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01/09/2004 | FRANCE | N°04-81118

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 septembre 2004, 04-81118


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier septembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de CHAMBERY,

- Le Conseil régional des notaires du ressort

de la Cour d'appel d'ANGERS,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier septembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de CHAMBERY,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel d'ANGERS,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de NIMES,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de BESANCON,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de BORDEAUX,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de BOURGES,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de GRENOBLE,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de LYON,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de MONTPELLIER,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la ... section,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de PAU,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de RENNES,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de TOULOUSE,

- Le conseil supérieur du notariat,

- La Chambre interdépartementale des notaires du ressort de la Cour d'appel de PARIS ,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel d'ORLEANS,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de CAEN,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de REIMS,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de ROUEN,

- Le Conseil régional des notaires du ressort de la Cour d'appel de VERSAILLES,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 20 janvier 2004, qui a déclaré irrecevables leurs constitutions de partie civile, du chef de diffamation publique envers des particuliers ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 30, 32, 48 et 50 de la loi du 29 juillet 1881, 2 et 593 du Code de procédure pénale, 3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le Conseil supérieur du notariat, les conseils régionaux des notaires du ressort des cours d'appel de Chambéry, Bordeaux, Grenoble, Toulouse, Besançon, Aix-en-Provence, Rennes, Pau, Angers, Nîmes, Lyon, Montpellier, Bourges, Paris, Rouen, Orléans, Reims, Versailles, Caen et la chambre interdépartementale de Paris irrecevables en leur constitution de parties civiles ;

"aux motifs que l'article 2 du Code de procédure pénale pose le principe selon lequel et sauf dispositions légales contraires, l'action civile, en raison du préjudice résultant d'une infraction, appartient seulement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par celle-ci ; que, s'agissant d'une infraction de diffamation, les dispositions de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 reprennent la même exigence de l'existence d'un préjudice personnel et direct souffert par le particulier qui s'en dit victime ; qu'en l'espèce, ni le Conseil supérieur du notariat, ni la chambre interdépartementale de Paris, ni aucune des chambres régionales plaignantes, qui ne peuvent être considérées comme des particuliers, ne justifie ni même n'allègue souffrir un préjudice qui lui serait personnel du fait de la diffamation alléguée, le dommage mentionné ayant été supporté par la profession notariale dans son ensemble dont les membres ont pu collectivement se sentir visés par les propos diffamatoires selon les termes des plaintes ; que les propos visés, fussent-ils diffamatoires, ne portant que sur une profession dans son ensemble et ne blâmant aucune personne déterminée et notamment pas les parties civiles ès qualités de représentantes de cette profession, ne pouvaient leur permettre de mettre en mouvement l'action publique du chef de diffamation envers un particulier ;

"alors que, d'une part, l'article 30 de la loi sur la presse incrimine la diffamation envers les corps constitués ; que, par corps constitués, il faut entendre les corps ayant une existence légale permanente et auxquels la Constitution ou la loi a dévolu une portion de l'autorité publique ou de l'administration publique ; que la profession des notaires, officiers publics, est réglementée par l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945, qui l'a constituée en ordre, organisme corporatif doté de prérogatives de puissance publique ; que la loi a conféré aux notaires la qualité d'officier public et leur a accordé la particulière prérogative publique de conférer aux actes l'authenticité ; qu'en déclarant irrecevable la plainte en diffamation des notaires, par l'intermédiaire des représentants de leur ordre, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

"alors que, d'autre part et en toute hypothèse, l'article 29 de la loi sur la presse incrimine toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ; que constitue un corps un ensemble organisé de personnes liées par un intérêt commun, notamment par la même profession ; que le préjudice personnel et direct subi par un corps est constitué de la somme des préjudices individuels et directs subis par chaque membre de ce corps atteint par toute imputation de nature à porter atteinte à l'honneur et à la réputation de celui-ci ; qu'en décidant que le préjudice supporté par la profession notariale dans son ensemble, c'est-à-dire par le corps des notaires, ne constitue pas le préjudice personnel et direct, nécessaire pour se constituer partie civile, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

"alors, qu'en troisième lieu et subsidiairement, la diffamation envers un particulier au sens de l'article 32 de la loi sur la presse s'entend de la diffamation envers une personne, physique ou morale, ou envers un corps autre que les corps constitués énumérés à l'article 30 ; qu'en décidant que ni le Conseil supérieur du notariat, ni les conseils régionaux des notaires, ni la chambre interdépartementale de Paris , établissements d'utilité publique chargés de défendre les intérêts de la profession qui ne figurent pas au nombre des groupes ou corps énumérés à l'article 30 de la loi sur la presse, ne peuvent non plus être considérés comme des particuliers au sens de cette loi, quand bien même ils ne font qu'exercer collectivement la somme des droits individuels de chacun de leurs membres, la cour d'appel a violé l'article 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 30, 32, 48 et 50 de la loi du 29 juillet 1881, 2 et 593 du Code de procédure pénale, 3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, défaut de motifs et manque de base légale, 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le Conseil supérieur du notariat, les conseils régionaux des notaires du ressort des cours d'appel de Chambéry, Bordeaux, Grenoble, Toulouse, Besançon, Aix-en-Provence, Rennes, Pau, Angers, Nîmes, Lyon, Montpellier, Bourges, Paris, Rouen, Orléans, Reims, Versailles, Caen et la chambre interdépartementale de Paris irrecevables en leur constitution de parties civiles ;

"aux motifs que l'article 2 du Code de procédure pénale pose le principe selon lequel et sauf dispositions légales contraires, l'action civile, en raison du préjudice résultant d'une infraction, appartient seulement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par celle-ci ; que, s'agissant d'une infraction de diffamation, les dispositions de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 reprennent la même exigence de l'existence d'un préjudice personnel et direct souffert par le particulier qui s'en dit victime ; qu'en l'espèce, ni le Conseil supérieur du notariat, ni la chambre interdépartementale de Paris, ni aucune des chambres régionales plaignantes, qui ne peuvent être considérées comme des particuliers, ne justifie ni même n'allègue souffrir d'un préjudice qui lui serait personnel du fait de la diffamation alléguée, le dommage mentionné ayant été supporté par la profession notariale dans son ensemble dont les membres ont pu collectivement se sentir visés par les propos diffamatoires selon les termes des plaintes ; que les propos visés, fussent-ils diffamatoires, ne portant que sur une profession dans son ensemble et ne blâmant aucune personne déterminée et notamment pas les parties civiles ès qualités de représentantes de cette profession, ne pouvaient leur permettre de mettre en mouvement l'action publique du chef de diffamation envers un particulier ;

"alors que, d'une part, toute personne qui subit une atteinte dans son droit au respect et à la considération, doit avoir accès à un tribunal qui tranchera la contestation ; qu'en affirmant que ni le Conseil supérieur du notariat, ni les conseils régionaux des notaires, ni la chambre interdépartementale de Paris, établissements d'utilité publique chargés de défendre les intérêts de la profession, ne sont susceptibles de se constituer parties civiles devant la juridiction répressive pour défendre l'honneur et la considération de leurs membres et ce, alors surtout qu'elles sont inaptes à agir au plan civil tout comme l'est chacun des membres composant ces instances, la cour d'appel a violé le droit à un recours effectif devant une instance nationale, ensemble les dispositions susvisées ;

"alors que, d'autre part, les syndicats professionnels qui sont légalement habilités à agir en justice, peuvent obtenir la réparation du préjudice direct ou indirect subi par la profession ;

qu'à supposer que le préjudice subi par le Conseil supérieur du notariat, les conseils régionaux des notaires, et la chambre interdépartementale de Paris soit un préjudice collectif, en leur refusant le droit de se constituer parties civiles devant la juridiction répressive pour défendre l'honneur et la considération de la profession qu'elles représentent et ce, alors surtout que toute voie civile leur est fermée, la cour d'appel a procédé à une discrimination flagrante entre les personnes représentant les professions et a violé les dispositions susvisées" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que 19 conseils régionaux de notaires, la chambre interdépartementale des notaires de la cour d'appel de Paris et le conseil supérieur du notariat ont porté plainte avec constitution de partie civile, du chef de diffamation publique, au visa des articles 29, alinéa 1, et 32, alinéa 1, de la loi sur la presse, à la suite de la publication, dans le journal "Capital", d'un article intitulé "Les coups tordus des notaires - Nos conseils pour y échapper" ;

Attendu que, pour dire irrecevables ces constitutions de partie civile, l'arrêt attaqué retient que ni le conseil supérieur du notariat, ni la chambre interdépartementale des notaires de Paris, ni aucune des chambres régionales plaignantes ne justifie ni même n'allègue souffrir d'un préjudice personnel et que les propos visés, fussent-ils diffamatoires, ne portent que sur une profession dans son ensemble et ne blâment aucune personne déterminée, notamment pas les parties civiles ès qualités de représentantes de ces professions ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens, lesquels, dès lors, ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-81118
Date de la décision : 01/09/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Procédure - Action civile - Préjudice - Préjudice personnel - Conseil supérieur du notariat - Diffamation publique envers des particuliers (non).

ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice personnel - Conseil supérieur du notariat - Diffamation publique envers des particuliers (non)

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6.1. - Tribunal - Accès - Presse - Procédure - Action civile - Recevabilité - Diffamation ou injures envers les particuliers - Conditions - Compatibilité

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 14 - Interdiction de discrimination - Discrimination fondée sur l'origine nationale - Presse - Procédure - Action civile - Recevabilité - Diffamation ou injures envers les particuliers - Conditions - Compatibilité

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 13 - Droit à un recours effectif - Presse - Procédure - Action civile - Recevabilité - Diffamation ou injures envers les particuliers - Conditions - Compatibilité

Fait l'exacte application de l'article 2 du Code de procédure pénale, sans méconnaître les exigences des articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt qui déclare irrecevables les constitutions de partie civile du conseil supérieur du notariat, de la chambre interdépartementale des notaires de Paris et de plusieurs chambres régionales, pour diffamation publique envers des particuliers, à raison de propos qui visent la profession notariale dans son ensemble sans blâmer aucune personne déterminée, ces organismes professionnels ne pouvant se réclamer d'aucun préjudice personnel directement causé par l'infraction.


Références :

Code de procédure pénale 2
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6, art. 13, art. 14
Loi du 29 juillet 1881 art. 29 al. 1er, art. 32 al. 1er

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre de l'instruction), 20 janvier 2004

A rapprocher : Chambre criminelle, 1954-02-09, Bulletin criminel, n° 63 (2), p. 111 (cassation) ; Chambre criminelle, 1956-05-02, Bulletin criminel, n° 337 (2), p. 622 (rejet) ; Chambre criminelle, 1958-12-03, Bulletin criminel, n° 718 (2), p. 1285 (cassation) ; Chambre criminelle, 2003-09-16, Bulletin criminel, n° 161, p. 647 (cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 sep. 2004, pourvoi n°04-81118, Bull. crim. criminel 2004 N° 193 p. 699
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 193 p. 699

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : M. Davenas.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ménotti.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Monod et Colin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.81118
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