La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2004 | FRANCE | N°02-13318

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mai 2004, 02-13318


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... a été embauché le 1er juillet 1967 par la société Soletanche en qualité d'ingénieur ; que son contrat de travail a été transféré, le 1er janvier 1972, à la société Soletanche Entreprise ; qu'il a démissionné en 1980, son préavis prenant fin le 26 novembre 1980 ; que, contestant la proposition de conciliation formulée par la commission nationale des inventions de salariés, saisie le 17 novembre 1980 par la société Soletanche Entreprise, relative aux

inventions qu'il prétendait avoir créées, il a saisi le tribunal de grande instan...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... a été embauché le 1er juillet 1967 par la société Soletanche en qualité d'ingénieur ; que son contrat de travail a été transféré, le 1er janvier 1972, à la société Soletanche Entreprise ; qu'il a démissionné en 1980, son préavis prenant fin le 26 novembre 1980 ; que, contestant la proposition de conciliation formulée par la commission nationale des inventions de salariés, saisie le 17 novembre 1980 par la société Soletanche Entreprise, relative aux inventions qu'il prétendait avoir créées, il a saisi le tribunal de grande instance pour les inventions postérieures au 1er juillet 1979, date d'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1978 sur les brevets ; que, parallèlement, il a saisi le conseil de prud'hommes pour solliciter des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de gratifications pour des inventions créées avant le 1er juillet 1979 ; que cette procédure a été annulée par la Cour de Cassation le 25 octobre 1994 ; que le salarié a, à nouveau, saisi le tribunal de grande instance de diverses demandes tendant au paiement d'indemnités prévues par la convention collective de travaux publics ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2002) d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait mis la société Soletanche hors de cause, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article L. 122-12-1 du Code du travail que l'ancien employeur demeure tenu, à l'égard des salariés, des obligations qui lui incombaient à la date de la modification, soit seul, soit avec le nouvel employeur ; que le salarié bénéficie donc dans tous les cas d'une action en paiement à son encontre ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article L. 112-12-1 du Code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société "Soletanche Entreprise" était la seule signataire du protocole d'accord du 12 septembre 1980, que le salarié prétend avoir été violé, la cour d'appel a exactement décidé que la société "Soletanche" devait être mise hors de cause ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le salarié fait encore grief à l'arrêt d'avoir accueilli les prétentions de la société Soletanche entreprise, devenue Soletanche Bachy France, relatives aux inventions réalisées par M. X..., alors, selon le moyen, que le protocole d'accord du 12 septembre 1980 indique qu'à compter du 12 octobre 1980, "M. X... sera libre de toutes obligations vis-à-vis de Soletanche entreprise" ; que M. X... soutenait, en cause d'appel, qu'à supposer même que l'on considère qu'il y aurait été contraint, s'agissant d'inventions "de service", au sens de la jurisprudence antérieure à la loi du 13 juillet 1978, cette clause avait notamment eu pour objet et pour effet de le libérer de l'obligation à laquelle il aurait été tenu d'abandonner ses inventions à son employeur, ce qui interdisait corrélativement à la société Soletanche entreprise de prétendre se faire reconnaître des droits sur ces inventions ;

qu'en se bornant à relever que ce protocole avait eu pour objet et pour effet de rendre M. X... libre de tous engagements au regard de son contrat de travail, ce qui n'interdisait nullement à la société Soletanche entreprise de faire reconnaître ses droits sur les inventions qui lui seraient contestées, sans procéder à la recherche à laquelle elle était ainsi invitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 2044 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que le protocole d'accord du 12 septembre 1980 concernait explicitement la cessation définitive de fonctions de M. X... ; qu'elle a, dès lors, exactement décidé qu'il n'interdisait pas à la société de faire reconnaître ses droits sur des inventions qui lui seraient contestées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait aussi grief à l'arrêt de l'avoir déclaré irrecevable à faire à nouveau juger que ses contrats individuels de travail successifs au sein du groupe Soletanche n'impliquaient pas de mission inventive et, partant, à se voir reconnaître la propriété des inventions qu'il avait réalisées, alors, selon le moyen :

1 / que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même ; que, comme le rappelle l'arrêt attaqué, dans son arrêt du 8 mars 1989, rendu sur l'appel interjeté contre le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 mai 1985, la cour d'appel de Paris s'était prononcée sur les inventions postérieures au 1er janvier 1979, en écartant, à cet égard, pour l'essentiel, l'exception de litispendance qui avait été soulevée par M. X... aux motifs que "cette autre instance (pendante devant la cour d'appel de Versailles) porte sur la revendication d'inventions distinctes de celles qui sont invoquées dans le présent litige, à l'exception des inventions n° 1 et n° 17, ce qui avait conduit la Cour de Cassation à relever, dans son arrêt du 13 octobre 1992, sur le premier moyen de cassation, qu'"après avoir relevé que l'instance introduite devant la cour d'appel de Versailles portait, à l'exception des inventions 1 et 17, sur la revendication d'inventions distinctes de celles dont elle était elle-même saisie, la cour d'appel a exactement décidé que l'exception de litispendance ne pouvait pas être accueillie, dès lors que les objets des litiges n'étaient pas identiques, puisqu'il appartenait à chacune des deux cours d'appel de décider, pour chacune des inventions litigieuses, si elle avait été faite dans le cadre d'une mission inventive, cependant que la demande dont elle était saisie portait sur les inventions antérieures au 1er janvier 1979, y inclus le"coulis de Flamenville" et le "pendimètre de forage" ; qu'en se déterminant à partir de l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt, qui s'était prononcé sur des demandes qui n'avaient pas le même objet que celles qui lui étaient soumises, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;

2 / que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif de la décision considérée ; que la cour d'appel de Paris s'était bornée, dans le dispositif de son arrêt du 8 mars 1989, à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait reconnu à M. X... la propriété des inventions 9 et 10 et en ce qu'il avait attribué à la société Soletanche entreprise la propriété des inventions 2 à 8, 11 à 16 et 19 et, le réformant de ce chef, à constater que la cour d'appel de Versailles était déjà saisie de la revendication des inventions 1 et 17, puis à ordonner une mesure d'expertise avant dire droit sur le montant de la rétribution due à M. X... et condamner la société Soletanche entreprise à lui payer une provision de 150 000 francs ; qu'en retenant, dès lors, à l'appui de sa décision, qu'il y avait lieu de s'en remettre aux "motifs décisoires" de cet arrêt pour considérer que les demandes de revendication de M. X... avaient d'ores et déjà été définitivement tranchées, la cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que subsidiairement, il incombe à l'employeur qui revendique la propriété d'inventions réalisées par le salarié en prétendant qu'il s'agit d'inventions de service d'en rapporter la preuve, en justifiant avoir confié une mission inventive au salarié, dans les termes de l'article 1341 du Code civil ; qu'en se déterminant de la sorte, en considération d'organigrammes produits aux débats, la cour d'appel a violé l'article 1341 du Code civil ;

4 / que toujours subsidiairement, nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; qu'en décidant de se fonder sur des organigrammes qui avaient été établis par la société Soletanche entreprise, soit sur un élément de preuve qui émanait de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que les deux premières branches du moyen sont inopérantes, la cour d'appel ayant elle-même examiné la mission dévolue à M. X... et estimé que ses fonctions comportaient une mission inventive ;

Et attendu, ensuite, que la cour d'appel a fondé sa décision non seulement sur les organigrammes fournis par la société, mais sur les fonctions effectivement exercées par le salarié ;

Attendu, enfin, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve que la cour d'appel a décidé que les inventions litigieuses constituaient bien des inventions de service ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que le salarié fait encore grief à l'arrêt de l'avoir déclaré irrecevable en sa demande en paiement d'une rémunération complémentaire pour le "dynamomètre", l'"obturateur monoflexible ou gonflable", le "water stop", le "déformemètre", les "repères multiples", la "méthode du cycle" et le "pendimètre de forage", alors, selon le moyen :

1 / que les demandes qui étaient formées de ce chef par M. X... portaient sur des sommes qui n'avaient pas nature de salaire, mais d'indemnisation ; qu'en les soumettant à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé les articles 2277 du Code civil et L. 143-14 du Code du travail ;

2 / que la prescription quinquennale ne s'applique pas aux créances indéterminées ; qu'en soumettant les demandes qui étaient formées de ce chef par M. X... à la prescription quinquennale, cependant qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'il s'agissait de créances indéterminées, la cour d'appel a violé les articles 2277 du Code civil et L. 143-14 du Code du travail ;

3 / que se prescrivent par cinq ans les actions en paiement des salaires et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; qu'en soumettant les demandes qui étaient formées de ce chef par M. X... à la prescription quinquennale, sans préciser qu'il s'agissait de créances payables par année ou à des termes périodiques plus courts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2277 du Code civil et L. 143-14 du Code du travail ;

4 / que subsidiairement, en retenant que pour les inventions non brevetables, le point de départ du délai de prescription de la demande en paiement de gratification, laquelle n'est pas liée à l'exploitation de l'idée qui en est à l'origine, commence à courir du jour où l'idée en cause a été dénoncée à l'employeur, soit au jour d'émission de l'idée positive non brevetée, après avoir constaté que selon la note du 17 juin 1971 une gratification pouvait être allouée "à l'auteur de l'idée jugée non brevetable mais unanimement reconnue comme intéressante, exploitable ou source d'économie", ce dont il s'évinçait que le point de départ de la prescription ne pouvait être fixé, pour ces inventions, qu'à la date à laquelle l'invention avait été reconnue intéressante, exploitable ou source d'économie, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2277 du Code civil et L. 143-14 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel ayant relevé que les gratifications litigieuses constituaient une rémunération complémentaire de nature salariale, a exactement décidé, sans encourir les griefs des trois premières branches du moyen, qu'elles étaient soumises à la prescription quinquennale ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a décidé à bon droit que le point de départ du délai de prescription correspondait au jour où le bénéficiaire avait connaissance de l'événement ouvrant droit aux gratifications ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les cinquième et sixième moyens réunis :

Attendu que le salarié fait enfin grief à l'arrêt d'avoir condamné la société à lui payer une somme à titre de rémunération complémentaire pour l'"égout substitué" et de l'avoir débouté, au fond, du surplus de ses demandes, relatives au programme informatique de "parois moulées" et au "coulis de Flamenville", ainsi que de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une somme par certificat à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui avait causé son absence de désignation en qualité d'inventeur dans les certificats d'invention, alors, selon les moyens :

1 / qu'en énonçant, pour évaluer à la somme de 18 000 francs la gratification due à M. X... pour l'invention de l'égout substitué", qu'il y avait lieu de tenir compte du "faible intérêt de l'invention afférente à un perfectionnement effectivement rattaché au brevet principal, lui-même de portée réduite et dont les perspectives d'exploitation sont particulièrement limitées", après avoir constaté qu'aux termes mêmes de l'article 63 de la convention collective, la gratification des inventions brevetées devait être calculée en "tenant compte du cadre général de recherche dans lequel s'est placée l'invention, des difficultés de la mise au point pratique, de la contribution personnelle originale de l'intéressé dans l'individualisation de l'invention elle-même et de l'intérêt commercial de celle-ci", la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres énonciations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement au regard de l'article 63 de la convention collective nationale de travail du 31 août 1955 concernant les ingénieurs,

assimilés et cadres employés dans les entreprises de travaux publics ;

2 / qu'en relevant, pour débouter M. X... de sa demande relative au programme informatique de "parois moulées", qu'"il n'est nullement démontré que celui-ci présenterait un intérêt réel dans une application pratique prouvée et incontestable qui aurait été de nature à justifier l'octroi par le comité des sages d'une quelconque gratification", sans répondre aux conclusions qui lui étaient soumises, dans lesquelles M. X... faisait valoir que "l'expert, M. Y..., a reconnu le grand intérêt de cette innovation pour la société et lui a affecté la plus grosse prime, soit 10 KF valeur 71", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 655 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'en relevant, pour débouter M. X... de sa demande relative au "coulis de Flamenville", que "le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, a exactement retenu que M. X... ne faisait pas la preuve de son apport personnel ni de ce que la prétendue création aurait été unanimement reconnue comme intéressante, exploitable ou source d'économie au sens de la note interne susvisée ou qu'elle ait été considérée comme telle par le Comité des sages", sans répondre aux conclusions qui lui étaient soumises, dans lesquelles M. X... faisait valoir que "Soletanche a reconnu l'invention et ses circonstances de réalisation par M. X... dans sa lettre en réponse du 18 juin 1980, en saisissant la commission le 27 novembre 1980, en persistant à en réclamer la propriété en 1989 à la 4ème A de Paris puis, après renvoi, à la 5ème A de Versailles malgré la valeur nulle estimée par l'expert, ce qui le contredit formellement", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / qu'en se prononçant de la sorte sans rechercher si le préjudice dont M. X... poursuivait la réparation n'était pas d'ordre moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que, sous couvert de griefs de violation de la convention collective, de défaut de réponse à conclusions et de défaut de base légale, les moyens ne tendent qu'à remettre en discussion, devant la Cour de Cassation, les éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par les juges du fond ; qu'ils ne sauraient être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 02-13318
Date de la décision : 05/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (4e Chambre, Section A), 16 janvier 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 mai. 2004, pourvoi n°02-13318


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SARGOS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.13318
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award