AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 19 novembre 2002), que, par un acte en date du 26 octobre 2000, M. X..., agissant au nom et pour le compte de la société X... communication graphique (la société X...), ainsi que de plusieurs personnes physiques, a convenu avec M. Y... de la cession des actions détenues par celui-ci dans la société Prestograph à la société X... et aux personnes représentées par M. X... ; que les comptes sociaux de la société Prestograph, pour l'année 2000, ayant révélé des pertes, les acquéreurs ont assigné M. Y... devant le tribunal de commerce en responsabilité pour dol en faisant valoir qu'un document établi au cours des pourparlers, et signé par les parties mentionnait qu'"étant considéré par M. Jean Y... que l'activité de cette année devrait être équilibrée, le prix de cession est arrêté forfaitairement à 600 KF pour 100 % des actions" ;
Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Y... la somme de 30 489,89 euros au titre des échéances du prix de cession des 30 octobre 2001 et 30 octobre 2002, demeurées impayées, alors, selon le pourvoi :
1 / que selon les propres constatations de la cour d'appel, le prix de cession des actions avait été, au cours des pourparlers, arrêté à la somme de 600 KF, "étant considéré par M. Y... que l'activité de cette année devrait être équilibrée" ; qu'il est constant, cependant que l'exercice 2000 de la société Prestograph a été déficitaire de 326 603 francs pour un chiffre d'affaires de 2 660 930 francs en baisse de 15 % par rapport à 1999 ; qu'en jugeant que l'appréciation précitée, formulée le 13 octobre 2000, soit treize jours avant la conclusion de la cession (le 26 octobre 2000), n'aurait pas constitué une manoeuvre dolosive, sans rechercher bien qu'elle y fût invitée, si à la même époque l'activité de la société Prestograph était en réalité déjà en forte baisse , et si M. Y... était alors en mesure de prévoir une situation fortement déséquilibrée en fin d'exercice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
2 / que les cessionnaires faisaient observer que la société Prestograph avait connu un exercice 1999 déficitaire de 61 947 francs ;
que ses résultats avaient été très légèrement négatifs au 30 juin 2000 (-7 422 francs sans variation du chiffre d'affaires), en foi de quoi M. Y... leur avait affirmé le 13 octobre que "l'activité de cette année devrait être équilibrée" ; que cependant, l'exercice 2000 a été déficitaire de 326 604 francs, le chiffre d'affaires ayant diminué de 15 % sur l'année ;
qu'en jugeant que le cédant n'aurait commis aucune manoeuvre dolosive ayant déterminé le consentement des cessionnaires, aux motifs que ces derniers avaient eu connaissance de "données objectives annonciatrices d'un résultat négatif", sans rechercher, bien qu'elle y fût invitée, si M. Y... était au moment où il affirmait que "l'activité de cette année devrait être équilibrée", en mesure de prévoir, en réalité, que la société Prestograph réaliserait un déficit cinq fois supérieur à celui de l'exercice 1999, compte tenu d'une baisse sensible d'activité et si les cessionnaires auraient contracté en connaissance de cette dernière donnée, annonciatrice d'un résultat déficitaire autrement plus important que celui de l'année précédente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate, tout d'abord, que la formule selon laquelle "l'activité de cette année devrait être équilibrée" ne permet pas de soutenir que M. Y... aurait affirmé que l'exercice serait équilibré et que la preuve d'une telle affirmation n'est pas rapportée ; qu'il relève, ensuite, que M. X... savait que M. Y... avait refusé de lier le montant du prix de cession au résultat de l'exercice en cours et avait apporté des restrictions aux clauses envisagées dans le cadre de la garantie de passif ; qu'il rappelle, enfin, qu'au moment de s'engager, M. X... connaissait le résultat négatif de la société Prestograph pour l'année précédente et l'existence d'un résultat négatif précisé dans une situation comptable intermédiaire pour le premier semestre 2000 ;
qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante évoquée à la seconde branche, et qui a estimé qu'il n'était pas établi que la formule invoquée par les cessionnaires ait constitué une manoeuvre dolosive sans laquelle ils n'auraient pas contracté, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société X... communication graphique aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société X... communication graphique et la condamne à payer à M. Y... la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille quatre.