AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. et Mme X... de ce qu'ils se sont désistés de leur pourvoi en tant que dirigé contre M. Y..., ès qualités et M. Z... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 29 janvier 2002), que M. et Mme X... ont confié des travaux de rénovation de leur maison d'habitation à la société Entreprise Schmitt et à M. A... entre 1989 et 1991 ; que se plaignant de désordres, ils ont fait assigner ceux-ci en dommages-intérêts ; que ce bien a été vendu, sur saisie immobilière, aux enchères publiques en 1995, à la requête d'un établissement de crédit ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande de dommages-intérêts formée contre M. A... et la société Entreprise Schmitt au titre de la moins-value causée à leur maison, alors, selon le moyen :
1 / que le juge doit réparer le préjudice dont il reconnaît l'existence en son principe ; que la cour d'appel a retenu que les désordres avaient pu entraîner une diminution du prix de l'immeuble à hauteur d'une somme équivalente à leur coût de réfection, admettant ainsi que les malfaçons étaient à l'origine d'une moins-value de l'immeuble ;
qu'en déboutant néanmoins les maîtres de l'ouvrage de leur demande de dommages-intérêts au titre de la moins-value, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a, ce faisant, violé l'article 1382 du Code civil ;
2 / qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitaient les conclusions de M. et Mme X..., si en raison de la grande valeur et du prestige de la maison , dont la mise à la vente impliquait qu'elle fût en parfait état, le refus persistant des entrepreneurs de remédier aux désordres n'était pas à l'origine du retardement de la vente pendant des années, ayant abouti à la conclusion de cette dernière au plus fort de la crise immobilière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que la maison dont étaient propriétaires M. et Mme X... a été vendue en 1995 aux enchères publiques pour un montant de 2 950 000 francs ; qu'il n'est toutefois produit aucune estimation émanant d'un expert immobilier permettant d'évaluer cette maison à la somme de 7 310 000 francs en 1991 ainsi que l'affirme M. X... ; que les désordres imputables à l'Entreprise Schmitt et à M. A... sont d'ordre esthétique et ont été chiffrés par l'expert à la somme de 76 000 francs ; que si ces désordres étaient susceptibles d'entraîner une diminution du prix de l'immeuble à hauteur d'une somme équivalente à leur coût de réfection, ils ne présentaient en revanche pas un degré de gravité tel qu'ils pussent justifier l'impossibilité alléguée de vendre le bien et la perte financière de 2 000 000 de francs dont le paiement est réclamé ; que la circonstance qu'un acquéreur potentiel, bénéficiaire d'une promesse de vente en date du 14 septembre 1994 pour un montant de 6 millions de francs, ait finalement renoncé à l'acquisition en invoquant notamment les malfaçons litigieuses, n'apparaît pas probante ; qu'au surplus il résulte notamment des attestations d'agences immobilières ayant reçu mandat de vendre le bien, que la période à laquelle il a été mis en
vente correspondait à une période de crise immobilière ; qu'enfin, l'expert a précisé que par sa spécificité dans l'aménagement intérieur, la maison devait attirer plus un amateur averti qu'une personne à la recherche d'une habitation normale, ce qui réduisait d'autant les acheteurs éventuels ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu, dans son appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, et en procédant à la recherche prétendument omise, déduire que M. et Mme X... n'établissaient pas tant la réalité du préjudice allégué que l'existence d'un lien de causalité entre celui-ci et les fautes d'exécution commises par lesdits entrepreneurs ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés solidairement à payer à la société Entreprise Schmitt une somme représentant le solde d'une facture, alors, selon le moyen, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que M. et Mme X... soutenaient dans leurs conclusions d'appel du 12 septembre 2001 que le solde de la facture litigieuse s'élevait à un montant de 27 746,50 francs, et non de 53 226,80 francs, compte tenu des paiements qu'ils avaient faits et dont ils apportaient la preuve ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt réforme le jugement en ce qu'il a déclaré recevables M. et Mme X... en leur demande à l'encontre de M. A... et de la société Entreprise Schmitt, prononcé des condamnations au paiement à l'encontre de ceux-ci au titre des désordres et à l'encontre de M. et Mme X... au titre d'un solde de factures et ordonné la compensation entre les créances réciproques ; qu'en conséquence M. et Mme X... n'ont aucun intérêt à la cassation d'une décision qui ne prononce pas, à leur encontre, de condamnation au paiement de cette facture ;
D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatre.