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19/05/2004 | FRANCE | N°00-12497

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 mai 2004, 00-12497


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Finetim, M. X... et Mme Le Y..., en leurs qualités respectives d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers de cette société, que sur le pourvoi incident relevé par la compagnie Mutuelles du Mans ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que, par acte notarié, la Banque de l'union occidentale, aux droits de laquelle se trouve la Commerzbank AG, (la Commerzbank),

a consenti à la société Finetim deux prêts d'un montant respectif de 12 400 0...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Finetim, M. X... et Mme Le Y..., en leurs qualités respectives d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers de cette société, que sur le pourvoi incident relevé par la compagnie Mutuelles du Mans ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que, par acte notarié, la Banque de l'union occidentale, aux droits de laquelle se trouve la Commerzbank AG, (la Commerzbank), a consenti à la société Finetim deux prêts d'un montant respectif de 12 400 000 francs et 1 500 000 francs, assortis d'une hypothèque sur un immeuble appartenant à cette dernière ; que cet immeuble ayant été endommagé à la suite de travaux réalisés par la Caisse de retraite du personnel au sol d'Air France (la CRAF), propriétaire du fonds voisin, celle-ci a été condamnée en référé, avec son assureur la compagnie Mutuelles du Mans (la Compagnie) à payer à titre provisionnel à la société Finetim diverses sommes en réparation des préjudices subis par cette dernière ;

que, par actes des 8 et 9 décembre 1997, la Commerzbank a assigné, d'une part, la société Finetim en paiement des sommes dues en vertu du prêt, et d'autre part, la CRAF et la Compagnie, aux fins de les voir condamner à verser à la société Finetim les indemnités d'assurance dues au titre de la réparation des préjudices subis et de se les voir attribuer sur le fondement de l'action oblique ; que la société Finetim a été mise en redressement judiciaire le 26 mars 1998, M. X... étant désigné administrateur, et Mme Le Y... représentant des créanciers ; qu'en application de l'article 48 de la loi du 25 juillet 1985, l'instance a été suspendue, puis reprise, après déclaration par la Commerzbank de sa créance, aux fins de fixation de celle-ci et d'attribution directe, à son profit, sur le fondement de l'article L. 121-13 du Code des assurances, du solde de l'indemnité d'assurance due par la Compagnie à la société Finetim ; que, par jugement du 10 septembre 1999, le tribunal a accueilli la demande, fixé la créance de la banque au redressement judiciaire de la société Finetim à la somme de 15 678 356,79 francs à titre privilégié, condamné in solidum la CRAF et la Compagnie à payer la somme de 2 667 000 francs aux représentants de la société Finetim et ordonné le versement direct à la Commerzbank de la somme de 1 167 000 francs représentant le solde de l'indemnité d'assurance ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que Mme Le Y..., représentant des créanciers et liquidateur, M. X..., administrateur, et la société Finetim, font grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité de la demande de la Commerzbank tendant à voir fixer sa créance à titre privilégié, alors, selon le moyen, que le juge-commissaire est seul compétent pour statuer sur l'admission ou le rejet des créances, sauf à constater qu'une instance est en cours, dans l'hypothèse où le créancier, dépourvu de titre exécutoire, a saisi un juge avant le jugement d'ouverture en vue d'en obtenir un ; que les instances en cours ne peuvent tendre qu'à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Finetim faisait valoir qu'il n'existait plus d'instance en cours relativement à la créance de la Commerzbank, puisque cette dernière disposait déjà d'un titre exécutoire constitué en l'occurrence par un acte notarié, en sorte que seul le juge-commissaire était compétent pour examiner la créance déclarée par la banque, qu'en estimant qu'il existait une instance en cours relativement à la créance de la société Commerzbank, tout en constatant que cette société détenait un titre exécutoire, la cour d'appel a violé les articles 48 et 101 de la loi du 25 juillet 1985 ;

Mais attendu que l'arrêt retient que l'instance introduite par la Commerzbank tendant à obtenir notamment le paiement du solde du prêt était pendante devant le tribunal de grande instance de Paris lors de l'ouverture de la procédure collective de la société Finetim, le 26 mars 1998, que par application des dispositions de l'article 48 de la loi du 25 juillet 1985, cette instance s'est trouvée suspendue jusqu'à la déclaration de créance effectuée par la Commerzbank, et a été reprise, les mandataires judiciaires appelés, à l'effet de constater la créance et d'en fixer le montant ; qu'il retient encore que l'existence d'une contestation de ladite créance devant le juge-commissaire ne saurait faire obstacle à la demande de la Commerzbank tendant à voir constater sa créance et à en fixer le montant, dès lors que, par application de l'article 101 de la loi précitée, il appartiendra au juge-commissaire de constater qu'une instance est en cours ; que la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que les demandeurs au pourvoi principal font encore grief à l'arrêt d'avoir fixé la créance de la Commerzbank au redressement judiciaire de la société Finetim à la somme de 15 678 356,79 francs à titre privilégié, alors, selon le moyen, que dans l'hypothèse où la transmission de la copie exécutoire à ordre d'un prêt notarié établi dans les formes prévues par la loi du 15 juin 1976 intervient par endossement au profit d'une personne n'ayant pas la qualité d'établissement bancaire agréé, la copie exécutoire à ordre doit comporter, aux termes de la loi, des mentions spécifiques, notamment la mention de certaines dispositions légales et la mention des paiements anticipés effectués antérieurement ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Finetim faisait valoir que la transmission par endossement intervenue entre la Banque de l'Union occidentale, la Soffim, la WHBL SCA et, enfin, la société Commerzbank était nécessairement irrégulière puisque la société WHBWL n'était pas un établissement de crédit au sens de la loi de 1976 et que les formalités prévues par l'article 11 de cette loi n'avaient pas été respectées ; qu'en estimant que la société Commerzbank était porteur régulier de la créance litigieuse, sans répondre aux conclusions de la société Finetim et sans constater que la copie exécutoire à ordre portait les mentions prévues par l'article 11 de la loi du 15 juin 1976, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la WHBWL SCA qui n'était pas un établissement de crédit devait respecter les formalités mentionnées aux articles 5, alinéas 2, 2 , 6, 7 et 10 de la loi du 15 juin 1976, que la créance de la Soffim lui a été transmise par un acte notarié du 11 septembre 1996, que l'endossement de la copie exécutoire a été porté sur la copie exécutoire elle-même et que les mêmes formalités ont été respectées pour la cession de la créance à la Commerzbank ; que le moyen manque en fait ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

Attendu que la compagnie Mutuelles du Mans fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, in solidum avec la CRAF, à payer à M. X... et à Mme Le Y..., ès qualités, la somme de 2 667 000 francs en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal sur la somme de 1 167 000 francs à compter du 31 janvier 1997, alors, selon le moyen :

1 / qu'est seul sujet à réparation le dommage causé par le fait générateur de responsabilité invoqué ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le dommage invoqué -l'absence de location de l'immeuble appartenant à la société Finetim - n'était pas imputable à la crise immobilière qui sévissait pendant cette période et si le préjudice allégué ne se serait pas réalisé, même en l'absence des travaux imputables à la Caisse de retraite des personnels au sol d'Air France, travaux qui ne pouvaient dès lors constituer une condition nécessaire à la réalisation du dommage constitué par la perte de loyers et ne pouvaient être qualifiés de cause de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

2 / que la compagnie Mutuelles du Mans faisait valoir que certaines périodes d'inoccupation de l'immeuble étaient dues aux changements de locataires, ne pouvaient être imputées aux travaux et auraient, en toute hypothèse, dû être supportées par la société Finetim ;

qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant qui établissait l'absence de lien de causalité entre les travaux et certaines périodes d'inoccupation de l'immeuble, la cour d'appel violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'expert a exactement apprécié le préjudice locatif subi par la société Finetim qui ne pouvait pas envisager de relouer les bâtiments B et L pendant les travaux réalisés par la CRAF qui ont duré trois ans auxquels vient s'ajouter un temps de carence de sept mois étant donné les circonstances propres à ce genre de situation ; qu'il retient, par motifs propres, qu'en raison de la durée des travaux entrepris par la CRAF, les perspectives de location des bâtiments en cause n'étaient pas favorables et que la société Finetim ne disposait pas d'une trésorerie suffisante pour entreprendre les travaux de réfection ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations établissant le lien de causalité entre les travaux réalisés par la CRAF et le préjudice résultant de l'absence de location de l'immeuble et répondant par-là même aux conclusions prétendument omises invoquées par la deuxième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 121- 13 du Code des assurances ;

Attendu que pour décider que la CRAF et la compagnie Mutuelles du Mans devraient verser directement à la Commerzbank la somme de 1 167 000 francs représentant le solde de l'indemnité d'assurance, la cour d'appel relève que l'indemnité en cause était destinée à réparer les conséquences du sinistre survenu du fait du voisin par application des dispositions de l'article 1382 du Code civil, sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre les dommages matériels ou immatériels aux termes des dispositions générales de l'article L. 121-13 du Code des assurances ; qu'elle relève encore que le créancier privilégié ou hypothécaire dispose d'une action directe contre l'assureur dès lors qu'il se trouve subrogé de plein droit dans l'action de la victime par application du dernier alinéa des dispositions susvisées ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les loyers de l'immeuble n'étant pas compris dans la garantie hypothécaire, le créancier ne pouvait être attributaire, en vertu d'une subrogation réelle, du solde de l'indemnité dû par l'assureur au titre des pertes de loyers, la cour d'appel a violé, par fausse application l'alinéa 4 de l'article précité, et, par fausse interprétation, les alinéas 1 et 3 du même texte ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du troisième moyen du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement ordonnant le versement direct par la compagnie Mutuelles du Mans à la Commerzbank AG de la somme de 1 167 000 francs représentant le solde de l'indemnité d'assurance, en application de l'article L. 121-13 du Code des assurances, l'arrêt rendu le 14 décembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Commerzbank AG et la compagnie Les Mutuelles du Mans assurances aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la compagnie Les Mutuelles du Mans ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-12497
Date de la décision : 19/05/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (3e chambre, section A), 14 décembre 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 mai. 2004, pourvoi n°00-12497


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:00.12497
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