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01/06/2004 | FRANCE | N°02-41176

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 juin 2004, 02-41176


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Y 02-41.775 et Z 02-41.176 ;

Attendu que M. X..., engagé en 1990 comme représentant par la société Rhénane Télé Audio (RTA), exploitant une station de radio, a été licencié le 9 avril 1998 pour motif économique, après l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de cette société ; que, contestant son licenciement et soutenant que la société Radio Chic Serc (Serc) était devenue son employeur après avoi

r pris le contrôle de la société RTA en janvier 1997, il a invoqué devant la juridiction ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Y 02-41.775 et Z 02-41.176 ;

Attendu que M. X..., engagé en 1990 comme représentant par la société Rhénane Télé Audio (RTA), exploitant une station de radio, a été licencié le 9 avril 1998 pour motif économique, après l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de cette société ; que, contestant son licenciement et soutenant que la société Radio Chic Serc (Serc) était devenue son employeur après avoir pris le contrôle de la société RTA en janvier 1997, il a invoqué devant la juridiction prud'homale des créances indemnitaires, à l'égard de ces deux sociétés ;

Sur le moyen unique du pourvoi de la société Radio Chic Serc :

Attendu que la société Serc fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'à la date du licenciement elle était l'employeur de M. X... et de l'avoir condamnée à ce titre au paiement de dommages-intérêts, pour licenciement abusif, et au remboursement d'indemnités de chômage, en déclarant le salarié irrecevable en ses demandes dirigées contre le liquidateur judiciaire de la société RTA et contre l'AGS, alors, selon le moyen :

1 / que la simple prise de contrôle majoritaire d'une société par une autre n'emporte pas application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail et est seulement susceptible de caractériser l'existence d'un groupe entre les sociétés dont chacune demeure juridiquement distincte ; que, par ailleurs, une société ne peut être déclarée fictive qu'en cas d'absence d'apport, d'affectio societatis ou de volonté de partager les résultats, la seule détention de la quasi-totalité de son capital par une autre société, pas plus que l'identité entre ses dirigeants et ceux de la société actionnaire majoritaire ne pouvant suffire à caractériser son caractère fictif ; qu'en l'espèce, pour affirmer l'existence d'une "absorption de fait" de la société RTA par la société Serc et en déduire que la seconde avait la seule qualité d'employeur à la date des licenciements par le liquidateur judiciaire de la première, la cour d'appel s'est bornée à retenir que la directrice financière de la société Serc avait été nommée gérante de la société RTA après le rachat du capital de celle-ci par celle-là, qu'un salarié de la société RTA avait attesté être entré au Sercice de celle-ci en avril 1997 à la demande de la société Serc, recevoir ses instructions de cette dernière et avoir été ensuite engagé par elle pour reprendre le réseau Fun Radio de Bourgogne à partir d'avril 1998, et que dans une lettre adressée par la gérante de la société RTA à M. X... figuraient les mentions SERC RTA ; que, cependant, ces constatations ne caractérisent rien d'autre que, respectivement, les conséquences habituelles d'une prise de contrôle d'une société sans remise en cause de sa personnalité et de son autonomie juridique, ainsi que l'existence toute éventuelle d'un lien de subordination entre la société Serc et au autre salarié dont rien n'établit qu'elle puisse être extrapolée à la situation des salariés licenciés, et l'existence d'un groupe entre la société Serc et la société RTA ; que, dès lors, en se fondant sur ces seules considérations impuissantes à caractériser ni que la société Serc ait absorbé la société RTA, ni qu'elle ait la qualité d'employeur de M. X... à la date de son licenciement par le liquidateur judiciaire de la société

RTA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale tant au regard de l'article 1932 du Code civil que des articles L. 121-1 et L. 122-12 du Code du travail ;

2 / qu'en se déterminant ainsi, par des considérations qui ne caractérisent pas l'existence d'un lien de subordination entre les salariés licenciés et la société Serc, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 122-12 du Code du travail ;

Mais attendu que, si la prise de contrôle d'une société ne peut suffire, à elle seule, à entraîner un changement d'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas fondé sa décision sur l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail, a fait ressortir l'existence à l'époque du licenciement d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les sociétés RTA et Serc ; qu'elle a pu déduire de ces constatations et énonciations que la société Serc était ainsi devenue l'employeur des salariés de la société RTA ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la recevabilité du moyen unique du pourvoi de M. X... :

Attendu que la société Serc oppose que le moyen unique du pourvoi de M. X... serait irrecevable, en ce qu'il est dirigé contre une disposition inexistante, le salarié n'ayant pas demandé en cause d'appel la condamnation de la société Serc au paiement d'une indemnité de clientèle, mais seulement qu'elle garantisse la créance qui serait reconnue à ce titre à l'égard de la société RTA ;

Mais attendu qu'une demande en garantie tend à obtenir de celui contre lequel elle est formée le paiement de la créance qui s'y rapporte ; que l'arrêt ayant débouté M. X... de la demande qu'il formait au titre d'une indemnité de clientèle, celui-ci est recevable à critiquer ce chef de décision, y compris à l'égard de la société Serc ;

Que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie ;

Sur le moyen unique du pourvoi de M. X..., en ses deux premières branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes relatives à une créance d'indemnité de clientèle alors, selon les deux premières branches du moyen :

1 / que l'augmentation en nombre et en valeur de la clientèle par un VRP, ouvrant droit à l'indemnité de clientèle, peut résulter de l'augmentation de ses commissions ; qu'en refusant par principe d'en tenir compte, la cour d'appel a violé l'article L. 751-9 du Code du travail ;

2 / qu'en ne recherchant pas, comme les conclusions de M. X... l'y invitaient, si, lors de son embauche, la société RTA ne venait pas d'être créée et ne disposait d'aucune clientèle, et s'il n'avait pas de ce fait créé lui-même cette clientèle l'augmentant ipso facto en nombre et en valeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 751-9 du Code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement l'ensemble des éléments de fait qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que M. X... n'administrait pas la preuve, qui lui incombait, qu'il avait apporté, créé ou développé une clientèle, en nombre et en valeur ; que le moyen qui, sous couvert d'une violation de la loi et d'un défaut de base légale tend en réalité à remettre en discussion ces éléments de fait devant la Cour de Cassation, ne peut être accueilli ;

Mais sur le moyen unique du salarié, en sa dernière branche :

Vu les articles L. 122-9 et L. 751-9 du Code du travail ;

Attendu qu'après avoir débouté M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle, la cour d'appel devait alors statuer sur son droit à une indemnité de licenciement ; qu'en s'abstenant ainsi, sans en donner de motifs, de se prononcer sur le montant de l'indemnité légale de licenciement qui constituait le minimum auquel le salarié avait droit et dont le montant était nécessairement inclus dans la demande d'indemnité de clientèle dont ils avaient été saisis, les juges d'appel n'ont pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé par la société Radio Chic Serc ;

CASSE ET ANNULE, sur le pourvoi de M. X..., mais seulement en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur la créance d'indemnité de licenciement du salarié, l'arrêt rendu le 23 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens respectifs ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Radio Chic Serc à payer à M. X... la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 02-41176
Date de la décision : 01/06/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre sociale 4A), 23 janvier 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 jui. 2004, pourvoi n°02-41176


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BAILLY conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.41176
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