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09/06/2004 | FRANCE | N°03-11534

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 juin 2004, 03-11534


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 décembre 2002), qu'Henri X... est décédé en 1970, laissant pour lui succéder son épouse et leurs sept enfants, Louis, Armand, Philippe, Michel, Jérôme, Monique et Eliane ; que les époux X... étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts et que Mme veuve X..., instituée légataire universelle, a opté pour la totalité en usufruit ; que lors de la déclaration de succession, le notai

re a commis une erreur sur le nombre d'actions de la société Les Petits-fils de Cl...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 décembre 2002), qu'Henri X... est décédé en 1970, laissant pour lui succéder son épouse et leurs sept enfants, Louis, Armand, Philippe, Michel, Jérôme, Monique et Eliane ; que les époux X... étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts et que Mme veuve X..., instituée légataire universelle, a opté pour la totalité en usufruit ; que lors de la déclaration de succession, le notaire a commis une erreur sur le nombre d'actions de la société Les Petits-fils de Claude Joseph Bonnet (la société Bonnet) dépendant de la communauté et attribué à tort à Mme veuve X... la pleine propriété de 472 actions de cette société ; qu'en 1984, Mme veuve X... et ses enfants ont cédé l'ensemble des actions de la société Bonnet et acquis en échange des actions de la société Labouré-Roi, Mme veuve X... acquérant, à cette occasion, 1092 actions Labouré-Roi en échange des 472 actions Bonnet qui lui avaient été attribuées ; que les 10 mars et 23 avril 1985, Eliane, Monique, Michel, Jérôme et Philippe X... ont cédé à leur frère Louis chacun un septième des actions indivises Labouré-Roi ; que le 15 octobre 1985, Mme veuve X... a cédé à M. Armand X... la nue-propriété de la totalité des actions Labouré-Roi dont elle était titulaire ; que les 1092 actions Labouré-Roi incluses dans cette cession sont, à la suite d'augmentations du capital, devenues 11 466 actions Labouré-Roi puis, lors de la constitution de la société X... frères en 1993, 11 466 actions X... frères ; que l'erreur du notaire ayant été découverte en 1994, un accord qualifié de transaction est intervenu le 25 mars 1998 entre M. Armand X..., sa mère et ses six frères et soeurs, aux termes duquel Mme veuve X... restituait à son fils Armand le prix de cession qu'elle avait perçu tandis que ce dernier versait, à titre indemnitaire, une somme de 250 000 francs à chacun de ses frères et soeurs qui reconnaissaient être entièrement remplis de l'intégralité de leurs droits ; que le 21 janvier 1999, les actions de la société X... frères ont été admises au second marché de la bourse de Paris ; que Mmes Monique et Eliane X... et M. Michel X..., observant que l'accord du 25 mars 1998 était intervenu sur la base d'une valeur de 150,87 francs par action alors que M. Armand X... préparait l'introduction en bourse et que, dix mois plus tard, la valeur de l'action était de 6 034,80 francs, ont contesté cet accord en invoquant la lésion et le dol ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que Mmes Monique et Eliane X... et M. Michel X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande de dommages-intérêts fondée sur le dol alors, selon le moyen :

1 / qu'en retenant, pour écarter le dol invoqué à la charge de l'acquéreur, que "la future entrée en bourse de la société X... frères (...) était connue des appelants", cependant que, loin de prétendre à une telle connaissance du projet, les intimés énonçaient au contraire qu'était impossible "une dissimulation reposant sur un quelconque défaut d'information sur un projet d'introduction en bourse de la société X... frères, lors de la signature de la transaction du 25 mars 1998, puisque cette perspective n'a été sérieusement envisagée qu'à partir de septembre 1998", la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que la réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée ; qu'en retenant, pour écarter le dol, que la durée des pourparlers échelonnés sur plusieurs années avait donné la possibilité aux appelants de faire estimer la valeur réelle des actions de la société, constat impropre à exonérer l'auteur du dol de sa responsabilité, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et a en conséquence violé l'article 1116 du Code civil ;

3 / que la réticence dolosive doit s'apprécier en fonction des relations existant entre les parties, en particulier au regard de la relation de confiance existant nécessairement lors de la conclusion de pactes de famille, lesquels supposent une entière loyauté, dont il résulte que chaque contractant est fondé à s'en remettre aux informations fournies par l'autre ; qu'en retenant, pour écarter le dol, que les cédants avaient eu toute possibilité de se renseigner par eux-mêmes sur la valeur réelle des actions, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, s'ils ne pouvaient légitimement penser, en raison de la relation de confiance les unissant à M. Armand X... (leur frère, associé et dirigeant de la société concernée), que celui-ci leur avait donné des informations exactes et complètes sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;

4 / qu'un dol peut exister de la part de l'acquéreur de titres sociaux, même si celui-ci n'a pas la maîtrise de la valeur future des actions achetées ; qu'en retenant, pour écarter le dol, que "au surplus, M. Armand X... n'avait pas la pleine maîtrise de la valeur future des actions de sa société dont il préparait l'admission au second marché", motif impropre à exonérer l'auteur d'un dol de sa responsabilité, la cour d'appel a derechef violé l'article 1116 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que le dol ne se présume pas, l'arrêt relève que Mme veuve X... avait, en 1985, cédé à M. Armand X... l'ensemble de ses actions, y compris celles acquises à la place des 472 actions litigieuses, que l'accord du 25 mars 1998 portait sur l'indemnisation du préjudice ainsi causé aux enfants X... et que cet accord, intervenu pour mettre fin au désaccord familial né de l'erreur initiale du notaire, avait été précédé de pourparlers ayant duré plusieurs années ; qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte, d'un côté, que l'accord litigieux avait pour objet, non la cession de droits sociaux, comme le prétend le moyen, mais la réparation d'un préjudice antérieur, en lui-même indépendant de la valeur actuelle des actions et, d'un autre côté, que les parties n'entretenaient pas, à l'époque de cet accord, les relations de confiance auxquelles se réfère la troisième branche, la cour d'appel a pu, sans méconnaître les termes du litige et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche, retenir, pour écarter le dol allégué, que les appelants avaient eu toute possibilité, pendant la durée des pourparlers, de faire estimer la valeur réelle des actions et de leur indemnisation ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que Mmes Monique et Eliane X... et M. Michel X... font encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en rescision pour lésion alors, selon le moyen, que l'action en rescision est admise contre tout acte qui a pour objet de faire cesser l'indivision entre cohéritiers, même s'il a été qualifié de transaction ; que si une telle action n'est en revanche pas admissible à l'encontre de la transaction faite sur les difficultés réelles présentées par un premier acte de partage, c'est à la condition que ce premier acte ait effectivement opéré partage des biens visés dans la transaction ; qu'en l'espèce, la nue-propriété des 472 actions Bonnet litigieuses, attribuée à tort en propre à Mme veuve X... à la suite d'une erreur du notaire, et restée étrangère aux actes de partage intervenus entre 1984 et 1987, était en conséquence restée en indivision entre les sept enfants X... de sorte que l'acte du 25 mars 1998, destiné à réparer les effets de cette erreur, constituait le premier partage de ces 472 actions ; qu'en décidant pourtant qu'il devait s'analyser en une transaction sur les difficultés réelles d'un partage déjà réalisé, insusceptible pour ce motif de rescision pour lésion, la cour d'appel a violé l'article 888, alinéas 1 et 2, du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que la validité d'un partage n'est pas subordonnée à la rédaction d'un écrit, l'arrêt relève que les parties sont convenues d'un partage rendant Mme veuve X... propriétaire de 941 actions Bonnet, dont 472 provenant de l'erreur commise par le notaire et que ce partage résulte des décisions successives prises entre 1984 et 1987, tant par Mme veuve X... que par ses enfants ; qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que les actions litigieuses avaient été attribuées à Mme veuve X... au titre du partage de la communauté ayant existé entre elle et son époux et ne faisaient pas partie de l'indivision successorale existant entre ses enfants, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que l'acte du 25 mars 1998 devait s'analyser en une transaction sur les difficultés réelles d'un partage déjà réalisé et ne pouvait faire l'objet d'une action en rescision pour lésion ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Monique X..., Mme Eliane X... et M. Michel X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 1 800 euros à M. Louis X..., M. Armand X..., M. Philippe X... et M. Jérôme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 03-11534
Date de la décision : 09/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon (1re chambre civile), 05 décembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 jui. 2004, pourvoi n°03-11534


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.11534
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