AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :
Attendu que, sur le fondement de deux sentences arbitrales définitives, la société Noga a fait pratiquer en France, les 14 novembre et 4 décembre 2000, des saisies conservatoires au préjudice de la Fédération de Russie, son débiteur, sur des créances dont l'agence Rosaviakosmos, venant aux droits de l'Agence spatiale russe, et le Centre d'Etat pour la recherche et la fabrication de lanceurs et des véhicules spatiaux (TSSKB-Progress) sont titulaires sur les sociétés EADS-France et Starsem ;
Attendu que la société Noga fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 8 novembre 2001) d'avoir ordonné la mainlevée de ces saisies en estimant que les sociétés Rosaviakosmos et TSSKB-Progress n'étaient pas des émanations de la Fédération de Russie et que la preuve d'une propriété de cet Etat sur les créances saisies n'était pas rapportée alors, selon le moyen :
1 / que, relevant que l'agence Rosaviakosmos était un organe fédéral du pouvoir exécutif chargé de la réalisation de la politique de l'Etat dans le domaine spatial et que la société TSSKB-Progress était une entreprise fédérale unitaire sous la tutelle de l'Agence spatiale russe, l'arrêt n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 2092 du Code civil et de l'article 13 de la loi 9 juillet 1991 ;
2 / que, relevant que les dépenses de fonctionnement de l'agence étaient assurées grâce aux moyens alloués par le budget fédéral de l'Etat russe, d'où il résultait que ses ressources n'étaient pas distinctes de celles de la Fédération de Russie, et que les biens de la société TSSKB-Progress étaient une propriété fédérale, l'arrêt n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 13 de la loi 9 juillet 1991 ;
3 / qu'en se fondant sur les dispositions du Code civil russe pour délimiter le patrimoine saisissable du gouvernement russe, la cour d'appel a violé l'article 3 du Code civil ;
Mais attendu que le contrôle exercé par un Etat ne suffit pas à faire considérer les organismes qui en dépendent comme des émanations de cet Etat ; qu'en premier lieu, en ce qui concerne, d'une part, l'agence Rosaviakosmos, l'arrêt relève qu'elle est une personne morale, qui, par la responsabilité et les pouvoirs de ses dirigeants, notamment en matière commerciale et internationale, présente une véritable indépendance organique, se manifestant par des opérations commerciales classiques ; que par son financement public et privé, elle dispose d'une autonomie budgétaire, financière et fiscale certaine ;
qu'enfin, son statut d'entreprise publique exclue que ses biens constituent le patrimoine de l'Etat russe, gage des créanciers de celui-ci ; que d'autre part, à l'égard du TSSKB-Progress, l'arrêt constate que ce centre, placé sous la tutelle de l'Agence spatiale russe et non sous celle de l'Etat lui-même, a la personnalité morale ; qu'il jouit de biens propres, exerce ses activités selon les principes de l'autogestion en toute autonomie et indépendance comptable et financière, qu'il dispose librement des résultats de son activité ; qu'ensuite, la décision attaquée énonce que, même si ces deux organismes sont pour partie financés par le budget de l'Etat russe ou disposaient de biens mis à leur disposition mais lui appartenant, rien ne prouve que les créances saisies, liées à des prestations de services fournies à des sociétés européennes, sont la propriété de la Fédération de Russie ; qu'enfin, pour déterminer les biens pouvant être saisis, la cour d'appel n'a pas méconnu la loi française, loi du lieu d'exécution des mesures ; qu'elle a pu déduire de ces constatations et appréciations souveraines, sans encourir les griefs du moyen, que l'agence Rosaviakosmos et le centre TSSKB-Progress, même s'ils sont des entreprises fédérales chargées de la réalisation de la politique de l'Etat en matière spatiale, ne sont pas des émanations de la Fédération de Russie impliquant leur assimilation à cet Etat et que les créances saisies par la société Noga n'appartenaient pas à son débiteur de sorte que ces organismes n'ayant pas à répondre des dettes de celui-ci, la mainlevée des mesures conservatoires entreprises devait être ordonnée ; que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, est mal fondé en ses autres branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la compagnie Noga d'importation et d'exportation aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quatre.