AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier ;
Attendu que, par acte authentique du 9 janvier 1990, M. Louis X..., l'épouse de celui-ci et M. Y... se sont portés cautions solidaires du remboursement du prêt de la somme de 800 000 francs, consenti, en vertu du même acte, par la Caisse de Crédit mutuel du Val-d'Argent (la banque) à M. Norbert X... et à son épouse ; qu'en raison de la défaillance des emprunteurs, la banque a recherché la garantie des cautions ; que, reprochant à la banque d'avoir méconnu les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, les cautions ont assigné celle-ci en déchéance, à leur égard, des intérêts contractuellement prévus ;
Attendu que pour rejeter cette prétention, l'arrêt attaqué énonce que ce texte ne concerne que les cautions ayant garanti des crédits accordés à une entreprise, qu'en l'occurrence il s'agit d'un prêt personnel accordé à deux particuliers qui, seuls, étaient tenus au remboursement de celui-ci et qui n'exerçaient eux-mêmes aucune activité commerciale, qu'il importe peu, dans ces conditions, que les emprunteurs aient eu l'intention d'affecter le montant du prêt à une augmentation du capital de la SARL X..., ou de faire inscrire le montant apporté à cette société à leur compte courant d'associé, et que l'affectation finale du prêt ne modifie pas le fait qu'il a été accordé à des personnes physiques, non commerçantes, et non à l'entreprise qu'est la SARL X... qui a un patrimoine distinct ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que le contrat constatant le prêt consenti par la Banque aux époux X... stipulait que celui-ci "sera destiné à être incorporé dans la SARL X... par voie d'augmentation de capital, respectivement de compte courant d'associé", de sorte qu'au regard de sa destination, expressément entrée dans le champ contractuel, un tel prêt, fût-il qualifié de personnel, s'analysait en un concours financier à une entreprise au sens du texte susvisé, la cour d'appel a violé celui-ci ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la Caisse de Crédit mutuel du Val-d'Argent aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Caisse de Crédit mutuel du Val-d'Argent à payer à M. Louis X..., à l'épouse de celui-ci et à M. Y... la somme globale de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille quatre.