AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 novembre 2002), statuant sur renvoi après cassation (1re chambe civile 20 novembre 2001, pourvoi n° 9916447), que MM. X... et Y... ont constitué la société civile de moyens Daviel (la SCM) dont la durée initiale a été fixée à 12 années à compter du 28 septembre 1973 ; que Mme Y... a rejoint cette société en 1980 ; que le 19 septembre 1985, une assemblée générale a prorogé la durée de la société pour une durée de quarante ans ; que M. Z... puis Mme A... ont intégré la SCM en 1987 ; qu'après le décès de M. X..., les quatre médecins M. Z..., Mme A... et les époux Y... ont signé le 10 janvier 1991 un contrat d'exercice en commun avec partage d'honoraires, cette convention indiquant qu'elle constituait une société de fait ; que M. Z..., estimant que la SCM avait cessé d'exister depuis le 3 octobre 1985, a soutenu avoir intérêt à agir en constatation de l'absence de prorogation de la SCM ; qu'en défense, les époux Y... ont visé le procès verbal d'assemblée générale du 19 septembre 1985 prorogeant la société pour une durée de quarante ans ; que M. Z... a demandé que soit constatée la nullité du procès verbal du 19 septembre 1985 en soutenant que l'exception de nullité qu'il formait était perpétuelle et non atteinte par la prescription instituée par l'article 1844-14 du Code civil ; qu'enfin, arguant de la mésentente entre les médecins, il a demandé la dissolution de la société ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande visant à constater la nullité du procès verbal d'assemblée générale ordinaire de la SCM du 19 septembre 1985, d'avoir refusé de constater l'absence de prorogation de cette société et sa dissolution au 28 septembre 1985 ainsi que par voie de conséquence la dissolution de la société de fait créée par contrat du 10 janvier 1991, d'avoir prononcé son exclusion de ces sociétés et de l'avoir condamné à paiement de dommages-intérêts, alors selon le moyen que si l'action en nullité d'une délibération d'une assemblée générale prise en violation des statuts de la société est soumise à une prescription triennale, l'exception de nullité est perpétuelle ; que la demande principale formée par M. Z... tendait à voir constater que la SCM Daviel était dissoute faute d'avoir été prorogée ;
qu'il s'est vu opposer le procès-verbal de l'assemblée générale du 19 septembre 1985, par laquelle la prorogation de la société a été décidée ; que, dès lors, ce n'est qu'à titre de moyen de défense, et donc d'exception, qu'il invoquait la nullité d'une telle assemblée générale ; qu'en affirmant cependant, pour rejeter sa demande, qu'il en demandait la nullité à titre principal, et non par voie d'exception de sorte qu'une telle action était prescrite, la cour d'appel a violé l'article 1844-14 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé qu'en demandant le constat de la dissolution de la société en 1995 alors que M. Z... avait eu connaissance du procès verbal de l'assemblée générale du 19 septembre 1985 prorogeant la société depuis au moins le 10 janvier 1991, date de la révision des statuts qu'il a signés, la cour d'appel qui a fait ressortir que la demande de M. Z... tendait au principal au prononcé de la nullité de cette assemblée générale, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen pris en sa première branche n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que M. Z... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en dissolution de la société, alors, selon le moyen que si en l'absence de prorogation d'une société au jour de son terme, celle-ci survit et doit être considérée comme une société de fait, il n'en demeure pas moins que tout intéressé, notamment tout associé peut, à tout moment, en faire constater la dissolution et en provoquer ainsi la liquidation ; qu'il avait formé une telle demande ; qu'en la rejetant pourtant, motif pris de ce que les cessions de parts faites en 1988 par MM. X... et Y... démontraient que la société de fait se poursuivait sans discontinuer depuis 1973, puisque c'était les parts de la société créée cette année là qui lui avaient été vendues, bien que cette circonstance n'ait pas été de nature à faire obstacle à la demande tendant à voir constater l'extinction de la société, la cour d'appel a violé l'article 1844-7,1, du Code civil ;
Mais attendu que la première branche du moyen ayant été rejetée, la seconde branche manque par ce fait même qui lui sert de base ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir constater la dissolution pour justes motifs en raison de la mésentente existant entre les associés de la SCM et de la société de fait créée par contrat du 10 janvier 1991, d'avoir prononcé son exclusion de ces sociétés et de l'avoir condamné à paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen que la dissolution judiciaire d'une société doit être prononcée pour justes motifs et notamment en cas de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;
qu'en se bornant néanmoins à affirmer que "l'activité médicale" des praticiens n'était pas paralysée, sans rechercher si la mésentente, qu'elle a constatée, entre les associés de la SCM Daviel et de la société créée de fait par acte sous-seing privé du 10 janvier 1991 entraînait une paralysie du fonctionnement de ces deux sociétés et, partant, justifiait la dissolution de ces sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. Z... a refusé d'assister aux assemblées générales de la société SCM ; qu'il a également refusé de participer aux investissements communs, de régler la quote part des loyers dus pour l'occupation des locaux et de justifier de ses revenus ; que l'arrêt retient aussi que M. Z... s'est retiré unilatéralement de l'hôpital et de la clinique de Fougères et que ces faits constituaient des infractions graves aux contrats de sociétés qui justifiaient la demande d'exclusion présentée par les autres associés ;
qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel qui a relevé que la mésentente invoquée était en réalité le fait de M. Z..., qu'il n'était pas établi qu'elle avait entraîné un dysfonctionnement de la société et qu'elle n'avait pas occasionné une paralysie de l'activité médicale, en a justement déduit que la demande en dissolution des sociétés qu'il présentait était irrecevable et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. Z... reproche à l'arrêt d'avoir prononcé son exclusion de la SCM et de la société de fait créée par contrat du 10 janvier 1991, de lui avoir accordé un délai de quatre mois pour quitter les locaux, d'avoir constaté qu'il ne pouvait se réinstaller dans les quarante kilomètres à vol d'oiseau du cabinet pendant une période de deux ans à compter de la cession de ses fonctions et de l'avoir condamné à paiement à dommages et intérêts, alors, selon le moyen que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel à la condition de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en affirmant que la demande formée par les époux Y... et tendant à voir prononcer l'exclusion de M. Z... de la SCM Daviel et de la société créée de fait par contrat le 10 janvier 1991, demande qui visait à poursuivre l'activité de ces sociétés en en excluant un de ses associés, se rattachait par un lien suffisant aux prétentions originaires, destinées à faire constater la dissolution et donc la fin de ces sociétés, sans relever le moindre élément permettant d'établir un lien suffisant entre ces deux demandes, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la demande principale avait pour objet la dissolution de la société tandis que la demande reconventionnelle visait sa continuation avec exclusion de l'associé ayant formé la demande originaire, la cour d'appel en a exactement déduit que les demandes étaient rattachées par un lien nécessaire qui ressort suffisamment des données du litige ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Z... à payer aux époux Y... la somme globale de 2 500 euros et rejette la demande de M. Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille quatre.