AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Basse-Terre, 4 février 2002), que la société Electro Nautic a importé dans le département de la Guadeloupe des marchandises et a acquitté, à ce titre, l'octroi de mer et son droit additionnel ; que, soutenant que la perception de ces droits avait été déclarée incompatible avec les dispositions du droit communautaire par la Cour de justice des Communautés européennes, elle a assigné le directeur général des Douanes afin d'obtenir la restitution des sommes versées en application de la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992, pour 1996 et pour les onze premiers mois de 1997 ;
Attendu que la société Electro Nautic fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande en remboursement des taxes d'octroi de mer et additionnelle à cet octroi payées en 1996 et 1997, alors, selon le moyen :
1 ) qu'en laissant sans réponse ses conclusions faisant valoir qu'en écartant nécessairement de l'action en remboursement les taxes sur les produits importés non similaires à des produits locaux et non concurrents de ceux-ci, l'article 1er de la loi établissait une mesure d'exclusion ayant un caractère général ou systématique incompatible avec le droit communautaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) qu'en laissant sans réponse ses conclusions faisant valoir qu'en prévoyant que les livraisons à titre onéreux par des personnes accomplissant dans un DOM des activités de production pourraient bénéficier d'une exonération totale, l'article 10.2.a de la loi, qui permettait ainsi de cantonner l'octroi de mer aux seuls produits importés, et ruinait le principe de l'assujettissement à l'octroi de mer de la production locale posé à l'article 1, était incompatible avec le droit communautaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 ) qu'en laissant sans réponses ses conclusions faisant valoir qu'en prévoyant, d'une part, l'assujettissement obligatoire à l'octroi de mer des entreprises dont le chiffre d'affaires relatif à l'activité de production est supérieur à 3,5 MF pour l'année civile précédente, et, d'autre part, la simple faculté d'assujettir les autres entreprises, l'article 3.1 de la loi introduit une discrimination générale incompatible avec le droit communautaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4 ) que, pour se prononcer sur la compatibilité des taxes d'octroi de mer et additionnelles avec le droit communautaire, le juge doit rechercher concrètement quels sont les effets substantiels et les conséquences pratiques du régime d'imposition et d'exonération mis en oeuvre ; qu'il ne peut déclarer lesdites taxes compatibles avec le droit communautaire sans rechercher si le système d'exonération est nécessaire, proportionnel, non systématique, et donc non discriminatoire ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pu statuer sans rechercher, comme elle y était invitée par ses conclusions d'appel qui demandaient qu'il soit fait injonction au Directeur régional des douanes de produire les documents nécessaires, quel était le montant annuel des perceptions réalisées pour l'octroi de mer externe par rapport à l'octroi de mer interne, seul soumis à exonérations ; qu'en s'en abstenant, elle a privé son arrêt de base légale au regard des articles 9, 13 et 95 du Traité de Rome ;
Mais attendu que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que l'examen de la décision 89/688/CEE du Conseil, du 22 décembre 1989, relative au régime de l'octroi de mer dans les départements français d'outre-mer, en ce qu'elle autorise un système d'exonération de la taxe dénommée "octroi de mer" assorti de conditions strictes qu'elle prévoit, n'a fait apparaître aucun élément de nature à affecter sa validité (arrêt Paul X... Marche, 19 février 1998) et que cette décision doit être interprétée en ce sens que, si elle s'oppose à des exonérations qui sont d'ordre général ou systématiques et qui sont donc susceptibles d'aboutir à la réintroduction d'une taxe d'effet équivalant à un droit de douane, elle autorise, en revanche, les exonérations qui sont nécessaires, proportionnelles, précisément déterminées et qui respectent les conditions strictes imposées par l'article 2, paragraphe 3, de ladite décision, interprétées à la lumière des limites prévues à l'article 226 du traité (arrêt Sodiprem, Sté Albert Roger, 30 avril 1998) ;
Et attendu que l'arrêt, par motifs adoptés, relève que l'article 1er de la loi du 17 juillet 1992 rappelle le principe de la soumission à l'octroi de mer des marchandises tant locales qu'importées, et que les exonérations qui touchent à la fois des produits importés et des produits locaux, ne sont pas générales ou systématiques, mais précisément énumérées et sélectives ; qu'il constate que l'article 2 de la loi est l'application fidèle des dispositions de l'article 2 de la décision du Conseil des Communautés européennes du 22 décembre 1989, laquelle a prévu, dans ce cas précis, un mécanisme de contrôle propre qui donne compétence à la Commission pour apprécier et approuver, ou censurer, les régimes d'exonération adoptés par le Conseil régional ; qu'il retient encore qu'objectivement la limite d'assujettissement obligatoire à l'octroi de mer des entreprises dont le chiffre d'affaires relatif à l'activité de production est supérieur à 3,5 MF pour l'année civile précédente, est appliquée indistinctement aux entreprises locales et aux entreprises extérieures et que la mise en place d'un seuil lié au chiffre d'affaires des entreprises assujetties peut aisément trouver d'autres justifications économiques que la seule spéculation sur le nombre beaucoup plus élevé d'entreprises extérieures atteignant cette limite que d'entreprises locales ; que, par motifs propres, il relève que les délibérations du Conseil général de la Guadeloupe n'ont pas institué d'exonérations générales ou systématiques frappant l'ensemble des produits circulant à l'intérieur du département-région, et que, si le produit de l'octroi de mer tel qu'il ressort d'un document versé aux débats provient davantage des produits importés que des produits circulant à l'intérieur du département, cela résulte de la situation économique du département qui importe la plus grande partie des produits manufacturés, qu'il convient d'observer que le tableau INSEE communiqué fait apparaître que 22 entreprises assujetties réalisent un chiffre d'affaires de 4 285 MF sur 19 336 MF réalisés par l'ensemble des entreprises, que le poids économique de ces entreprises est donc particulièrement important, qu'au contraire 3211 entreprises n'ayant aucun salarié réalisent ensemble un chiffre d'affaire de 1 242 MF, et retient que le rapport de la Commission déposé le 24 novembre 1999 a approuvé les dispositions prises par les Conseils régionaux, les considérant conformes au traité, en précisant que les exonérations et la réduction du taux sur les produits locaux, s'inscrivent dans les objectifs fixés par les institutions communautaires qui ont autorisé la République française à établir un régime destiné à contribuer à la promotion ou au maintien d'une activité économique dans les départements d'outre-mer, compte tenu de son cadre communautaire d'appui, sans être pour autant de nature à altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions dont elle était saisie, a légalement justifié sa décision selon laquelle le régime instauré par la loi du 17 juillet 1992 n'instaure pas une taxe d'effet équivalant à un droit de douane ou discriminatoire ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Electro Nautic aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Electro Nautic à payer à l'Administration des douanes et droits indirects la somme de 1800 euros ; rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille quatre.