AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen
Attendu que Mme X... a signé le 12 juin 1996 avec la société La Ruche picarde, aux droits de laquelle vient la Société lyonnaise de développement commercial (SLDC), un contrat de gérance non salariée d'un magasin d'alimentation de détail ; que la société lui a notifié le 20 mai 1999 la résiliation de son contrat pour cause de déficit d'inventaire, puis l'a assignée le 20 juin 2000 devant le tribunal de commerce en remboursement d'un manquant de marchandises et d'espèces ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Amiens, 25 juin 2002), rendu sur contredit, d'avoir écarté son exception d'incompétence de la juridiction commerciale au profit du conseil de prud'hommes, alors, selon le moyen :
1 / que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes des parties sans répondre aux conclusions dont ils sont saisis ;
que Mme X... avait soutenu, dans des écritures très circonstanciées que les déficits d'inventaire pouvaient affecter la rémunération du gérant sans limite, sauf convention contraire, à la condition que la société établisse, d'une part, la réalité du déficit et d'autre part, qu'il n'existe aucun lien de subordination entre le gérant et les dirigeants de la succursale, qu'en présence d'un tel lien, le gérant ne peut être condamné à couvrir le déficit d'inventaire que dans l'hypothèse de la faute lourde et qu'à cet égard, seul le conseil de prud'hommes est compétent pour déterminer si la qualification donnée à la relation entre les parties correspond à la réalité ;
que la cour qui s'est abstenue de répondre aux conclusions dont elle était saisie, a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que l'application du statut de "gérant non salarié" institué par l'article L. 782-1 du Code du travail suppose l'absence de tout lien de subordination entre le gérant et les dirigeants de la succursale ; qu'il incombait donc à la société SLDC, qui invoquait l'application des dispositions susvisées, d'établir qu'il n'existait aucune relation salariale entre les parties ; qu'ainsi la Cour, qui a retenu que Mme X... n'a pas rapporté la preuve qu'elle se trouvait dans un lien de subordination vis-à-vis de la société SLDC, a opéré un renversement de la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ;
3 / qu'aux termes de l'article L. 782-1 du Code du travail, les personnes qui exploitent, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales de maison d'alimentation de détail ou de coopératives de consommation, sont qualifiées de gérants non salariés lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de leur travail et leur laisse toute latitude d'embaucher du personnel ou de se substituer des remplaçants à leurs frais et sous leur entière responsabilité, la clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé étant une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat ; qu'en s'étant bornée à retenir que Mme X... n'a pas rapporté la preuve qu'elle se trouvait dans un lien de subordination vis-à-vis de la société SLDC, sans rechercher dans quelles conditions le contrat de gérance avait été exécuté, en fait, et si la clause du contrat qui conférait à Mme X... toute latitude pour embaucher avait été réellement appliquée, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 782-1 du Code du travail ;
Mais attendu que, selon l'article L. 782-5 du Code du travail, les différends survenus entre les entreprises mentionnées à l'article L. 782-1 et leurs gérants non salariés relèvent, lorsqu'ils concernent les modalités commerciales d'exploitation des succursales, de la compétence des tribunaux de commerce et de celle des tribunaux habilités à connaître des litiges survenus à l'occasion de louage de services lorsqu'ils concernent les conditions de travail des gérants non salariés telles qu'elles résultent du titre VIII du Livre VII du Code du travail ;
Et attendu qu'ayant retenu que le litige relatif à un déficit d'inventaire concernait les modalités de l'exploitation commerciale de la succursale gérée par Mme X... et que celle-ci ne justifiait pas d'un lien de subordination permettant de caractériser l'existence d'un contrat de gérance salariée, la cour d'appel a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que ledit litige relevait de la compétence de la juridiction commerciale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Société lyonnaise de développement commercial ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille quatre.