AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 122-24-4 du Code du travail ;
Attendu que M. X..., engagé le 21 août 1991 par la société Spigolon en qualité de chauffeur poids lourd, s'est trouvé en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 25 mars 1995 ; qu'à l'issue de deux examens des 22 décembre 1995 et 15 mars 1996, le médecin du Travail l'a déclaré apte à la reprise mais en excluant le port de charges supérieures à 25 kilogrammes ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 25 avril 1996 afin de voir imputer à l'employeur la rupture du contrat de travail et d'obtenir le paiement de rappels de salaires et de diverses indemnités ;
Attendu que, pour décider que la rupture était imputable au salarié et le débouter en conséquence de ses demandes, l'arrêt retient que dès le 27 mars 1996, l'employeur a effectué des démarches en vue du reclassement ainsi qu'en attestent les médecins du travail qui indiquent avoir reçu ce jour-là une demande d'avis relative à trois postes de reclassement et s'être heurtés à la carence du salarié ; que le 13 juin 1996 puis le 12 juillet 1996, des propositions de reclassement ont été adressées au salarié, qui n'y a pas donné suite; qu'il en résulte que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement et que le salarié ne pouvait, à défaut d'établir une faute de son employeur, que solliciter le paiement de son salaire à compter du 15 avril 1996 ; qu'en ne présentant pas une telle demande et en saisissant le 25 avril 1996 le conseil de prud'hommes, le salarié a pris l'initiative de la rupture qui lui est donc imputable ;
Attendu, cependant, que les difficultés de reclassement du salarié, quelle qu'en soit l'origine, ne dispensent pas l'employeur d'appliquer les dispositions de l'article L. 122-24-4 du Code du travail , selon lesquelles l'employeur est tenu de verser au salarié, victime d'un accident ou d'une maladie non professionnels et qui n'a pas été reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail ou n'a pas été licencié, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail ; qu'il en résulte que le salarié peut, soit se prévaloir de la poursuite du contrat de travail et solliciter la condamnation de l'employeur au paiement des salaires, soit faire constater la rupture du contrat de travail pour manquement de l'employeur à cette obligation ; que cette rupture doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que l'employeur n'avait pas repris le paiement des salaires ni licencié le salarié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne la société Spigolon aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Spigolon ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quatre.