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07/07/2004 | FRANCE | N°02-20151

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 juillet 2004, 02-20151


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 1er février 2002), que, sur la base d'une situation comptable arrêtée au 30 juin 1994, les époux X... ont acquis le 20 septembre 1994 les actions de la société Nouvelle des Etablissements Depret ; que le protocole de cession d'actions, signé par les cédants et les cessionnaires, a été rédigé par M. Y..., expert comptable dans la société Cabinet Y..., lequel suivait également la comptabilité de l'entrepr

ise des époux X... ; que la nouvelle société constituée par les époux X... à l...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 1er février 2002), que, sur la base d'une situation comptable arrêtée au 30 juin 1994, les époux X... ont acquis le 20 septembre 1994 les actions de la société Nouvelle des Etablissements Depret ; que le protocole de cession d'actions, signé par les cédants et les cessionnaires, a été rédigé par M. Y..., expert comptable dans la société Cabinet Y..., lequel suivait également la comptabilité de l'entreprise des époux X... ; que la nouvelle société constituée par les époux X... à la suite de cette acquisition a été mise en liquidation judiciaire en 1997 ; que les époux X... qui avaient fait effectuer en 1995 un audit sur le prix de cession des actions des Etablissements Depret par le cabinet KPMG, ont assigné M. Y... et la société Cabinet Y... en réparation de leur préjudice causé par M. Y..., lequel les aurait incité à acheter ces actions alors qu'il était informé de la situation déficitaire de cette société dont il était le commissaire aux comptes ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. Y... et la société Cabinet Y... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts, alors, selon le moyen :

1 / que le devoir de conseil est inhérent à l'obligation de nature contractuelle et étranger à l'obligation de nature délictuelle ; qu'en l'espèce, si M. Y... avait été par le passé l'expert comptable des époux X..., il n'existait entre eux, dans le cadre de l'opération litigieuse, aucun lien contractuel et c'est sur le terrain délictuel que les époux X... poursuivaient d'ailleurs M. Y... et la société Cabinet Y... en responsabilité ; qu'en ce qu'il relève cependant que "les manquements de M. Y... à son devoir de conseil ont engagé sa responsabilité", l'arrêt attaqué, entaché d'une incertitude sur la base légale de la condamnation, est dépourvu de toute base légale au regard des dispositions de l'article 1382 du Code civil ;

2 / que le protocole de cession d'actions du 20 septembre 1994 énonce en termes clairs et précis que "le contrat de concession, résilié avec effet du 31 décembre 1994 sera remplacé par un contrat d'agent revendeur" ; que le prix de cession des 4 000 actions de la SA Société Nouvelle des Etablissements Depret a été "fixé forfaitairement" sur la base d'une situation intermédiaire du 30 juin 1994, annexée, situation nécessairement établie dans le cadre de l'activité de concessionnaire alors en cours et encore, au paragraphe "conditions particulières" la nécessité d'envisager le licenciement de quatre salariés, les frais devant en être "supportés par le cessionnaire" et ayant été "pris en compte dans l'évaluation forfaitaire du prix des actions cédées" ; qu'ils ne manquaient pas de souligner dans leurs écritures d'appel que les époux X... disposaient de par ces clauses d'une parfaite connaissance des caractéristiques de la transaction, concernant notamment la substitution, décidée par Peugeot, d'un contrat d'agent revendeur au contrat de concession, l'application en découlant d'un taux de rémunération différent de celui sur la base duquel avait été établie la situation intermédiaire de juin 1994 et aussi la fragilité de l'entreprise, au regard de la nécessité économique de licencier au moins quatre salariés ;

qu'ils ajoutaient que les époux X... avaient expressément reconnu dans un courrier du 5 mai 1995 à la société Peugeot avoir participé à des réunions d'informations ; qu'en s'abstenant de toute analyse de ces documents essentiels à l'appréciation des manquements reprochés à M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

3 / qu'ils soulignaient dans leurs écritures d'appel que l'auteur du rapport KPMG, établi à la demande des époux X... n'était autre que Monsieur Z..., également auteur de la situation intermédiaire au 30 juin 1994 ; qu'ils faisaient observer en outre la "progression constante du chiffre d'affaires réalisé" (1994 : 25 363 305 francs, 1995 : 44 982 800 francs), enregistrée à partir de 1995 et donc postérieurement à la cession litigieuse, chiffres dénotant "la bonne santé commerciale de l'activité de société" tandis que l'évolution des stocks et l'évolution de la masse salariale témoignaient d'une mauvaise gestion ; qu'à partir de ces observations pertinentes, en elles-mêmes non contestées et pourtant délaissées par les juges d'appel, ils contestaient que la société KPMG ait pu constater l'état de cessation de paiements de la société Nouvelle Ets Depret au 30 septembre 1994 ; qu'en s'abstenant ici encore de toute analyse de ces données chiffrées, la cour d'appel privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

4 / qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions pertinentes, fondées sur des données chiffrées en elles-mêmes non contestées, dont il résultait que l'état de cessation des paiements de la SA Société Nouvelle Ets Depret ne pouvait être sérieusement retenu à la date du 30 septembre 1994, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que M. Y... avait été l'initiateur de la cession, en avait rédigé les actes, avait conseillé les époux X... et leur avait facturé des prestations, la cour d'appel en a justement déduit que la responsabilité de M. Y... était engagée en raison du manquement au devoir de conseil inhérent à la qualité de rédacteur d'acte ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que M. Y..., commissaire aux comptes de la société Nouvelle des Etablissements Depret, ne pouvait ignorer que la situation comptable établie au 30 juin 1994 qui faisait apparaître un bénéfice et qui avait servi à établir le prix de cession des actions n'avait été établie que dans la perspective de la poursuite du contrat de concession automobile par la société Depret ce qui avait permis d'inclure de façon anticipée les commissions à recevoir sur futurs objectifs ; qu'il retient également que selon les documents mis aux débats, la société était en état de cessation des paiements au 30 septembre 1994 ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel qui a procédé à l'examen des pièces produites, a pu statuer comme elle a fait, peu important de savoir si la substitution du contrat de concession par un contrat d'agent et l'annonce de la nécessité de procéder au licenciement de quatre salariés avaient ou non été prises en compte dans la fixation du prix de vente ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. Y... et la société Cabinet Y... font encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen que les juges ne peuvent statuer en équité ; qu'en se bornant à constater, pour porter à 500 000 francs à 1 200 000 francs l'indemnité allouée aux époux X..., que ceux-ci "restaient devoir à la banque Scalbert Dupont, envers laquelle ils s'étaient portés cautions, la somme de 615 058,74 francs, et que " compte tenu de ces éléments, la cour d'appel a les éléments d'appréciation pour fixer à 1 200 000 francs une équitable réparation du préjudice, quand l'évaluation du préjudice subi ne pouvait se faire en équité mais au regard d'éléments objectifs en rapport avec les fautes imputées à M. Y..., auxquelles était étrangers les engagements de caution des époux X... envers un tiers, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que les époux X... avaient acquis les actions pour une somme de 660 000 francs, qu'ils restaient devoir à la banque à titre de cautions la somme de 613 058,74 francs et que compte tenu de leur statut de dirigeants, ils s'étaient trouvés à l'âge de 50 ans demandeurs d'emploi non indemnisés et avaient dû subir une saisie de leurs biens, c'est par une appréciation souveraine de ces éléments en rapport avec les fautes imputées à M. Y... et non en équité que la cour d'appel a apprécié le dommage subi et fixé sa réparation ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... et la société Cabinet Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Y... et la société Cabinet Y... à payer aux époux X... la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-20151
Date de la décision : 07/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens (Chambre commerciale), 01 février 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 jui. 2004, pourvoi n°02-20151


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.20151
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