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28/04/2004 | FRANCE | N°03-85105

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 avril 2004, 03-85105


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Louis,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 28 mai 2003, qui,

pour agressions et atteintes sexuelles aggravées, agression sexuelle et corruption de m...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Louis,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 28 mai 2003, qui, pour agressions et atteintes sexuelles aggravées, agression sexuelle et corruption de mineur, l'a condamné à 6 ans d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 227-25, 227-26 et 227-27 du Code pénal, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Louis X... coupable d'atteintes sexuelles sur mineure de 15 ans par ascendant et d'atteintes sexuelles sur mineure de plus de 15 ans par ascendant et l'a condamné pénalement ;

"aux motifs que, pendant la garde à vue, le prévenu a admis avoir exhibé son sexe, s'être fait masturber, s'être fait faire des fellations par sa fille, lui avoir lécher le sexe ainsi que d'autres faits de pénétration sexuelle qui auraient pu être constitutifs de viol, tout comme la fellation d'ailleurs, mais qui n'ont pas été retenus ; qu'il a situé l'arrivée de Sabrina née le 20 juin 1981 en Corse en 1995 et les premiers faits au printemps 1996, soit alors qu'elle n'avait pas encore 15 ans ; qu'il dit la première fois, elle m'a demandé comment était fait un sexe d'homme ; je lui ai fait voir .... la seconde fois, Sabrina m'a demandé comment on faisait pour se masturber ; je lui ai fait voir ; ensuite, elle m'a masturbé quelques instants .... la troisième fois, nous avons eu un rapport sexuel complet ; Sabrina m'a masturbé et fait une fellation ; je lui ai caressé et léché le pubis et les seins ; ensuite j'ai pénétré ma fille, j'ai introduit mon sexe et je me suis retiré et j'ai éjaculé dans ma main ....Sabrina m'a dit que cela lui faisait mal... ; qu' en fin de garde à vue, il a maintenu ses déclarations ainsi que lors de son interrogatoire de première comparution, tout en minimisant le nombre de fellations ; qu'il n'apparaît pas que ses aveux lui aient été extorqués, ni par les gendarmes ni par le juge d'instruction ; que les experts psychologue et psychiatre n'ont pas relevé chez lui de tendances à l'affabulation de sorte que même si par la suite il a minimisé certains faits et s'est même rétracté pour d'autres, ses dénégations ne sont pas convaincantes ; qu'il en reconnaît pour partie la matérialité ; que Sabrina, même si elle a varié dans ses déclarations, ce qui est classique dans ce genre d'affaire, a

néanmoins et à plusieurs reprises décrit le comportement de son père avec précision et ce notamment devant le juge d'instruction lors de sa première déposition, ajoutant que les faits se sont déroulés dès son arrivée en Corse (donc en 1995 alors qu'elle n'avait pas 15 ans) puis après en 1996 ; que cependant, il n'est pas démontré qu'elle ait agi malgré son âge sous la menace, la contrainte, la violence ou la surprise : qu'en effet, même s'il peut être admis que pour elle, il y avait un enjeu, à savoir une plus grande liberté pour sortir et pour rencontrer ses camarades, elle a agi pour le compte de son père à de trop nombreuses reprises pour que la Cour puisse admettre la caractérisation d'une contrainte même simplement morale suffisante ; qu'en conséquence, l'infraction sera requalifiée en atteinte sexuelle commise par ascendant sur mineure de 15 ans (article 227-25 et 227-26-1 ) et par ascendant sur mineure âgée de plus de 15 ans (article 227-27-1 ) ;

"alors, d'une part, que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que les prévenus aient été en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification proposée ; que la cour d'appel a requalifié les faits en atteintes sexuelles sur mineure de moins de 15 ans par ascendant et atteintes sexuelles sur mineure de plus de 15 ans par ascendant, sans inviter le prévenu ou son avocat à présenter leurs observations sur cette requalification ;

"alors, d'autre part, que les atteintes sexuelles impliquent des rapports physiques à caractère sexuel ; que le fait de montrer de son sexe ou de se masturber n'impliquant aucun rapport physique ne sont pas constitutifs d'atteintes sexuelles mais tout au plus d'exhibition sexuelle ; que dès lors que la cour d'appel déclare le prévenu coupable des faits visés à la prévention en faisant référence à ces faits, elle a violé l'article 227-22 du Code de procédure pénale ;

"alors, enfin, que la cour d'appel fait état de faits ayant d'abord consisté pour le prévenu à montrer son sexe à sa fille et à se masturber devant elle, faits insusceptibles d'être qualifiés d'atteintes sexuelles, puis en faisant état d'autres actes, tels des masturbations pratiquées par sa fille, sans préciser à quelles dates ces différents faits avaient eu lieu ; qu'ainsi, la cour d'appel ne met pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les faits susceptibles d'être qualifiés d'atteintes sexuelles ont eu lieu alors que la victime avait moins de 15 ans et constituaient l'infraction incriminée par l'article 227-25 du Code pénal dont elle a pourtant déclaré le prévenu coupable" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Louis X... a été poursuivi du chef d'agression sexuelle aggravée sur la personne de Sabrina X... ; que la cour d'appel a disqualifié ces faits en délit d'atteinte sexuelle sans contrainte ni surprise sur mineure de quinze ans par ascendant et atteinte sexuelle par ascendant ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, aucune atteinte n'a été portée aux droits du demandeur, dès lors que les éléments constitutifs de délit retenu étaient compris dans les termes de la prévention initiale ;

D'où il suit que le moyen qui, pour le surplus, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 227-27 et 227-29 du Code pénal, 459, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Louis X... coupable d'agression sexuelle sur une mineure de 15 ans, Virginie Y... et l'a condamné pénalement et civilement ;

"aux motifs que les déclarations de Virginie Y... sont particulièrement précises et constantes ;

que la matérialité des faits, en réalité des fellations et des masturbations en compagnie de Sabrina qui participait également aux scènes, n'est pas contestée ;

que pendant la garde à vue, le prévenu reconnaît s'être fait faire une première fellation dans sa cave, en présence de Sabrina puis dans sa chambre ; que, quant à la jeune fille, née le 24 juin 1981, elle situe les faits au début de l'année 1996 entre janvier et mai, 4 ou 5 fois (elle avait donc bien moins de 15 ans) et déclare que Sabrina à la demande de son père l'a sollicitée pour "branler et sucer celui-ci", ce qu'elle a refusé ; qu' elle ajoute que, par la suite, toutes les deux l'ont masturbé et lui ont fait des fellations ; qu'elle explique avoir cédé par peur de Louis X... et parce que Sabrina insistait, disant que sans cela elle serait privée de sortie ; qu'une scène s'est déroulée dans la cave, Louis X... ayant fermé la porte à clé ; que la contrainte morale exercée par Louis X... ne peut être absente s'agissant d'une toute jeune fille, soumise à une pression d'un adulte, assisté en l'occurrence de sa propre fille, dans des conditions, au moins dans la cave, excluant toute échappatoire ; que les faits sont constitués ; que la requalification ne s'impose pas, la minorité de 15 ans étant établie ; que le jugement doit être réformé en ce qu'il n'a pas retenu la circonstance aggravante de minorité de 15 ans ;

"alors, d'une part, que la contrainte, la menace ou les violences sont un élément constitutif des agressions sexuelles distinct de la circonstance aggravante qu'est le fait que la victime avait 15 ans au moment des faits ; qu'en considérant que la requalification ne s'imposait pas, la mineure ayant moins de 15 ans au moment des faits, la cour d'appel a fait de l'âge de la jeune fille le critère des violences, contraintes ou menaces ; qu'ainsi, elle n'a pas caractérisé la violence, la contrainte ou les menaces constitutives d'agressions sexuelles ;

"alors, d'autre part, que dans les conclusions du prévenu, il était soutenu que la jeune fille avait fait état de plusieurs scènes de masturbation et de fellation, ce qui établissait que les actes avaient eu lieu sans violence, contrainte ou menace, puisque dans le cas contraire, elle ne serait pas revenue au domicile du prévenu ; qu'en retenant une contrainte physique, résultant du fait pour le prévenu de s'être enfermé dans la cave avec Virgine Y..., sans répondre à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, enfin, que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que la cour d'appel motive sa décision en considérant que la jeune fille avait pratiqué des masturbations et des fellations au prévenu au début de l'année 1996 ;

que la cour d'appel qui se contente de faire référence aux affirmations de la jeune fille quant à la période des faits, sans indiquer quels éléments permettaient de considérer que les faits avaient eu lieu alors que la jeune fille avait moins de 15 ans, alors qu'il était soutenu dans les conclusions que la fille du prévenu n'était arrivée en Corse qu'en février 1996 et qu'elle n'avait fait la connaissance de Virginie Y... qu'à la rentrée scolaire suivante, à un moment où cette dernière avait plus de 15 ans, sans répondre à ce moyen de défense, a privé sa décision de base légale" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 227-27 et 227-29 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Louis X... coupable d'agressions sexuelles sur la personne de Cindy Z... ;

"aux motifs que les faits s'inscrivent dans un contexte de projet de relations sexuelles à trois ;

que Sabrina faisant part d'un tel projet à Cindy et son père venant en renfort pour expliquer le programme, celle-ci a refusé et dit avoir pris peur, ce dont la Cour ne saurait douter, s'agissant d'une jeune fille de 16 ans à l'époque dont rien dans le dossier ne dit qu'elle était familière de ce genre de pratique ;

qu'elle ajoute que devant l'insistance de Sabrina et celle de Louis X... qui lui demandait de lui toucher le sexe pour preuve de son accord et avant de la laisser partir, elle a dû s'exécuter ; qu'elle précise que la porte de la chambre était fermée et que Louis X... se tenait devant ; que l'existence d'une contrainte morale ressort de cet ensemble de circonstances comment douter de la pression exercée par un adulte, encore une fois assisté de sa fille, amie de la victime, pour obtenir un acte indécent de la part d'une jeune fille qu'il retient malgré elle ; que rien ne permet de dire que la jeune fille a adhéré et consenti à cet acte tout aussi ridicule qu'obscène sachant que le reste du dossier démontre que Louis X... s'est attaché pendant toute une période à satisfaire ses penchants sexuels sur une quantité de jeunes filles, ramenées à la maison par sa propre fille et que les initiatives viennent de lui seul et non de ces dernières ;

"alors que pour pouvoir retenir la contrainte, élément constitutif des agressions sexuelles, les juges doivent constater qu'elle était irrésistible ; en constatant que la contrainte résultait du fait que Louis X... était devant la porte fermée de la chambre où se trouvait Cindy Z..., la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'attitude du prévenu était menaçante et avait pu annihiler toute volonté de Cindy Z..., a privé sa décision de base légale" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 227-22 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Louis X... coupable de corruption de mineures, Julie A... et Cindy Z..., et l'a condamné pénalement ;

"aux motifs que les déclarations de mineures sont constantes et concordantes sur les circonstances dans lesquelles elles ont été amenées à assister aux ébats amoureux du couple X..., le prévenu ne pouvant soutenir n'avoir pas eu l'intention de pervertir les jeunes filles dès lors que celui-ci se servait de sa fille comme recruteur, s'arrangeait pour être vu, regardait dans leur direction pendant l'acte, se mettait devant la porte pour se masturber sachant chaque fois que l'une ou l'autre des amies de sa fille était présente au domicile (ce que confirme d'ailleurs son épouse qui déclare qu'il était plus demandeur de rapports amoureux lorsque les amies de sa fille étaient présentes) ;

qu'il ressort également des déclarations des victimes ainsi d'ailleurs que de celles d'autres jeunes filles que Louis X... notamment orientait les conversations sur le thème du sexe, s'exhibait en string, etc... ;

"alors, d'une part, que la corruption de mineur implique l'incitation des mineurs à accomplir des actes réprimés pénalement ; que dès lors que la loi n'interdit pas les relations sexuelles consenties avec des mineurs de plus de 15 ans, excepté avec un ascendant, une personne ayant autorité sur le mineur, ou une personne abusant de ses fonctions, il ne peut y avoir corruption de mineurs à inciter des mineurs de plus de 15 ans à se livrer à des rapports à caractère érotique ou sexuel ; que, par conséquent, la cour d'appel qui a qualifié de corruption de mineurs le fait de se livrer à l'acte sexuel devant un mineur, sans préciser à quel âge ces mineures avaient assisté à une telle scène, a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que le fait, commis par un majeur, d'organiser des réunions comportant des exhibitions ou des relations sexuelles, auxquelles un mineur de plus de 15 ans assiste ou participe suppose une pluralité de réunions pour être constitutif de corruption de mineurs ; qu'en l'espèce, si la cour d'appel fait état de plusieurs scènes au cours desquelles le prévenu avait un comportement impudique ou se livrait à des actes sexuels, elle n'a pas constaté que le prévenu s'était livré à de tels actes au cours de plusieurs réunions en présence de chacune des jeunes filles ; que dès lors, elle n'a pas suffisamment motivé sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Le Gall conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Lemoine conseiller rapporteur, M. Pelletier conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-85105
Date de la décision : 28/04/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, 28 mai 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 avr. 2004, pourvoi n°03-85105


Composition du Tribunal
Président : Président : M. LE GALL conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.85105
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