AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Limoux, 22 avril 2002) d'avoir rejeté la demande de la société Actis tendant à l'annulation pour fraude de la désignation par l'Union départementale CFTC de Savoie de M. Philippe X... en qualité de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise alors, selon le moyen :
1 / que le caractère soudain et inattendu de la désignation d'un salarié n'ayant aucune expérience syndicale comme délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise est un indice sérieux de fraude que le juge doit examiner ; qu'en se fondant uniquement, pour décider que la désignation de M. X... n'avait pas pour but d'assurer à ce salarié n'ayant jamais eu d'activité syndicale une protection personnelle, sur l'intérêt manifesté par l'intéressé pour la bonne marche de l'entreprise et la collectivité de ses salariés dans des courriers qu'il a adressés au dirigeant de la société ACTIS. ce au surplus, sans même constater que le syndicat l'ayant désigné avait eu connaissance des courriers du salarié à son employeur, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 412-11 du Code du travail ;
2 / qu'en cas de simultanéité entre la lettre par laquelle le salarié est convoqué à un entretien préalable et celle par laquelle sa désignation comme délégué syndical est portée à la connaissance du chef d'entreprise, il incombe au juge de vérifier à quelle date cette désignation est intervenue au regard, en particulier, de la date d'expédition de la lettre de désignation ; qu'en se fondant exclusivement sur la date mentionnée sur la lettre par laquelle le syndicat informait la société Actis de la désignation de M. X... sans rechercher si, compte tenu de la date à laquelle cette lettre avait été expédiée, la désignation n'était pas, en réalité postérieure à la réception de la convocation à l'entretien préalable, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 412-11 du Code du travail ;
3 / enfin, qu'il n'est pas nécessaire que le salarié ait été explicitement informé d'une menace de licenciement pour que la fraude puisse être caractérisée ; qu'en l'espèce, la société Actis avait indiqué, dans sa lettre du 12 janvier 2002 notifiant à M. X... une mise à pied de deux jours :
"Nous vous appelons à vous ressaisir afin d'éviter que nous soyons contraintes à vous sanctionner plus lourdement" (pièce communiquée n° 3) ; que M. X... était donc en tout état de cause averti, en recevant la convocation du 15 février 2002 à un nouvel entretien préalable, du risque de licenciement ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que cette convocation ne mentionne pas l'éventualité d'un licenciement pour écarter l'hypothèse d'une désignation destinée à protéger personnellement l'intéressé, le Tribunal a violé l'article L. 412-11 du Code du travail ;
Mais attendu que l'appréciation souveraine de l'existence de la fraude par les juges du fond ne relève pas du contrôle de la Cour de Cassation ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille quatre.