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21/09/2004 | FRANCE | N°03-30067

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 septembre 2004, 03-30067


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Dit n'y avoir lieu à mise hors de cause de la société Valéo ;

Attendu que M. X... a été employée par la société Ferrodo, devenue Valéo de 1968 à 1999, notamment au sein de l'usine de Condé-sur-Noireau, cédée en 1990 dans le cadre d'un traité d'apport à la société Allied Signal, devenue société Honeywell matériaux de friction (HMF) ; qu'il a été reconnu atteint de la maladie professionnelle n° 30 avec un taux d'incapacité fixé en dernier lieu à 15 %

; que, le 17 juillet 2000, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale afin de v...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Dit n'y avoir lieu à mise hors de cause de la société Valéo ;

Attendu que M. X... a été employée par la société Ferrodo, devenue Valéo de 1968 à 1999, notamment au sein de l'usine de Condé-sur-Noireau, cédée en 1990 dans le cadre d'un traité d'apport à la société Allied Signal, devenue société Honeywell matériaux de friction (HMF) ; qu'il a été reconnu atteint de la maladie professionnelle n° 30 avec un taux d'incapacité fixé en dernier lieu à 15 % ; que, le 17 juillet 2000, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur ; que la cour d'appel (Caen, 29 novembre 2002) a dit que la maladie professionnelle dont il était atteint était due à la faute inexcusable de son employeur, la société HMF, fixé au maximum le montant de la rente, fixé le montant de son préjudice personnel, et dit que la société HMF devait être tenue des conséquences financières de sa faute inexcusable conformément aux dispositions des articles L.452-2 et L.452-3 du Code de la sécurité sociale ;

Sur les premier et second moyens réunis :

Attendu que la société HMF fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :

1 ) que si la réparation forfaitaire de base prévue par les articles L.411-1 et suivants et L.461-1 et suivants du Code de la sécurité sociale est acquise de plein droit en cas de reconnaissance d'une maladie professionnelle et apparaît bien comme la contrepartie d'une obligation de résultat, en revanche les réparations complémentaires prévues par les articles L.452-2 et L.452-3 du Code de la sécurité sociale sont subordonnées à une "faute inexcusable", notion légale précise à laquelle ne saurait être substituée celle d'obligation de résultat, de sorte qu'en affirmant que la société Honeywell matériaux de friction aurait commis une faute d'une exceptionnelle gravité du seul fait qu'elle n'aurait pas démontré que la maladie litigieuse résultait exclusivement d'une cause étrangère, ce qui abolit toute distinction entre les textes susvisés, la cour d'appel a violé ces derniers ;

2 ) qu'en vertu des articles L.452-2 et L.452-4 du Code de la sécurité sociale, la reconnaissance d'une faute inexcusable expose l'employeur au paiement de cotisations complémentaires et/ou supplémentaires qui sont non seulement destinées à financer la rente versée par la CPAM à la victime mais sont aussi perçues par la CRAM à titre préventif et que les rentes sont systématiquement majorées de 100 %, sauf faute inexcusable du salarié lui même ; qu'il résulte d'un tel dispositif que les sanctions infligées, tant à l'employeur qu'à l'auteur direct des fautes, relève de la matière pénale au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors méconnaît ensemble le principe de la sécurité juridique et celui de la non rétroactivité de la norme répressive, figurant dans l'article 7 de ladite Convention, la cour d'Appel, qui ayant à statuer sur la conscience du danger que devait avoir l'employeur, qualifie une "faute inexcusable" en fonction, non des normes du droit positif applicables à l'époque considérée telles qu'elles résultent des arrêts contemporains des Chambres réunies des 15 juillet 1941 et du 23 juin 1966 et de l'assemblée plénière du 18 juillet 1980, mais de normes de même niveau, apparues seulement le 28 février 2002, selon lesquelles l'employeur serait tenu à une "obligation de sécurité de résultat " et aurait nécessairement conscience du danger du seul fait que les dispositifs protecteurs utilisés à l'époque n'auraient pu garantir parfaitement la sécurité de M. X... ;

3 ) que ne constitue pas un simple changement de définition jurisprudentielle laissé à la discrétion du juge la substitution au caractère" inexcusable" de la faute prévue par l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, qui est qualifiant par lui même, de la notion d'obligation de sécurité de résultat de sorte que l'arrêt attaqué qui, statuant sur des faits anciens, utilise de la sorte une norme jurisprudentielle modifiant l'état du droit sans en contrôler la rétroactivité, ne satisfait pas aux obligations du procès équitable en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4 ) que la présomption de faute généralisée qui résulte de ce que l'employeur ne parviendrait pas à établir l'existence d'une cause étrangère contrevient à l'article L.231-8, alinéa 3, du Code du travail qui réserve cette solution aux seuls cas où l'employeur a eu recours à des contrats à durée déterminée ou des travailleurs intérimaires ;

5 ) qu'en vertu des articles L.454-1, alinéa 1, et D.242-6-3, alinéa 5, du Code de la sécurité sociale, lorsque la responsabilité de l'employeur dans une maladie professionnelle est partagée avec un tiers, fût-il l'Etat, il y a lieu pour la caisse d'opérer une répartition dans la charge des indemnités et ses cotisations, de sorte qu'en déclarant qu'il importerait peu de rechercher si l'état avait ou non accompli une faute en édictant une réglementation inappropriée dans le cadre de ses pouvoirs de police, la cour d'appel a méconnu son office en violation des textes susvisés ;

Mais attendu que la reconnaissance de la faute inexcusable ne relève pas de la matière pénale au sens de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Et attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a la caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Et attendu que la cour d'appel, par des motifs propres et adoptés, a fait ressortir le fait, d'une part, que la société avait conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; qu'elle a pu ainsi, abstraction faite des motifs critiqués par la quatrième branche du moyen, et sans encourir les autres griefs du moyen, en déduire que la société HMF avait commis une faute inexcusable ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles L.452-2, L.452-3 et R.441-10 et suivants du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour dire que la société HMF devait être tenue des conséquences financières de sa faute inexcusable, l'arrêt attaqué énonce qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur le point de savoir si la maladie professionnelle de M. X... est ou non opposable à l'employeur dans les relations de ce dernier avec la CPAM, ce point étant sans incidence sur la solution du litige ;

Qu'en statuant ainsi ,alors que l'inopposabilité à l'égard de l'employeur, du fait du caractère non contradictoire de la procédure, de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'admettre le caractère professionnel de la maladie prive cette Caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de sa faute inexcusable , les compléments de rente et indemnités versés par elle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la société HMF devait être tenue des conséquences financières de sa faute inexcusable, l'arrêt rendu le 29 novembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société Honeywell matériaux de friction aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la CPAM du Calvados ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 03-30067
Date de la décision : 21/09/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen (3e chambre civile, section sociale 2), 29 novembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 sep. 2004, pourvoi n°03-30067


Composition du Tribunal
Président : Président : M. OLLIER conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.30067
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