AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. X... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 novembre 2000), que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère (la banque) a, en 1988, pour la réalisation d'une opération de construction immobilière, constitué, avec une autre société,) la société civile immobilière Landicam (la SCI), depuis lors en liquidation judiciaire ayant M. Y... pour liquidateur ; que, selon deux actes authentiques des 6 et 9 juillet 1990, les parts de cette société ont été cédées pour partie à M. Z... et pour partie à M. A... ; qu'en 1992, la banque a consenti à la SCI des ouvertures de crédit ; qu'en 1995, la SCI et M. Z... ont assigné la banque en annulation des actes de cession de parts ainsi qu'en responsabilité pour faute commise dans l'opération immobilière ;
que la banque a formé reconventionnellement des demandes en remboursement des ouvertures de crédit ; que M. A... est intervenu volontairement en cause d'appel ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident formé par M. A..., réunis, après avis de la Chambre commerciale, économique et financière, en application de l'article 1015-1 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que M. Z... et M. A... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à faire constater l'inexistence des actes de cession des 6 et 9 juillet 1990, alors, selon le moyen :
1 ) qu'un acte inexistant est insusceptible de confirmation ;
qu'en refusant de constater l'inexistence des actes de cession des 6 et 9 juillet 1990, au motif inopérant que ceux-ci avaient permis à MM. Z... et A... de pratiquer leur activité pendant plusieurs années, la cour d'appel a violé l'article 1338 du Code civil ;
2 ) que la prescription triennale édictée par l'article 1844-14 du Code civil ne concerne que les actions en nullité ; qu'elle n'est donc pas applicable à l'action, par laquelle une partie à un acte prétend faire déclarer inexistante une cession consentie par une personne qui n'avait pas qualité pour représenter un cédant dépourvu lui-même de droits sur la chose vendue ; qu'il ne peut, en effet, y avoir prescription de l'action en nullité d'un tel acte auquel fait défaut l'un de ses éléments essentiels ;
qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les actes de cession des 6 et 9 juillet 1990 ne devaient pas être déclarés inexistants pour avoir été passés par M. B... qui n'avait pas qualité pour représenter la SCI Landicam, laquelle était elle-même radicalement dépourvue de droits sur les parts sociales cédées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1844-14 du Code civil ;
Mais attendu que l'inexistence d'une cession de droits sociaux ne peut résulter ni du défaut de droit du cédant, qui est sanctionné par une nullité relative, ni du défaut de pouvoir du représentant du cédant, qui est sanctionné par une inopposabilité ne pouvant être invoquée que par le cédant lui-même, ni de l'addition de ces deux irrégularités ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux de l'arrêt attaqué, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal et le deuxième moyen du pourvoi incident formé par M. A..., réunis, après avis de la Chambre commerciale, économique et financière, en application de l'article 1015-1 du nouveau Code de procédure civile :
Vu l'article 1844-14 du Code civil ;
Attendu que les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieures à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour ou la nullité est encourue ;
Attendu que pour déclarer irrecevable comme atteinte par la prescription triennale l'action en annulation pour dol de la cession des parts sociales de la SCI intentée par M. Z... et A..., l'arrêt retient que cette cession est considérée comme un acte de la société ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en annulation d'une cession de droits sociaux n'est soumise à la prescription triennale que dans l'hypothèse où elle est fondée sur une irrégularité affectant la décision sociale ayant accordé au cessionnaire l'agrément exigé par la loi ou les statuts, irrégularité qui ne peut être invoquée que par la société ou les associés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi incident formé par M. A... ainsi que sur le pourvoi provoqué de M. Y..., ès qualités ;
CASSE ET ANNULE sauf en ce qu'il a débouté MM. Z... et A... de leur demande tendant à faire constater l'inexistence des actes de cession des parts sociales de la SCI des 6 et 9 juillet 1990, l'arrêt rendu le 23 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Finistère aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Finistère à payer à M. Y..., ès qualités, la somme de 1 900 euros et rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille quatre.