AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que Jean X..., salarié de la société La Grande Paroisse , entreprise de fabrication de produits chimiques, de 1958 à 1990, a été affecté à la maintenance des installations industrielles de janvier 1958 à février 1966 en qualité d'ouvrier, puis de cette date à décembre 1973 comme agent de maîtrise ; qu'il a été promu à compter du 1er janvier 1974 dans la catégorie haute maîtrise ; que, le 12 juin 1992, il a été reconnu atteint de la maladie professionnelle n° 30 E à compter du 8 juillet 1989 ; qu'après son décès, survenu le 22 mai 1997, sa veuve, ses enfants et petits enfants ont saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire fondée sur la faute inexcusable de l'employeur ; que la cour d'appel (Rouen, 22 octobre 2002) a rejeté cette demande ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / qu'en statuant ainsi, tout en constatant qu'en définitive la victime avait été exposée à lamiante pendant une partie de son activité professionnelle sans protection individuelle suffisante, et qu'elle a effectivement contracté une maladie professionnelle liée à l'amiante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, qu'elle a violé par fausse application ;
2 / qu'en retenant qu'il n'était pas démontré une exposition de M. X... à l'inhalation des poussières d'amiante au delà de l'année 1974, tout en constatant que ce salarié continuait après cette date à travailler à la maintenance des installations industrielles pour laquelle l'amiante était encore utilisée en décembre 1977, ce dont il résultait qu'il était nécessairement resté exposé aux poussières présentes dans les locaux qu'il fréquentait pour les besoins de son travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres déclarations au regard de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, qu'elle a ainsi à nouveau violé par fausse application ;
3 / qu'en tout état de cause, en estimant que la société la Grande Paroisse en tant que simple entreprise utilisatrice pouvait ne pas avoir conscience du danger au regard du tableau n° 30 des maladies professionnelles ne visant à l'époque que le cardage, la filature et le tissage de l'amiante , ce qui rendait suffisantes les quelques "précautions qu'elle avait mises en place" en l'absence de législation spécifique à l'amiante, la cour d'appel a violé par fausse application ledit tableau n° 30 qui prévoyait déjà le calorifugeage ;
4 / que la notion de faute inexcusable n'opère pas de distinction selon que l'employeur est fabriquant ou simple utilisateur d'un produit nocif tel que l'amiante; qu'en statuant comme elle l a fait, au motif inopérant que la société grande Paroisse était seulement utilisatrice de ce matériau, la cour d'appel a violé derechef l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a estimé que la réalité de l'exposition de Jean X... à l'inhalation de poussières d'amiante postérieurement à l'année 1974 n'était pas démontrée, et que les parutions scientifiques médicales ou techniques qui existaient jusqu'à cette date avaient pu par leur spécificité échapper à une entreprise simple utilisatrice de l'amiante, qui n'était pas soumise aux dispositions du décret du 31 août 1950 introduisant l'asbestose comme maladie professionnelle, lesquelles ne s'imposaient pas aux entreprises fabriquant des produits chimiques ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, alors que Jean X... n'était pas chargé de travaux de calorifugeage au sens du tableau n° 30 dans sa rédaction de 1951, la cour d'appel a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que la société La Grande Paroisse n'avait pu avoir connaissance du danger auquel était exposé son salarié, de sorte qu'elle n'avait pas commis de faute inexcusable ;
Que le moyen ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille quatre.