairement à l'encontre de M. A... et de la société A... Audit et conseil, à concurrence de certains montants ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société A... Audit et conseil et M. A... reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à M. C..., en sa qualité d'administrateur judiciaire de M. Y..., le montant de l'insuffisance d'actif de ce dernier, alors que, selon le moyen, le devoir de conseil du conseil juridique ne peut avoir pour objet que d'informer et d'éclairer les parties sur des éléments de fait ou de droit qu'elles peuvent légitimement ignorer ; que la société A... Audit et conseil et M. A... avaient soutenu dans leurs conclusions d'appel que M. Y... était présent lors de la signature de l'acte de cession des parts de la SNC "Le Villars" à son épouse, ce que les premiers juges avaient expressément constaté, qu'il avait en outre donné en toute connaissance de cause son consentement aux différents prêts souscrits et dont il était solidairement débiteur avec son épouse, ce qui résultait des dispositions du jugement entrepris passé en force de chose jugée sur le rejet de l'action en nullité pour erreur desdits prêts et qu'en conséquence il savait parfaitement que les engagements financiers qu'il avait pris étaient destinés à financer l'acquisition faite par son épouse ; qu'en reprochant à la société A... Audit et conseil et à M. A... d'avoir omis d'informer M. Y... du caractère déséquilibré à son détriment de l'opération litigieuse sans répondre à ce moyen établissant que M. Y... connaissait parfaitement l'étendue de ses droits et obligations, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'ayant relevé que la société A... Audit et conseil et M. A... n'avaient pas justifié avoir informé M. Y... de l'étendue de ses droits et obligations et de leur caractère déséquilibré à son détriment par rapport à ceux de son épouse, la cour d'appel n'avait pas à répondre à une argumentation d'où ne résultait pas la preuve qui incombait à ces conseils juridiques, la souscription des emprunts par leur client et sa présence lors de l'établissement de l'acte de cession des parts sociales au profit de son épouse n'établissant pas qu'il ait connu la portée et les effets de cet acte ;

que le grief n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, en ce qu'il concerne la CRCAM du Quercy-Rouergue :

Attendu que la société A... Audit et conseil et M. A... font grief à l'arrêt d'avoir dit que les condamnations prononcées par le tribunal au profit de la CRCAM du Quercy-Rouergue le sont solidairement à leur encontre dans la limite d'un certain montant, alors que, selon le moyen :

1 ) le conseil juridique n'est tenu d'un devoir d'information et de conseil qu'à l'égard de son client ; qu'il ne résulte d'aucune constatation de l'arrêt attaqué que M. A... et la société A... Audit et conseil auraient été investis d'une quelconque mission ou mandat par la CRCAM ; qu'en retenant néanmoins à l'encontre de M. A... et de la société A... Audit et conseil qu'ils avaient commis une faute en omettant d'informer la CRCAM de ce que Mme Z... était seule acquéreur des parts sociales de la société Le Villars, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du Code civil ;

2 ) en toute hypothèse, la cour d'appel a omis d'indiquer si elle fondait sa décision sur la responsabilité contractuelle ou sur la responsabilité délictuelle ; qu'en laissant ainsi incertaine la base juridique de son arrêt, la cour d'appel a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, les articles 1147 et 1382 du Code civil, ensemble la règle du non-cumul des responsabilité contractuelle et délictuelle ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les conseils juridiques étaient intervenus dans l'obtention et la conclusion des prêts consentis par la CRCAM et n'avaient pas informé celle-ci de la circonstance que Mme Z... acquérait seule les parts sociales de la SNC "Le Villars", circonstance qui était de nature à réduire les garanties de la banque, la cour d'appel a, à bon droit, retenu la responsabilité de la société A... Audit et conseil et de M. A..., lesquels, au demeurant, avaient, dans leurs conclusions, admis avoir "reçu pouvoir de consentir le financement à la SNC "Le Villars"" et n'a pu que donner un fondement contractuel à sa décision, ainsi légalement justifiée ;

Mais, sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner la société A... Audit et conseil et M. A... à payer à M. C..., ès-qualités d'administrateur judiciaire de M. Y..., le montant de l'insuffisance d'actif de ce dernier, la cour d'appel, après avoir retenu que les conseils juridiques avaient manqué à leur obligation de conseil et engagé leur responsabilité de ce chef, s'est bornée à déterminer l'importance du préjudice ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser le lien de causalité entre la faute et ce préjudice, alors que la société A... Audit et conseil et M. A... imputaient les difficultés financières de M. Y... à son refus de vendre son fonds de commerce à la suite de sa décision de divorcer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, en ce qu'il concerne la société Brasserie Heineken, et sur le troisième moyen, réunis :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que la cour d'appel décide que la société A... Audit et conseil et M. A... ont engagé leur responsabilité à l'égard de la société Brasserie Heineken et sont tenus de réparer son préjudice, sans caractériser la faute qu'ils auraient commise à l'encontre de cette société ;

Qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a condamné M. Bertrand A... et la société A... Audit et conseil à payer la somme de 18 014 263,74 francs entre les mains de Maître C..., administrateur judiciaire au redressement judiciaire de M. Y... et en ce qu'il a dit que les condamnations prononcées par le tribunal au profit de la société Brasserie Heineken le sont solidairement à l'encontre de M. Bertrand A... et de la société A... Audit et conseil dans la limite de la somme de 1 200 000,00 francs, l'arrêt rendu le 21 avril 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties concernées dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. C..., ès qualités et la Brasserie Heineken aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 00-17203
Date de la décision : 09/11/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (25e chambre civile section B), 21 avril 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 nov. 2004, pourvoi n°00-17203


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ANCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:00.17203
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