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22/06/2004 | FRANCE | N°01-17258

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 juin 2004, 01-17258


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... et Mme Y... ont proposé à M. Z..., ami de cette dernière, d'acquérir un lot de statuettes au prix de 1 600 000 francs, produisant des certificats d'authenticité et faisant valoir qu'il s'agissait d'une affaire intéressante puisque la collection avait été estimée par des experts à la somme de 6 500 000 francs ; qu'ayant précédemment vendu dans des conditions similaires, à un sieur A... une statuette de facture identique dont la valeur avait été dé

niée par le commissaire-priseur qu'il avait contacté, M. Z... a décliné l'of...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... et Mme Y... ont proposé à M. Z..., ami de cette dernière, d'acquérir un lot de statuettes au prix de 1 600 000 francs, produisant des certificats d'authenticité et faisant valoir qu'il s'agissait d'une affaire intéressante puisque la collection avait été estimée par des experts à la somme de 6 500 000 francs ; qu'ayant précédemment vendu dans des conditions similaires, à un sieur A... une statuette de facture identique dont la valeur avait été déniée par le commissaire-priseur qu'il avait contacté, M. Z... a décliné l'offre mais a toutefois accepté de conserver la collection dans l'attente d'un éventuel acheteur ; que quelques jours plus tard, il recevait à nouveau la visite de M. A... qui se montrait intéressé et lui proposait d'acquérir le lot moyennant paiement d'une somme de 2 400 000 francs ; qu'ayant obtenu de M. A... la remise d'un acompte de 200 000 francs en espèces, M. Z... a demandé à M. X... de lui céder la collection au prix de 1 600 000 francs, somme pour laquelle ce dernier déclarait avoir trouvé preneur ; qu'après réalisation de cette vente et paiement du prix, M. A... n'a plus reparu au domicile de M. Z..., lequel, estimant qu'il avait été berné, a porté plainte pour escroquerie ; qu'une ordonnance de non lieu ayant été rendue, M. Z... a saisi le tribunal pour demander l'annulation de la vente, la restitution de la somme de 1 400 000 francs par lui versée ainsi que des dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen :

Vu le principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et l'article 1116 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande en annulation de la vente, la cour d'appel énonce que, même s'il peut être admis l'existence d'une manoeuvre commise de concert par les trois intimés pour inciter M. Z... à acquérir le lot de statuettes pour une somme sans proportion à leur valeur réelle, il n'en reste pas moins que celui-ci s'est déterminé, non en raison d'une valeur qu'il aurait attribuée de façon erronée aux objets en cause, mais en raison de la croyance qu'il avait de les revendre, à un prix "alléchant", à un acheteur enthousiaste, déjà client ; qu'elle considère qu'un tel comportement, "signe de cupidité", est nécessairement illicite et justifie que soit fait application de l'adage précité ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que M. Z... avait été victime de manoeuvres dolosives exercées, de façon concertée, par les défendeurs dans le seul dessein de lui soutirer une somme d'argent importante, ce dont il s'ensuivait que la vente était nulle et que le principe selon lequel "nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude" ne pouvait recevoir application, peu important que l'intéressé ait lui-même agi en croyant réaliser un profit substantiel non justifié, la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe précité et, par refus d'application, l'article 1116 du Code civil ;

Sur le second moyen :

Vu le principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour débouter M. Z... de sa demande en dommages-intérêts, la cour d'appel relève qu'il convient de lui opposer sa propre turpitude ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le principe susvisé ne s'applique pas en matière délictuelle, la cour d'appel a violé, par fausse application, ce principe et, par refus d'application, l'article 1382 du Code civil ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tiré de la prescription et dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. Didier X..., ès qualités d'héritier de M. Pierre X..., l'arrêt rendu le 18 septembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne les défendeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, solidairement, Mme Y..., M. A... et M. X... à payer à M. Z... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 01-17258
Date de la décision : 22/06/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° VENTE - Nullité - Dol - Comportement vénal de l'acheteur - Absence d'influence.

1° CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Consentement - Dol - Comportement vénal de l'acheteur - Absence d'influence.

1° Encourt la cassation l'arrêt qui déboute l'acheteur d'un lot de statuettes de sa demande en nullité de la vente pour dol en lui opposant l'adage selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, alors qu'il résulte de ses constatations que celui-ci a été victime de manoeuvres dolosives exercées par ses cocontractants dans le seul dessein de lui soutirer une forte somme d'argent, peu important que l'intéressé ait lui-même agi en croyant réaliser un profit substantiel non justifié.

2° CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Cause - Cause illicite - Règle " Nemo auditur " - Domaine d'application - Etendue - Portée.

2° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Réparation - Action en responsabilité - Moyen opposable - Règle " Nemo auditur " (non).

2° La règle selon laquelle nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ne s'applique pas en matière délictuelle.


Références :

1° :
2° :
Code civil 1116
et

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 18 septembre 2001

Dans le même sens que : Chambre civile 1, 1993-11-17, Bulletin, I, n° 326, p. 226 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 jui. 2004, pourvoi n°01-17258, Bull. civ. 2004 I N° 182 p. 151
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 I N° 182 p. 151

Composition du Tribunal
Président : M. Lemontey.
Avocat général : M. Cavarroc.
Rapporteur ?: Mme Marais.
Avocat(s) : la SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.17258
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