AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° A 02-42.719 et E 01-45.456 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X..., employé par la société Frans Bonhomme en qualité de chef de dépôt, a été licencié pour faute grave ; que la lettre de licenciement datée du 22 octobre 1997 a été remise en main propre au salarié le 24 octobre et reçue par ce dernier par la voie recommandée avec accusé de réception le 25 octobre ; qu'une transaction concernant les conséquences de la rupture a été conclue entre les parties le 24 octobre 1997 ; qu'invoquant la nulllité de la transaction, M. X... a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la société Frans Bonhomme formait, quant à elle, une demande en dommages-intérêts pour non-respect de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail ; qu'à la suite de l'arrêt rendu le 26 juin 2001, M. X... a présenté requête en omission de statuer ;
Sur le pourvoi n° E 01-45.456 :
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Frans Bonhomme fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la clause de non-concurrence alors, selon le moyen :
1 / qu'alors que M. X... n'apportait aucun élément de preuve au soutien de ses affirmations selon lesquelles la clause de non-concurrence n'était pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les dispositions de l'article 9 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la cour d'appel aurait dû, pour examiner la validité de la clause, se référer à la qualification professionnelle du salarié et aux fonctions qu'il occupait au sein de l'entreprise, violant ainsi l'article 1134 du Code civil et l'article L. 121-1 du Code du travail ;
Mais attendu qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ;
Et attendu qu'il est constant en l'espèce que la clause de non-concurrence ne comportait pas de contrepartie financière de sorte qu'elle se trouvait entachée de nullité ; que par ce motif de pur droit, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Frans Bonhomme fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulle la transaction, alors, selon le moyen, que la transaction est valable si elle intervient alors que le licenciement est effectif et définitif et ce, afin d'éviter que le salarié signe une telle transaction avant son licenciement alors qu'il est toujours sous un lien de subordination envers son employeur ; que la lettre de licenciement était en date du 22 octobre 1997, qu'elle avait été remise en main propre à M. X... avant la signature de la transaction le 24 octobre, que la lettre de licenciement avait été déposée auprès des services de la Poste le 22 octobre et réceptionnée le 25 octobre ; que force est de constater qu'à la date du 24 octobre, la rupture intervenue était définitive et que l'employeur avait respecté les obligations découlant de l'article L. 122-14-1 du Code du travail relatives à la notification par lettre recommandée avec accusé de réception de la mesure de licenciement ; qu'en considérant comme nulle la transaction du 24 octobre 1997, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14 et L. 122-14-1 du Code du travail et 2044 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la transaction avait été conclue en l'absence de notification préalable du licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci était nulle ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur les troisième et quatrième moyens réunis :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour écarter la faute grave et condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel énonce que M. X... a fait l'objet d'un avertissement daté du 10 septembre 1997 ;
que cette mesure était motivée par le fait que le salarié, en sa qualité de chef de dépôt, ne doit "conserver en caisse que des sommes minimales et inférieures à 1 000 francs", "qu'à la suite du vol d'une somme de 4 700 francs en espèces survenu le 18 juillet, nous avons pu constater que vous n'avez pris aucune mesure pour que la caisse soit tenue en conformité avec cette règle" ; que la mesure de licenciement pour faute grave est motivée par le fait que M. X... n'a pas pris de mesures de prudence pour éviter que le vol du 18 juillet soit réitéré ; qu'il est constant qu'un même fait ne saurait valablement faire l'objet de deux sanctions disciplinaires ;
Attendu, cependant, que la lettre de licenciement est ainsi libellée : "Suite au vol de 4 700 francs en espèces survenu le 18 juillet au dépôt de Saint-Jean de Vedas, nous avons constaté que vous ne respectiez pas les règles en vigueur dans la société, qui interdisent formellement de détenir plus de 1 000 francs en espèces dans les dépôts, et nous vous avons notifié un avertissement par lettre du 10 septembre. Vos supérieurs hiérarchiques ont constaté dans les jours qui ont suivi que vous n'aviez pas tenu compte de cet avertissement et que, malgré leurs observations, vous persistiez à ne pas prendre les mesures de prudence imposées par cette règle" ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la lettre de licenciement reproche au salarié la réitération de manquements commis postérieurement à l'avertissement du 10 septembre 1997, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ;
Sur le pourvoi n° A 02-42.719 :
Vu l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la société Frans Bonhomme demande la cassation de l'arrêt du 19 mars 2002 qui l'a condamnée au paiement d'une somme à titre d'indemnités compensatrices de préavis et de licenciement à la suite d'un arrêt rendu le 26 juin 2001 qui avait écarté la faute grave et dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Mais attendu que ce dernier arrêt a été cassé ce jour ; d'où il suit que l'arrêt qui en est la suite se trouve annulé par voie de conséquence ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a écarté la faute grave et condamné l'employeur à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 26 juin 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 19 mars 2002 ;
Condamne M. X... aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille quatre.