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30/06/2004 | FRANCE | N°00-22420

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 juin 2004, 00-22420


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 3 octobre 2000), que par acte du 10 août 1990, M. X... (la caution), gérant de la société X..., s'est porté caution solidaire du solde débiteur du compte courant de celle-ci, ouvert dans les livres de la société Caixabank (la banque) ;

que par un acte notarié du 13 suivant, la banque a conclu avec la société une convention de compte courant en limitant le solde débiteur du compte à 2 300 000 franc

s ; que la société a été mise en liquidation judiciaire ;

que la banque, après a...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 3 octobre 2000), que par acte du 10 août 1990, M. X... (la caution), gérant de la société X..., s'est porté caution solidaire du solde débiteur du compte courant de celle-ci, ouvert dans les livres de la société Caixabank (la banque) ;

que par un acte notarié du 13 suivant, la banque a conclu avec la société une convention de compte courant en limitant le solde débiteur du compte à 2 300 000 francs ; que la société a été mise en liquidation judiciaire ;

que la banque, après avoir déclaré sa créance, a assigné la caution en paiement ; que celle-ci a opposé la nullité de son engagement et a recherché la responsabilité de la banque en raison de la disproportion entre le montant de son engagement et ses capacités financières ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la caution fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande en nullité du jugement, alors, selon le moyen, que le jugement doit être, à peine de nullité, signé par le président ; que les copies certifiées conformes d'un jugement doivent porter toutes les mentions et signatures apposées sur l'original ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relève que la copie certifiée conforme du jugement ne porte pas la signature du président ; qu'en considérant néanmoins que le jugement dont s'agit n'était pas nul, la cour d'appel a violé les articles 456 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'aucun texte ne dispose que la copie certifiée conforme, à la différence de l'expédition revêtue de la formule exécutoire, délivrée aux parties doive porter la signature du président qui a rendu la décision ; que le moyen est sans fondement ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la caution fait grief à l'arrêt de sa condamnation au paiement d'une certaine somme, alors, selon le moyen :

1 / que lorsque le créancier est une personne morale, la déclaration peut être faite par tout préposé titulaire d'une délégation lui donnant pouvoir exprès de déclarer les créances ; que le délégataire ne peut se substituer un autre préposé qu'à la condition d'avoir reçu lui-même le pouvoir de substitution ; qu'en l'espèce la cour d'appel relève que M. Y... a reçu les pouvoirs identiques à ceux du président pour déclarer les créances ; que M. Y... a donné mandat à M. Z... de produire les créances avec faculté de substitution ; qu'en considérant que la chaîne des délégations était régulière alors qu'à l'origine M. Y... avait reçu les pouvoirs accordés au président mais sans faculté de substitution, d'où il résultait qu'aucune substitution ultérieure n'avait pu régulièrement intervenir, la cour d'appel a violé l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;

2 / que seul le président d'une société anonyme assure la direction générale de la société et qu'ainsi seul le président peut déléguer ses pouvoirs ; qu'en considérant que le conseil d'administration avait valablement pu déléguer les pouvoirs du président de la société à M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que le directeur général d'une société anonyme tient des dispositions combinées des articles 113, alinéas 1 et 2, et 117, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966, applicable en la cause le pouvoir d'ester en justice au même titre que le président du conseil d'administration ;

Et attendu que l'arrêt relève que par une délibération du 23 mai 1995, le conseil d'administration de la banque a délégué à l'administrateur directeur général M. Y..., les mêmes pouvoirs qu'au président, à exercer concurremment et dans les mêmes limites que celui-ci, que M. Y..., a, par acte notarié du 7 juillet 1995, donné mandat notamment à M. Z..., en particulier pour produire tous titres de créances en cas de liquidation judiciaire avec faculté de substitution et que par acte du 25 juillet 1995, ce dernier a donné ces mêmes pouvoirs à M. A... ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la déclaration de créance faite par M. A..., préposé de la banque créancière, était régulière ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la caution fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1 / que l'engagement de la caution pour une somme indéterminée n'est valable que si la somme est déterminable pour la caution et que cette dernière a pu connaître l'étendue de son engagement ; qu'en l'espèce, la caution s'est engagée à cautionner le solde débiteur du compte courant n° 0593340 d'un montant non limité ;

que la cour d'appel relève qu'à la date où le cautionnement a été souscrit, le 10 août 1990, le montant maximal du solde débiteur du compte courant n'était pas déterminé, seul un acte notarié postérieur, en date du 13 août 1990, ayant fixé la limite du découvert autorisé à hauteur de 2 300 000 francs ; qu'en considérant néanmoins que le cautionnement litigieux était valable alors que la somme cautionnée n'était pas déterminable au jour de la conclusion de l'acte, la cour d'appel a violé l'article 1er du Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 2015 du Code civil ;

2 / qu'en s'abstenant de rechercher si la caution avait connaissance de la portée de son engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du Protocole additionnel n 1 de la Convention des droits de l'homme et de l'article 2015 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt constate que M. X..., en garantie des engagements de la société X... résultant de toutes opérations effectuées avec la banque s'était, selon les termes de la mention apposée de sa main sur l'acte de cautionnement, "porté caution solidaire du solde débiteur du compte courant n° 059340 d'un montant non limité dans les termes ci-dessus" ; qu'il relève qu'eu égard à ces termes et aux fonctions de dirigeant de la société cautionnée, la caution avait conscience de la nature et de l'étendue de son engagement ; que par ces constatations et appréciations, dont il ressortait que l'obligation garantie était déterminable, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en décidant que le cautionnement était valable ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la caution fait enfin le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1 / qu'est nul le cautionnement qui oblige la caution dans les termes d'un engagement disproportionné tant au regard de la situation de la société débitrice qu'au regard des ressources de la caution ; que les juges du fond ont l'obligation de motiver leur décision et de relever in concreto le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution ; qu'en se bornant à énoncer que l'engagement souscrit par la caution "n'apparaissait pas a priori disproportionné" sans s'expliquer de ce chef, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 de la Convention des droits de l'homme et de l'article 2015 du Code civil ;

2 / que commet une faute la banque qui exige de la caution un engagement disproportionné tant au regard de la situation de la société débitrice qu'au regard des ressources de la caution ; que les dommages et intérêts dus en vertu de cette faute se compensent avec le montant des sommes dues au titre cautionnement ; que les juges doivent apprécier effectivement et in concreto le caractère disproportionné des engagements, une telle exigence constituant l'un des éléments du procès équitable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'engagement personnel de M. X... en qualité de caution "n'apparaissait pas à priori disproportionné" ; qu'en statuant par ces seuls motifs ne donnant aucune indication sur l'absence de disproportion du cautionnement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 2011 et 2015 du Code civil ;

3 / qu'en s'abstenant de rechercher si une caution de 22 ans avait un patrimoine lui permettant de faire face à un engagement de 2 300 000 francs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 2011 et 2015 du Code civil ;

Mais attendu que M. X..., gérant de la société cautionnée, qui n'a pas prétendu, ni démontré que la banque aurait eu sur ces revenus, son patrimoine et les facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'activité de la société, des informations qu'il aurait ignorées, n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de cette banque ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le cinquième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la caution fait enfin le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1 / que la banque commet une faute qui décharge la caution lorsqu'elle aggrave l'obligation de la caution en s'abstenant de réclamer remboursement à l'échéance du terme et en laissant courir les intérêts des sommes dues ; que le créancier ne peut accorder une prorogation du terme au débiteur qu'en en avertissant la caution et en la mettant à même de se décharger de son obligation ; qu'en considérant que la banque n'avait commis aucune faute en s'abstenant de réclamer le remboursement à l'échéance et en laissant courir les intérêts sans relever que la caution avait été informée de ce fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du Protocole additionnel de la CEDH, des articles 2037 et 2039 du Code civil ;

2 / que le créancier est tenu envers la caution d'une obligation d'information dont l'omission entraîne la décharge de la caution, indépendamment du préjudice subi ; qu'en considérant que le fait que la banque n'ait pas informé la caution de sa faculté de résiliation du contrat était sans conséquence dès lors que le solde débiteur de 1 245 458,79 francs avait été atteint dès mars 1991, la cour d'appel a violé l'article 1er du Protocole additionnel de la CEDH et l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ;

3 / qu'en toute hypothèse, M. X... a été condamné à payer la somme de 1 376 758,01 francs en sa qualité de caution ; qu'en considérant que l'information donnée par le créancier à la caution de la faculté de révocation aurait été sans incidence en l'espèce dès lors que le solde débiteur du compte courant atteignait la somme de 1 245 458,79 francs dès mars 1991, alors que la différence entre la somme due en vertu du cautionnement et celle de 1 245 458,79 francs représentait le préjudice subi par la caution en raison du défaut d'information de la faculté de révocation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1er du Protocole additionnel de la CEDH et de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que le calcul non contesté de la créance fixée à la somme de 1 608 715,30 francs en principal, déduction faite des agios réclamés pendant le fonctionnement du compte apparaît justifié, de sorte que la caution ne peut utilement reprocher à la banque d'avoir laissé les intérêts dépasser le maximum autorisé de 2 300 000 francs puisque ces intérêts ne lui sont pas dus et que le montant de la créance reste inférieur au montant de l'engagement ;

que de ces appréciations et constatations, la cour d'appel a pu déduire l'absence de préjudice susceptible d'être invoqué par la caution ;

Attendu, d'autre part, que sauf dol ou faute lourde du dispensateur de crédit, l'omission des informations prévues par l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, est sanctionnée par la seule déchéance des intérêts ; que par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués par les deuxième et troisième branches, l'arrêt se trouve justifié ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne M. X... à payer la somme de 1 200 euros à la société Caixabank France ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-22420
Date de la décision : 30/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers (2e Chambre civile), 03 octobre 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 jui. 2004, pourvoi n°00-22420


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:00.22420
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