AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 septembre 2002), que faisant valoir que cinq sociétés associées dans le GIE Gesam, la société Contact assurances, la société Partenaires assurances, la société Sara, la société Cape et la société YB développement et le GIE avaient commis à son encontre des faits de concurrence déloyale, notamment au moyen du débauchage d'anciens salariés, la société assurances Ginet Chomel a assigné le GIE et les cinq sociétés en cause en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société assurances Ginet Chomel fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait renoncé à ses conclusions tendant à faire écarter des débats les pièces et conclusions déposées par le GIE Gesam et les sociétés Partenaires assurances, Cape, Sara et YB développement la veille et le jour de la clôture de l'instruction et, pour certaines de ces pièces, sans communication préalable, et, partant, d'avoir rejeté sa demande tendant à l'allocation de dommages-intérêts pour concurrence déloyale en tant qu'elle était fondée sur le débauchage ou l'embauche de Mme X..., sur le démarchage de clientèle reproché à cette dernière et sur la détention par le GIE Gesam ou ses membres de dossiers d'anciens clients de la société Cabinet Chomel, alors, selon le moyen, que dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire, les prétentions des parties sont fixées par leurs écritures régulièrement déposées ; qu'en se déterminant de la sorte, en considération de lettres écrites par les parties postérieurement à l'audience de plaidoiries, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que par notes en délibéré, toutes les parties ont écrit à la cour d'appel qu'elles renonçaient à leurs conclusions respectives tendant à faire écarter des conclusions ou pièces des débats ; qu'ayant elle-même sollicité qu'il ne soit pas tenu compte de ses conclusions en ce qu'elles visaient à faire écarter certaines pièces des débats, la société assurances Ginet Chomel ne peut devant la Cour de cassation adopter un comportement contraire à la loyauté des débats ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société assurances Ginet Chomel fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à l'allocation de dommages-intérêts pour concurrence déloyale en tant qu'elle était fondée sur le débauchage ou l'embauche de Mme X..., alors, selon le moyen :
1 / que la société assurances Ginet Chomel faisait valoir qu'aux termes de l'article 41 de la convention collective nationale des cadres et employés salariés des cabinets de courtage d'assurances et/ou de réassurances, applicable en la cause "tout salarié quittant, pour quelque raison que ce soit, un employeur relevant de la présente convention collective, s'interdit formellement de démarcher, directement ou indirectement, la clientèle appartenant à l'employeur qu'il vient de quitter" ; qu'en se bornant dès lors, à énoncer que "la société assurances Ginet Chomel n'établit pas que Mme X... était débitrice à son égard d'une obligation de non concurrence", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la convention collective applicable n'interdisait pas à Mme X... de démarcher, directement ou indirectement, la clientèle de son ancien employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 41 de la convention collective nationale des cadres et employés salariés des cabinets de courtage d'assurances et/ou de réassurances ;
2 / que la société assurances Ginet Chomel faisait valoir que le débauchage avait porté sur un service complet, autonome, constitué du producteur commercial, et de sa secrétaire, dont la démission et l'embauche avaient été simultanées, puisque Mme X..., qui avait cessé ses fonctions le 30 avril 1996, avait été engagée par le GIE Gesam le 10 mai suivant, et que M. Y..., qui avait cessé ses fonctions le 17 mai 1996, avait dans un premier temps travaillé pour le GIE Gesam de manière clandestine, percevant des fonds non déclarés, comme le précise l'arrêt ultérieurement rendu par la Chambre d'accusation de la cour d'appel de Rouen, avant d'être officiellement engagé par la société Contact assurances par contrat de travail en date du 14 janvier 1997, avec effet au 1er janvier 1997, que Mme X... était en outre aussitôt devenue associée de la société Contact assurances, à concurrence de 5 % de son capital social, et qu'elle bénéficiait, au sein du GIE Gesam, pour un emploi à temps partiel, d'un salaire supérieur à celui qui était auparavant le sien pour un emploi à temps complet ; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer qu' "il n'est nullement démontré que le GIE Gesam, nouvel employeur de Mme X..., l'ait débauchée par des manoeuvres déloyales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que n'ayant pas soutenu devant les juges du fond que Mme X... était tenue à son égard d'une clause de non-démarchage sur le fondement d'une convention collective qui lui aurait été applicable, la société assurances Ginet Chomel est irrecevable à faire valoir ce moyen nouveau, mélangé de fait et de droit devant la Cour de Cassation ;
Et attendu, d'autre part, que la société assurances Ginet Chomel n'ayant pas invoqué un moyen tiré de la faute qu'aurait commis le GIE Gesam en recrutant Mme X..., celle-ci n'eût-elle pas été tenue par une clause de non-concurrence, la cour d'appel n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée ;
Qu'il suit de là que le moyen irrecevable en sa première branche n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société assurances Ginet Chomel fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à l'allocation de dommages-intérêts pour concurrence déloyale en tant qu'elle était fondée sur le démarchage de clientèle reproché à Mme X..., alors, selon le moyen :
1 / que la société assurances Ginet Chomel faisait valoir qu'aux termes de l'article 41 de la convention collective nationale des cadres et employés salariés des cabinets de courtage d'assurances et/ou de réassurances, applicable en la cause "tout salarié quittant, pour quelque raison que ce soit, un employeur relevant de la présente convention collective, s'interdit formellement de démarcher, directement ou indirectement, la clientèle appartenant à l'employeur qu'il vient de quitter" ; qu'en se bornant dès lors, à énoncer que "Mme X... n'étant pas tenue par une clause de non-concurrence, son nouvel employeur ne saurait se voir reproché qu'elle ait démarché les clients de son ancien employeur",sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la convention collective applicable n'interdisait pas à Mme X... de démarcher, directement ou indirectement, la clientèle de son ancien employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 41 de la convention collective nationale des cadres et employés salariés des cabinets de courtage d'assurances et/ou de réassurances ;
2 / que le démarchage de la clientèle de son ancien employeur par un salarié non tenu par une obligation de non-concurrence ou de non démarchage de cette clientèle est fautif s'il s'accompagne de manoeuvres déloyales ; qu'en déduisant l'absence de faute du nouvel employeur de Mme X... de la seule circonstance que la salariée n'était pas tenue par une clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3 / qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si, en l'espèce, le démarchage, par la salariée, de la clientèle de son ancien employeur n'était pas fautif, en l'état, notamment, tant des moyens mis en oeuvre, au nombre desquels l'exploitation du fichier clients de son ancien employeur, que de son caractère systématique et de l'importance du transfert de clientèle qui en avait résulté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que n'ayant pas soutenu devant les juges du fond que Mme X... était tenue à son égard d'une clause de non- démarchage sur le fondement d'une convention collective qui lui aurait été applicable, la société assurances Ginet Chomel est irrecevable à faire valoir ce moyen nouveau, mélangé de fait et de droit devant la Cour de Cassation ;
Attendu, en deuxième lieu, que dès lors qu'aucun fait précis n'était invoqué devant elle de nature à établir le démarchage déloyal des clients de la société assurances Ginet Chomel par Mme X..., celle-ci n'eût-elle pas été tenue par une obligation de non-concurrence, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ;
Qu'il suit de là que le moyen irrecevable en sa première branche n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le quatrième moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que la société assurances Ginet Chomel fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à l'allocation de dommages-intérêts pour concurrence déloyale en tant qu'elle était fondée sur la détention par le GIE Gesam ou ses membres de dossiers d'anciens clients, alors, selon le moyen :
1 / que l'autorité au civil de la chose jugée au pénal ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement ; qu'en se prononçant de la sorte en considération des énonciations d'un arrêt confirmant une ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal ;
2 / que toute décision de justice doit être motivée à peine de nullité ; que le motif hypothétique équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant à l'appui de sa décision, que "les dossiers en question, qu'aucun élément ne permet de constater qu'il s'agit d'originaux, ont pu être remis en copie ou photocopie au nouveau courtier d'assurances par les assurés eux-mêmes ou par les compagnies d'assurances, comme il est d'usage, selon l'attestation du 21 mars 2002, de la chambre syndicale des courtiers d'assurances", la cour d'appel, qui s'est déterminée à partir de motifs hypothétiques, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes des parties sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par celles-ci au soutien de leurs prétentions ; que le tribunal avait relevé, à l'appui de sa décision, que le "constat d'huissier du 30 mai 1997 démontre que des documents originaux, ainsi que des documents internes, du cabinet Chomel, ont été trouvés dans les locaux du GIE Gesam" ; qu'en retenant, pour infirmer le jugement entrepris, "qu'aucun élément ne permet de constater qu'il s'agit d'originaux", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il ne résultait pas du constat d'huissier du 30 mai 1997 que ce sont bien des documents originaux qui avaient été retrouvés au siège social du GIE Gesam, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 7 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / qu'en retenant que ces documents avaient pu être remis en copie ou photocopie au nouveau courtier d'assurances par les assurés eux-mêmes ou par les compagnies d'assurances sans répondre aux conclusions qui lui étaient soumises dans lesquelles la société assurances Ginet Chomel faisait valoir que "certains documents trouvés dans les locaux du GIE Gesam sont des documents à usage exclusivement interne du Cabinet Chomel", comme l'avait constaté le tribunal, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que n'ayant pas invoqué l'autorité de la chose jugée au pénal sur l'instance civile mais ayant seulement retenu que la société assurances Ginet Chomel n'apportait pas la preuve des faits fautifs qu'elle alléguait, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la valeur probante des éléments qui lui étaient soumis et qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a légalement justifié sa décision, qu'elle a motivée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le pourvoi ;
Condamne la société Assurances Ginet Chomel aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Assurances Ginet Chomel à payer à la société Contact assurances la somme de 1 800 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille quatre.