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20/10/2004 | FRANCE | N°03-86703

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 octobre 2004, 03-86703


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Patrick,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 9 octobre 2003, qui, pour o

bstacle aux fonctions des agents des impôts, l'a condamné à 3 amendes de 7 500 euros ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Patrick,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 9 octobre 2003, qui, pour obstacle aux fonctions des agents des impôts, l'a condamné à 3 amendes de 7 500 euros chacune et a reçu l'administration des Impôts en sa constitution de partie civile ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires en demande et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de des articles 6-1 et 6-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 81, L. 82-C et L. 101 du Livre des procédures fiscales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe de loyauté dans la recherche de la preuve pénale, violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick X... coupable d'opposition à l'accomplissement des fonctions des agents des Impôts, et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs que, selon Patrick X..., le principe de l'égalité des armes a été méconnu, dès lors que ni les services fiscaux, partie poursuivante, ni le ministère public n'ont fait connaître leurs arguments avant l'audience, ne lui laissant pas un délai nécessaire pour y répondre ; que, cependant, la procédure devant la chambre correctionnelle est orale, de sorte qu'à l'audience chaque partie a développé ses moyens et arguments, le prévenu ayant eu la parole en dernier ; qu'il fait encore état de ce que certaines pièces communiquées par les services fiscaux sont extraites d'un dossier d'information toujours en cours ; que, cependant, dans le cadre de son droit de communication, l'administration fiscale a la possibilité d'obtenir communication de certains documents détenus par diverses administrations ; que, dans ce cadre, elle a produit diverses pièces issues d'une instruction pénale en cours ;

"alors, d'une part, que, conformément à l'article 6-1 de la Convention européenne, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, ce qui implique une égalité des armes entre le prévenu et la partie poursuivante, et ce qui exclut que cette dernière ne fasse connaître les arguments et pièces sur lesquels elle fonde les poursuites qu'à l'audience ; que, dans ses conclusions déposées le 11 septembre 2003, Patrick X... faisait valoir qu'il avait déposé ses conclusions en temps utile, mais qu'il n'avait eu connaissance des arguments de l'administration fiscale, partie poursuivante, que peu de temps avant l'audience, ce qui était contraire au principe de l'égalité des armes ; qu'en se bornant, pour écarter ce moyen, à énoncer qu'en matière pénale la procédure était orale et que les parties n'étaient pas tenues de déposer des conclusions dans le cadre d'une mise en état, et à se fonder ainsi sur le seul droit interne, sans rechercher si le fait, pour l'administration fiscale, partie poursuivante, de ne faire connaître ses moyens et arguments qu'à l'audience était compatible avec le principe du procès équitable garanti par la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que, conformément au principe de loyauté, la partie poursuivante ne peut puiser des renseignements, contre un prévenu, de pièces obtenues par un moyen illégal ou déloyal ; que Patrick X... faisait valoir dans ses conclusions (page 28) que, si l'administration fiscale avait effectivement, dans le cadre de son droit de communication, la possibilité de prendre connaissance du dossier d'une instruction pénale en cours, elle ne pouvait pour autant, sans méconnaître le droit au procès équitable, ainsi que le principe de loyauté et le principe de la présomption d'innocence, prendre copie des pièces du dossier, et produire ces pièces à l'appui d'une poursuite fiscale distincte ; qu'en se bornant à énoncer que l'administration fiscale, en produisant diverses pièces issues d'une instruction pénale en cours, agissait dans le cadre de son droit de communication, sans s'expliquer sur cette articulation essentielle des conclusions du prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale" ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'examiner le moyen pris en sa première branche, dont le demandeur, par un mémoire complémentaire, déclare se désister ;

Sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu qu'en prononçant par les motifs repris au moyen, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que le droit de communication, prévu par l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales, n'interdit pas à l'Administration requérante d'obtenir copie des pièces d'une procédure pénale et de les produire à l'appui d'une poursuite fiscale distincte ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de violation des articles 1737 du Code général des impôts, L. 13 et L. 85 du Livre des procédures fiscales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick X... coupable d'opposition à l'accomplissement des fonctions des agents des Impôts, et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs adoptés qu'il n'appartient pas à un contribuable d'apprécier par lui-même s'il est assujetti ou pas à un système fiscal de son choix ; que l'Administration fiscale n'a pas pu déterminer si le prévenu était oui ou non soumis à des obligations comptables et fiscales en France ;

"et aux motifs propres que le prévenu fait valoir qu'il n'est pas établi que la société GEIA soit redevable de l'impôt en France ; que le fait que la société GEIA soit ou non imposable en France relève du débat de fond, étant précisé qu'il n'appartient pas au contribuable de se faire juge de cet élément ; que Patrick X... n'avait pas la possibilité de décider seul de l'imposition ou non en France de la société GEIA qu'il dirige ; que les éléments en possession des services fiscaux permettaient à cette administration de penser qu'une imposition en France, tant au titre de la TVA que de l'impôt sur les sociétés, était due ;

"alors, d'une part, que, dès lors que l'article L. 13 du Livre des procédures fiscales précise que seuls les "contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables" peuvent faire l'objet d'une vérification de leur comptabilité, toute poursuite sur le fondement de l'article 1737 du Code général des Impôts, qui vise l'obstacle à l'accomplissement des fonctions des agents habilités à constater les infractions à la législation des impôts, et notamment l'opposition au contrôle de la comptabilité, exige la démonstration préalable, par l'administration fiscale, de ce que la personne contrôlée est soumise aux obligations comptables et fiscales en France ; qu'en affirmant expressément que cette preuve préalable n'a pas à être rapportée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, qu'en déclarant Patrick X... coupable d'opposition au contrôle de comptabilité, sans avoir préalablement constaté que l'Administration fiscale démontrait que la société GEIA de droit espagnol, dont Patrick X... est le dirigeant, était soumise aux obligations comptables et fiscales en France, la cour d'appel a violé l'article 1737 du Code général des Impôts" ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, que le 5 octobre 2000, un inspecteur des Impôts a avisé Patrick X..., gérant de la société "Groupement Européen Import Automobile", de son intention d'en vérifier la comptabilité ; que Patrick X... lui a fait savoir que la comptabilité se trouvait en Espagne, où se trouvait le siège de la société, laquelle relevait du droit espagnol ; que, par suite d'un refus persistant malgré les demandes réitérées de l'inspecteur des Impôts et l'établissement de procès-verbaux, le directeur des services fiscaux du Gers a fait citer Patrick X... à comparaître devant le tribunal correctionnel pour opposition à l'accomplissement des fonctions des agents des impôts ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, selon laquelle l'infraction d'opposition à contrôle ne pouvait être constituée que s'il était préalablement démontré que la société concernée était soumise aux obligations comptables et fiscales en France, les juges du fond relèvent que l'Administration était en possession d'éléments lui permettant de penser que cette société avait en France un établissement stable et qu'une imposition en France, tant au titre de la TVA que de l'impôt sur les sociétés était due ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1737 du Code général des Impôts, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick X... coupable d'opposition à l'accomplissement des fonctions des agents des Impôts, et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs que, si Patrick X... a déclaré ne pas s'opposer au contrôle, force est de constater qu'il n'a fourni aucun des éléments comptables permettant un contrôle, ou que les éléments fournis étaient inexploitables, faute de renseignements véritables ; qu'une telle attitude de passivité équivaut à une opposition réelle ; que Patrick X... n'a jamais présenté la comptabilité, affirmant seulement que celle-ci était tenue en Espagne et qu'il n'avait pas à la présenter aux services fiscaux français, la société GEIA étant seulement imposable en Espagne ; qu'il n'y a pas lieu à disqualification sur le fondement de l'article L. 13-B du Livre des procédures fiscales qui suppose l'absence ou l'insuffisance de comptabilité, alors qu'en l'espèce cette comptabilité existe et a été sciemment refusée aux services fiscaux français ; que Patrick X... ne saurait valablement invoquer le défaut d'élément intentionnel, dès lors que, soit il ne présentait aucune comptabilité, soit il présentait une comptabilité dont les chiffres étaient tous égal à "zéro" ; que le courrier remis à l'Inspecteur des Impôts le 15 novembre 2001, par lequel il s'engageait à fournir une comptabilité conforme, ne saurait être exonératoire, dès lors qu'il faisait suite à une série de refus explicites de communication et qu'au nouveau rendez-vous, fixé au 7 décembre 2001, aucune pièce n'était présentée ;

"alors, d'une part, que l'infraction d'opposition à contrôle, au sens de l'article 1737 du Code général des Impôts, qui suppose qu'un obstacle est apporté volontairement à l'action des agents des Impôts au cours d'une vérification fiscale, ne saurait être constituée lorsque le représentant d'une société de droit espagnol se trouve, au cours d'une vérification effectuée à son domicile personnel en France, dans l'impossibilité de fournir la comptabilité de la société se trouvant en Espagne ; qu'en se bornant, pour déclarer Patrick X... coupable de cette infraction, à énoncer que, si l'intéressé déclarait ne pas s'opposer au contrôle, il ne fournissait aucun des éléments comptables permettant celui-ci, sans rechercher si le prévenu avait la possibilité matérielle de déférer aux demandes des agents de contrôle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1737 du Code général des Impôts ;

"alors, d'autre part, que l'infraction visée à l'article 1737 du Code général des Impôts n'est constituée que si le contribuable oppose un véritable obstacle au contrôle, mais non s'il fournit des documents que l'administration fiscale considère comme insuffisants ; qu'en déclarant Patrick X... coupable de cette infraction, au motif que les documents fournis étaient inexploitables, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

"alors, enfin, que l'infraction d'opposition à contrôle n'est constituée que, si l'obstacle à l'action des agents des Impôts au cours d'un contrôle fiscal est apporté volontairement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que Patrick X... a, dans un premier temps, expliqué que la société GEIA avait son siège en Espagne et acquittait dans ce pays ses obligations comptables et fiscales, qu'il avait, les agents exigeant néanmoins la fourniture d'une comptabilité, présenté des pièces comptables relatives à l'activité de la société GEIA en France comportant logiquement des chiffres équivalant à zéro, et qu'il avait, le 15 novembre 2001, encore une fois déféré aux demandes des contrôleurs en proposant de fournir "une comptabilité conforme", c'est-à-dire la comptabilité espagnole avec sa traduction ; qu'en affirmant que le prévenu ne pouvait invoquer le défaut d'élément intentionnel, sans rechercher si les faits ainsi constatés ne traduisaient pas la volonté de Patrick X... de collaborer avec les agents contrôleurs, c'est-à-dire s'ils n'étaient pas révélateurs de sa bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Pibouleau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-86703
Date de la décision : 20/10/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, 09 octobre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 oct. 2004, pourvoi n°03-86703


Composition du Tribunal
Président : Président : M. PIBOULEAU conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.86703
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