AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° W 02-19.784 formé par M. André X... et M. Jean-Claude X..., en son nom personnel et en qualité d'héritier de Mme Y... épouse X..., contre la Caisse régionale de Crédit agricole Loire Haute Loire et n° F 02-19.793 formé par la Caisse régionale de Crédit agricole Loire Haute Loire contre M. André X... et M. Jean-Claude X..., qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. André X... et Mme X..., aux droits de laquelle est venu M. Jean-Claude X... (les consorts X...) se sont portés garants par cautionnement en janvier 1995 et par aval en mars 1997 de crédits consentis par la Caisse régionale de Crédit agricole Loire Haute Loire (la banque) à la société X... (la société), à concurrence d'un certain montant ; que celle-ci a été mise en redressement judiciaire le 30 juillet 1997 ; que les consorts X..., assignés en paiement par la banque au titre de leurs engagements, lui ont réclamé des dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° W 02-19.784, formé par les consorts X..., pris en ses trois branches :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir , après les avoir condamnés solidairement à payer à la banque les sommes de 76 224,51 euros et 30 489,80 euros au titre de leur engagement de caution et d'avaliste, limité à la seule somme de 45 000 euros les dommages-intérêts à eux dus par la banque pour manquement à son devoir de conseil envers la débitrice principale, tireur du billet à ordre avalisé, et pour avoir également rompu abusivement les crédits accordés à cette dernière, en invoquant dans une première branche une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, dans une deuxième branche une violation des articles 1147 et 1382 du Code civil et dans une troisième branche un manque de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'aucun de ces griefs ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi n° F 02-19.793 formé par la banque, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour la condamner à payer aux consorts X... , cautions garantissant les engagements de la société X..., la somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la banque s'est abstenue de tout conseil au moment où la société, de 1994 à 1997, en avait besoin en relevant qu'il importait peu que les dirigeants de la société X... aient bénéficié d'autres conseils ou aient été compétents en matière économique ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la banque n'est pas tenue d'un devoir de conseil vis à vis de la caution dirigeante de la société qui n'établit pas que la banque aurait eu sur la société et ses perspectives de développement des informations que, par suite de circonstances exceptionnelles, elle-même aurait ignorées, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que la banque avait abusivement rompu le dépassement important du découvert autorisé tout en constatant que la société bénéficiait d'une autorisation de découvert à concurrence de 1 200 000 francs convenue par courrier du 30 octobre 1996, que l'examen du compte révélait que jusqu'au mois de mai 1997 le solde débiteur était resté à l'intérieur de ces limites et que par courrier du 30 mai 1997 la banque avait dénoncé les dépassements accordés, le solde débiteur ayant atteint la somme de 2 287 054 francs ; que l arrêt relève encore que la banque avait invité la société à régulariser son compte dans le délai de huit jours et avait annoncé qu'au-delà du plafond contractuel, elle serait alors en droit de rejeter toute demande de paiement ;
Attendu qu'en se déterminant par des motifs impropres à caractériser le caractère non occasionnel du dépassement de crédit et alors que seule la résiliation des concours non occasionnels consentis à une entreprise, peu important le montant de leur dépassement, est régie par l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier et nécessite le respect d'un délai de préavis, la cour d'appel n'a donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
REJETTE le pourvoi formé par M. André X... et M. Jean-Claude X... contre la Caisse régionale de Crédit agricole Loire Haute Loire ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la Caisse régionale de Crédit agricole Loire Haute Loire à payer aux consorts X... la somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal, l'arrêt rendu le 17 juillet 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des consorts X... et les condamne à payer la somme de 3 000 euros à la Caisse régionale de Crédit agricole Loire Haute-Loire ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille quatre.